On a préparé un article il y a quelques années qui s’intitulait « Juif contre juif au sommet », dans lequel on listait toutes les oppositions de style ou de pensée entre les personnalités françaises de confession juive.
On avait Hanouna contre Arthur, BHL contre Zemmour, Attali contre Netanyahou, et même, pour rire, Goldnadel contre Goldnadel, puisque ce dernier était à la fois pro-migrants et anti-migrants : immigrationniste pour les Français (en dirigeant Avocats sans frontières), anti-immigrationniste pour les Israéliens. C’est pas nous, m’sieur l’agent, c’est Wikipédia qui le dit :
Gilles-William Goldnadel est le fondateur et président de l’association Les juristes juifs pour les droits de l’homme en 1983, qu’il rebaptise Avocats sans frontières en 1987 (à ne pas confondre avec l’ONG internationale du même nom ASF, basée en Belgique et fondée en 1992). Il préside l’association France-Israël.
On a préféré ne pas le diffuser, pour d’obscures raisons, possiblement relatives à un léger défaut de richesse. Et voilà qu’un duo magnifique surgit dans l’actualité, sans prévenir, et sans qu’on n’ait touché à rien. Notre consolation : on ne pourra pas nous accuser d’obsession judéo-centrée.
La brouille entre le juif de droite et le juif de gauche a même pris des allures de vannes tout droit sorties des années 30 :
À plusieurs reprises, Wargon fait finement allusion à mon âge . Je préfère mon âge à son physique https://t.co/z9IJsnhn1k
— G-William Goldnadel (@GWGoldnadel) March 28, 2025
Ce genre de baston arrive tous les jours sur X, mais là, comme ça touche à la corde sensible de l’antisémitisme, ça vibre douze fois plus fort sur la Toile.
Les échanges précédents étaient moins physiologiques, plus politiques, mais ça n’a pas fini en accolade autour d’un falafel, avec réconciliation sur le dos des vilains Français (non juifs et non musulmans).
Pauvre Wargon , marié à la fille Stoleru . Le juif bourgeois de Cour par excellence. Qui n’a jamais rien fait de sa vie , ni pour les juifs victimes de l’islamisme ou de ce gauchisme qu’il protège , ni pour Israël agressé. Effectivement il mérite la gerbe . https://t.co/ZxTI0P8RDg
— G-William Goldnadel (@GWGoldnadel) March 27, 2025
Encore une perle puante et raciste de @wargonm qui ramène aux origines et qui insulte. À part ça , le type est susceptible. Il est dans l’ADN du gauchiste de salon de cracher sur les autres mais de ne tolérer le moindre postillon. https://t.co/VvsX4ulK7u
— G-William Goldnadel (@GWGoldnadel) March 27, 2025
Il est évident pour tout le monde que Goldnadel roule pour le RN, ou plutôt le RN pour Goldnadel, la position des mots étant importante dans la phrase. Le fait est que Wargon, un peu à l’image de Julien Dray, n’a pas suivi l’actu et la nouvelle ligne du lobby juif profond (tiens, un nouveau concept), qui est évidemment toujours pro-Israël, mais en changeant d’alliance ou de vassal au sein du paysage politique français. Ce qu’on serine depuis des années sur ce site éclate aujourd’hui au grand jour.
En passant, on peut même dire que la communauté organisée fonctionne elle aussi sur le principe du conflit triangulé : le lobby de gauche, le lobby de droite, et la Banque (ou le pouvoir profond) au-dessus. On schématise, bien sûr.
Cependant, le lobby juif immigrationniste des années 80, lié au PS, n’est pas mort : c’est le PS, qui lui a servi de canasson, qui est mort. Ce même lobby, en partie, est parti chevaucher le RN, qui s’est débarrassé de JMLP, qui était trop rétif, trop ruade, trop rodéo. Le RN devrait peut-être retenir cette leçon historique...
Aujourd’hui, le LJG (lobby juif de gauche) est toujours là, notamment avec BHL, qui a eu des mots avec Zemmour, mais les deux ne sont au fond pas incompatibles : ils enserrent et délimitent le champ politique français. Plus à gauche idéologiquement que BHL (multimillionnaire, mais c’est pas grave) y a pas ; plus à droite que Zemmour, y a pas non plus. Et de toute façon, c’est pas vraiment permis. En revanche, tous s’entendent pour interdire un parti anti-BHL et anti-Zemmour, ou anti-Goldnadel et anti-Wargon, un parti populiste français qui ratisserait large de gauche à droite. Là, c’est l’union sacrée de chez sacrée contre la concurrence déloyale française !
