Le site d’Arte a conçu un dossier très complet sur Areva et l’affaire Uramin, qui prend un relief nouveau au moment où le groupe annonce des milliers de licenciements. Comment la filière nucléaire française, si glorieuse, si puissante, engagée dans le IIIe millénaire avec l’EPR, a-t-elle pu se fissurer ainsi ? 4,8 milliards de perte nette en 2014, et 7,2 milliards de dette financière !
La guerre des chefs, de Lauvergeon à Varin en passant par Proglio, les projets présomptueux, la concurrence internationale, la faiblesse commerciale française, ou bien les choix politiques douteux, quels sont les facteurs déclencheurs de ce désastre industriel pour le pays ? Car Areva est à 87% la propriété de l’État, donc de nous tous...
Areva et Uramin, une énigme à 3 milliards d’euros
C‘est une enquête en terrain miné, où les acteurs troubles et puissants avancent masqués. Elle part d’une question simple : pourquoi et comment trois milliards d’euros sont-ils partis en fumée dans des mines d’uranium qui ne valaient rien ?
Tout commence en 2007 avec le rachat par le géant nucléaire français Areva d’une petite société canadienne, Uramin. Elle détient des gisements dans trois pays africains. Ce contrat, l’un des plus gros de ce siècle en France, s’est transformé en une catastrophe financière pour la société que dirigeait Anne Lauvergeon, alias « Atomic Anne ». Quels secrets ce gigantesque fiasco cache-t-il ? Chefs d’État, affairistes financiers de tous horizons, hommes politiques troubles, capitaines d’entreprise déchus se croisent dans cette sulfureuse histoire planétaire.
Longtemps attentiste, la justice française a commencé à se pencher sérieusement sur l’affaire en annonçant le 28 mai [2015, NDLR] l’ouverture de deux informations judiciaires contre “X”. La première, qui concerne les conditions et les circonstances de l’achat d’Uramin, est ouverte pour “escroquerie, abus de biens sociaux, corruption d’agent public étranger”. La seconde, ouverte pour “diffusion de fausses informations aux marchés, présentation de comptes inexacts, abus de pouvoir, faux et usage de faux” est susceptible de viser notamment Anne Lauvergeon.
De la brousse centrafricaine au tribunal de Paris en passant par La Hague, les équipes de Slug News et Hexagones.fr ont enquêté pour ARTE sur cette brûlante saga. Dans ce webdoc, nous vous proposons des images exclusives, des documents inédits, des portraits. Révélations sur ce qui s’annonce en France comme un scandale d’État.
Areva dans une impasse financière
Comment cette situation s’est-elle produite ? Deux gros dossiers expliquent l’essentiel des difficultés : les aventures minières qui ont tourné au désastre, Uramin n’en étant que le cas le plus lourd, et le désastreux chantier de l’EPR en Finlande, qui, bien avant le chantier de l’EPR de Flamanville, a accumulé déboires, retards et explosion de la facture.
Mais le très grave accident nucléaire de Fukushima en mars 2011 a aussi fait très mal au groupe français. Jusqu’à cette date, Anne Lauvergeon, l’emblématique présidente du directoire d’Areva de 2001 à 2011, était persuadée, et avec elle toute la classe politique, que le nucléaire était en train de vivre un nouvel âge d’or. Les ventes d’EPR devaient se multiplier un peu partout sur la planète.
Pour préparer ces futurs marchés, Areva a multiplié les investissements dans toute la chaîne. Anne Lauvergeon souhaitait en effet contrôler tout le cycle du nucléaire, de l’extraction du minerai d’uranium jusqu’à son retraitement. Ces investissements sont aujourd’hui devenus inutiles, la plupart des pays intéressés par le nucléaire ayant abandonné leurs projets après Fukushima.
Areva doit maintenant faire face à des activités surdimensionnées pour leur activité réelle, à un gros endettement initié pour financer tous ces investissements non rentables, et à des caisses vides pour tout rembourser. La nouvelle direction de l’entreprise a annoncé la suppression de 6000 emplois dans le monde, dont 3 à 4 000 en France. Des négociations ont aussi lieu au plus haut sommet de l’Etat pour permettre à EDF de récupérer tout ou partie d’Areva NP, la division en charge de la conception et de la fabrication des réacteurs nucléaires.