La modestie de Bruno Gollnisch lui fait souvent dire « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ». C’est exactement l’inverse qui survient lorsqu’on l’écoute : alors qu’on se regardait en se consolant, on se compare en se désolant. Cet homme est un tel concentré d’intelligence, de culture, d’humanité et de sagesse, qu’on se désole pour soi mais aussi pour la France qui aurait mérité qu’il la présidât. Mais à 72 ans, s’il est trop tard pour commencer une carrière de dictateur, il n’est pas encore trop tard pour d’autres destins.
Issu d’une famille qui a connu de grands hommes au service de la France, Bruno Gollnisch est né de parents plutôt libéraux, dont la mère, par loyauté à son propre père, était restée fidèle au Maréchal Pétain, pendant que son père était d’un avis divergent provoquant des accrochages politiques qui se concluaient sur un accord commun : « Tous ces hommes politiques de la IIIe République qui avaient fichu le camp et qui avaient laissé à ce vieillard, ce vieux Maréchal, le soin d’avoir à faire vivre le pays et sauver les meubles et faire encore tourner la baraque et nourrir la population, et qui étaient revenus après témoigner contre lui, ce n’était pas très glorieux. Et, me disait-on, il n’y a qu’un seul jeune député qui a osé le leur dire en face, il s’appelait Jean-Marie Le Pen. C’est la première fois que j’ai entendu parler de Jean-Marie Le Pen ».
Étudiant à Nanterre en 1968, il a vu l’université flambant neuve saccagée par les gauchistes. Il ne fréquentait pas les radicaux de l’époque, comme le mouvement Occident ou Ordre nouveau, ni n’était de ceux « qui maniaient la barre de fer contre les gauchistes, les Madelin, les Longuet, etc., mais je me suis défendu, en plus d’une circonstance ». Son récit in vivo des événements de 68, la radicalité des gauchistes, la paralysie du pays, le retour de de Gaulle et « son discours d’extrême fermeté qui a renversé la vapeur », explique comment tout cela « par enchaînements, à fait basculer la société française » et fait réussir la révolution culturelle.
Polyglotte, connaissant bien ou maîtrisant le latin, l’anglais, le portugais, le japonais et le malais indonésien, Bruno Gollnisch se destinait à une carrière diplomatique. Mais terminant son droit, passant par Sciences Po, puis fraîchement diplômé de langues orientales, il débute son service militaire comme officier de Marine en 1971, en tant que maître de camp de l’amiral. Dans cette vidéo, il multiplie les anecdotes pittoresques ou sérieuses, malheureusement souvent invité à accélérer son récit par l’intervieweur Paul-Marie Couteaux.
C’est en effet plusieurs heures qu’il conviendrait de consacrer à un tel personnage au parcours riche et passionnant. Plus jeune doyen de faculté de France à 30 ans, il accepte courageusement de rejoindre le Front national dont il sera l’un des 36 députés en 1986, lors du machiavélique scrutin à la proportionnelle organisé par Mitterrand et aussitôt retiré en 1988. Fidèle au mouvement depuis 1984, il est un historique du parti d’une loyauté sans faille mais qui ne sera pas toujours récompensée – que l’on se souvienne la claire préférence de Jean-Marie Le Pen pour sa fille lors de la transmission de pouvoir du parti. Il est par ailleurs député européen pendant 30 longues années.
Comme un épilogue (provisoire) à toutes ces années de combats politiques, Bruno Gollnisch s’interroge : « Lorsque je regarde en arrière, je me dis est-ce que tout cela était bien utile ? ».
Parlementaire d’opposition, c’est la chose la plus inutile du monde. C’est vox clamantis in deserto, la voix de celui qui crie dans le désert. Malgré tout, c’est la voix de saint Jean Baptiste qui crie dans le désert, celui que les chrétiens d’Orient appellent le Précurseur...
Et c’est dans cette tournure d’esprit positive que l’entretien se conclut :
La révolution mondialiste, dans le sens philosophique du terme, c’est-à-dire cette espèce d’utopie d’un monde où auraient disparu toutes les différences, etc., a beau agir, a beau détruire, on n’arrive pas à contraindre la nature humaine indéfiniment.
Nous invitons donc nos lecteurs à écouter cette passionnante conversation dont on regrettera qu’elle soit si courte.