Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a pris une décision spectaculaire en écartant de la vie politique et institutionnelle son conseiller spécial, Abdelaziz Belkhadem, une personnalité de premier plan qui ne cache pas son ambition de lui succéder.
Les titres de la presse ne laissent aucun doute sur l’ampleur de cette décision inédite : « Bouteflika bannit Belkhadem » (Le Soir d’Algérie), « Belkhadem excommunié » (El Watan), « Bouteflika efface Belkadem » (Echorouk), « Bouteflika veut enterrer Belkhadem », (Liberté).
La mise à l’écart de ce dignitaire a été annoncée mardi par une source de la présidence, citée par l’agence de presse APS, au moment où le chef de l’État présidait un Conseil des ministres. M. Bouteflika « a pris un décret en vertu duquel il a mis fin aux fonctions de M. Abdelaziz Belkhadem en qualité de ministre d’État, conseiller spécial à la présidence de la République ainsi qu’à toutes ses activités en relation avec l’ensemble de structures de l’État », selon cette source.
Il a été par ailleurs demandé au secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), au pouvoir en Algérie, de « mettre fin aux fonctions de M. Belkadem au sein du parti et d’interdire sa participation aux activités de l’ensemble de ses structures », selon la même source.
Des « fautes graves »
Aucune explication n’a été immédiatement fournie à cette décision brutale, mais selon presse, M. Belkhadem a été démis pour « avoir commis des fautes graves ». Il se serait rendu coupable d’avoir pris part lundi, sans l’aval de la présidence, à l’université d’été du parti islamiste du Front du changement en présence de figures de l’opposition, notamment M. Benflis, principal rival de M. Bouteflika à la présidentielle d’avril, selon le quotidien Echourouk, qui cite des sources gouvernementales.
Il lui est également reproché de ne pas avoir approuvé la participation de l’Algérie aux cérémonies du 14 juillet sur les Champs-Élysées, à Paris, considérée par M. Bouteflika comme « un hommage » rendu par la France aux victimes algériennes de la Première Guerre mondiale, selon un dirigeant du FLN cité par le journal Ennahar.
M. Belkhadem, un islamo-conservateur surnommé par la presse « barbe FLN », n’avait pas caché ses ambitions de succéder à M. Bouteflika si ce dernier ne s’était pas présenté à un quatrième mandat en avril dernier. Il est considéré comme une figure politique de premier plan en Algérie, après une carrière entamée en 1977 comme député au sein de la première Assemblée nationale sous le régime de l’ancien parti unique du FLN.
Il a ensuite dirigé l’Assemblée nationale entre 1990 et 1991, au moment de la victoire du Front islamique du Salut (FIS, dissous) aux premières élections législatives pluralistes du pays, dont l’annulation par les militaires avait entraîné l’Algérie dans une décennie de guerre civile qui a fait 200 000 morts. M. Belkhadem s’était à l’époque prononcé pour la poursuite du processus électoral, s’attirant les foudres des dirigeants de l’armée.
Après une traversée du désert de près de huit ans, M. Bouteflika, dès son arrivée au pouvoir en 1999, remet en scelle celui qui deviendra son homme de confiance en lui octroyant d’importantes responsabilités : ministre des Affaires étrangères de 2000 à 2005, représentant personnel du président de 2005 à 2006 et enfin chef du gouvernement de 2006 à 2008. En 2005, il prend les rênes du FLN après la chute de l’ancien secrétaire général et ex-Premier ministre Ali Benflis, à l’issue d’un bras de fer entre ses partisans et ceux du président Bouteflika, qui se disputaient le contrôle du parti dans la perspective de la présidentielle de 2004.
Déboires
Les déboires de M. Belkhadem commencent en avril 2012 quand une majorité des membres du comité central du FLN réclament son départ, l’accusant notamment de vouloir garder la mainmise sur le parti en prévision de la présidentielle d’avril 2014. Ses détracteurs ont fini par avoir le dernier mot en l’évinçant de la tête du parti, dont M. Bouteflika est le président d’honneur, lors d’une réunion houleuse fin janvier 2013.
Sa nomination comme conseiller spécial du chef de l’État à la mi-mars, peu avant le lancement de la campagne pour l’élection présidentielle du 17 avril, remportée par M. Bouteflika, perçue un temps comme la fin de sa disgrâce, n’était en fin de compte qu’un peu de répit dont a bénéficié M. Belkhadem avant la mise à mort de son ambition présidentielle. Privé de la machine électorale du FLN, M. Belkhadem aura du mal à engager une quelconque bataille électorale.