Finalement, peut-être qu’on va ressortir notre papier sur les oppositions au sein du lobby juif français... Comme cadeau bonux, on vous met le développement de Marianne sur le sujet, qui s’est un peu planté, puisqu’il focalise sur les expressions utilisées par Goldnadel considérées comme antisémites. Lui a visiblement le droit de les utiliser, puisqu’il est juif. Mais alors, si Wargon lui fait un procès pour antisémitisme, qui les parties civiles habituelles vont-elles soutenir ? Vont-elles elles aussi se déchirer ? Bonjour le mal de tête, comme dirait Bruel dans ses commentaires de poker.
Golnadel contre Dray
Arthur contre Hanouna
BHL contre Zemmour
Attali contre Netanyahou
Affichant son désaccord politique sur le voyage de Jordan Bardella en Israël, l’avocat franco-israélien Gilles-William Goldnadel a qualifié l’urgentiste Mathias Wargon de « juif bourgeois de Cour par excellence ». Une accusation historiquement chargée, et qui assigne le médecin à son origine.
Il y a toujours quelqu’un pour récupérer le bâton de l’antisémitisme. Cette fois, c’est l’avocat Gilles-William Goldnadel qui a choisi l’arme de l’essentialisation contre un membre de la « communauté » qui n’est, simplement, pas d’accord avec lui. Sur X, jeudi 27 mars, le Franco-israélien, qui ne cache pas sa sympathie pour le Rassemblement national – surtout depuis qu’il se présente comme le « meilleur bouclier contre l’antisémitisme » –, a qualifié le célèbre urgentiste Mathias Wargon de « juif bourgeois de Cour par excellence ». Par cette saillie, le polémiste dessine en creux sa vision : un juif se devrait d’être favorable au RN face à l’antisémitisme de gauche et à l’islamisme, sans quoi il serait un suppôt du macronisme et un idiot utile de l’islamisme. Retour sur un épisode d’assignation identitaire, qui va plus loin que l’injure antisémite.
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L’histoire du « juif de Cour »
La notion de « juif de Cour », qui n’est originellement pas péjorative, est historiquement chargée, et a été instrumentalisée dans l’histoire. Au XVIIe et XVIIIe siècle, on utilise cette expression pour qualifier un juif occupant de hautes fonctions auprès d’un seigneur du Saint-Empire romain germanique. Mais au fil des siècles, la légende noire du juif proche du pouvoir et boursouflé de richesses sur le dos des travailleurs exploités s’impose. Le juif est alors décrit comme manipulateur des puissants pour son propre intérêt. Cette instrumentalisation sera notamment reprise dans la propagande nazie, avec comme symbole Joseph Süss Oppenheimer. Financier et conseiller du duc de Wurtemberg, cet ancien collecteur d’impôts a été arrêté après la mort de son seigneur et accusé de trahison pour son action contre les privilèges du Parlement. Finalement, il meurt pendu par la régence. Deux siècles plus tard, en 1940, l’histoire du « juif Süss » est déformée et utilisée dans l’un des principaux films de propagande nazie supervisé par Joseph Goebbels lui-même.
Si le parallèle a ses limites, Gilles-William Goldnadel utilise tout de même un stéréotype qui n’a rien de neutre. Par l’appellation de « juif de Cour », il accuse Mathias Wargon de collusion avec le pouvoir, lui se situant du côté des juifs populaires, en première ligne de la haine antisémite. Cette affaire rappelle d’ailleurs l’affaire Taha Bouhafs : l’ancien candidat LFI aux législatives avait été condamné pour « injure raciste » pour avoir qualifié la syndicaliste policière Linda Kebbab d’ « arabe de service ». Certains internautes se sont chargés de mettre en évidence ce parallèle auprès de Gilles-William Goldnadel, qui s’est empressé de rappeler à Mathias Wargon que lui aussi avait eu recours à la même méthode : en 2021, le médecin avait traité l’énarque d’origine égyptienne Jean Messiha – membre du parti d’Éric Zemmour – de « bon arabe de l’extrême droite ». Là encore, une idée sous-jacente : l’origine ethnique, ou la religion, devrait déterminer un positionnement politique, et exclure toute prise de parole dissidente par la qualification automatique de trahison.
C’est la même sommation à la solidarité identitaire qui s’abat sur les juifs en opposition avec la guerre du gouvernement Netanyahou à Gaza, ou sur les Algériens critiques du régime d’Abdelmadjid Tebboune. Un message raciste n’excuse pas une attaque antisémite, pas plus qu’être soi-même juif l’autorise. Pour des débats de fond, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, il serait bon que chacun s’écharpe – si l’on tient vraiment à s’écharper – sur la base d’arguments, plutôt que sur l’appartenance, supposée ou réelle, à une ethnie ou à une religion. C’est, en somme, la promesse républicaine de liberté de conscience et de dépassement des déterminismes de toutes natures.
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