Le mercredi 6 janvier 2016 est un jour spécial pour France Inter, et pour la France entière : c’est la rédaction de Charlie Hebdo qui fait office de rédacteur en chef, et a donc la main sur les invités. L’invité principal de la matinale est une invitée : Élisabeth Badinter. Patrick Liste Noire Cohen reste à l’animation, mais c’est la dessinatrice muette Coco et le patron du journal Riss (le gros coactionnaire qui gère les 20 millions d’euros de trésor) qui posent les questions. Enfin, qui essayent.
Visiblement, la Badinter ne fait pas partie de la liste noire de Patrick. Soit parce qu’elle est une femme, soit parce qu’elle est la richissime héritière du fondateur de Publicis. On ne saura pas. Peut-être les deux. En tous les cas, elle correspond parfaitement aux catéchismes croisés de France Inter et de Charlie, puisque Patrick ne pique pas sa colère habituelle, rappelez-vous sa crise d’hystérie avec les « cerveaux malades » (on pouvait à juste titre se demander qui était le cerveau malade). La preuve, tout le plateau se moque du pape et du Vatican. Un pape qui avait en 2006 critiqué la provocation islamophobe du journal, journal qui avait gagné son procès contre les forces du mal (les islamistes et les musulmans ), aidé en cela par le futur président de la République Nicolas Sarkozy, qui venait juste d’incendier les banlieues du pays... Une sacrée sédimentation idéologique, bien au-delà des frontières droite/gauche. Un parfum d’UMPS à la sauce prosioniste, déjà...
« Je suis à la limite très choquée de ce que le pape en a appelé à la claque »
Oui, le pape avait dit, en substance, que quand on insultait sa mère, on devait s’attendre à prendre une baffe. Moyennement chrétien, certes. Cependant, on n’a pas entendu la Badinter sur les imprécations guerrières de BHL en 2011, avant la destruction de la Libye, mais c’est un autre sujet. On ne peut pas tout mélanger.
Tout le monde se retrouve donc sur la même ligne (il n’y a pas de débat, donc pas d’intérêt, c’est l’inconvénient d’occuper un média de service public en n’invitant que ses proches idéologiques), ce qui est rassurant pour la civilisation. Ceux qui croyaient que ce journal satirique était antisystème en seront pour leurs frais. Le grand moment, c’est quand Patrick Liste Noire fait la promotion de l’article de Richard Malka, ce grand défenseur des opprimés (de Clearstream contre Denis Robert et de Valls contre Dieudonné), un éloge de la laïcité dans le dernier numéro de Charlie sorti ce même 6 janvier. Une laïcité qu’il ne faut pas, comme dirait Badinter, laisser à Marine Le Pen. On dirait pourtant que ça les arrange bien... au vu de la ratonnade qui se prépare.
Bref, tous ces représentants de l’entre-soi dominant sont contents, leur système de pensée exclusif a complètement explosé, leur positionnement absurde a fini dans le sang, mais c’est pas grave, ils ont raison, ils sont Raison. Plus personne de sérieux n’écoute leurs divagations, les contrevérités s’empilent mais c’est pas grave, ils possèdent tous les moyens d’expression, ils ont tout confisqué, tout ça pour exprimer du faux : TSV, tout sauf la vérité. Et les pauvres survivants de la tuerie, devenus riches malgré eux, semblent tellement perdus au milieu de cette récupération spectacle.... Car maintenant le Système peut viser sans vergogne les coupables tout désignés par... lui-même, en exhibant les victimes de la barbarie, du totalitarisme, alors que le totalitarisme, c’est lui-même.
C’est tellement ignoble que les victimes sacrificielles, qui ont été entraînées dans le piège islamophobique, ne peuvent pas s’en rendre compte. Elles ont servi d’appâts. D’où ce malaise persistant, nappes de brouillard sur l’entendement, silences qui planent sur un débat surréaliste... On aurait l’esprit tordu – le cerveau malade ! –, on dirait que ça ressemble à une réunion entre représentants des commanditaires et représentants des victimes... reconnaissantes !
« Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe »
On n’est pas loin de « il ne faut pas avoir peur de ratonner », conclusion logique de ce dispositif profond venu de loin (2006-2015). Il faut le voir pour le croire. De la part d’une « philosophe ». Le piège se referme tranquillement sur les deux innocents en plateau. Ils ont payé avec le sang de leurs camarades, ont été gavés de fric, mais ce sont les autres qui ramassent la mise politique.
On aurait été Riss et Coco, on aurait été invités pour servir de cautions à la guerre ouverte contre les musulmans – comprendre en creux la glorification de l’élite agissante –, on aurait renversé la table des organisateurs de cette sinistre farce. Mais ça ne se fait pas, et nous sommes non-violents. Et puis on ne sera jamais invités sur le service public, faut pas rêver. En même temps, c’est pas en écrivant ces absurdités sorties d’on ne sait où qu’on y arrivera. Le service public, ça se mérite.
Vite, allons soigner notre cerveau chez le Dr Cohen !