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Amérique latine : l’Empire utilise la Colombie contre le Venezuela

Juan Manuel Santos est arrivé au sommet de la rhétorique tordue : dernièrement, il a assuré que le Venezuela était son « pire cauchemar ».

 

L’agence EFE elle-même reconnaît que « dans les dernières semaines, il a durci son discours contre le Gouvernement de Nicolás Maduro ». Ce durcissement progressif du discours du président colombien contre le gouvernement Bolivarien et son agressivité concernant les affaires intérieures du Venezuela sont directement proportionnels aux échecs des tentatives de déstabilisation du chavisme de la droite vénézuélienne.

L’insolence de ses déclarations publiques sur la convocation de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), puis sur son installation et sur les élections des gouverneurs, son « exigence » d’élections générales au Venezuela et ses remises en question du Conseil National Electoral (CNE) ridiculisent la direction de l’opposition vénézuélienne qui semble ne pas pouvoir défendre cela toute seule.

Cependant, le premier à avoir lancé cette idée contre le Venezuela, c’est Julio Borges qui, au début de l’année, a déclaré devant le Sénat colombien que « tant qu’il n’y a pas de démocratie au Venezuela, le processus de paix en Colombie court un danger. »

Le sénateur colombien Iván Cepeda a été le seul à élever la voix pour se démarquer et rappeler que la Colombie a une dette de reconnaissance envers le gouvernement vénézuélien, selon ses mots, à cause du soutien qu’il a apporté au processus de paix et envers le peuple vénézuélien en général qui accueille depuis des années les millions de Colombiens qui ont quitté le pays pour fuir la pauvreté et la violence.

En général, l’idée que le Venezuela est une menace pour toute la région s’est installée suite à l’ordre exécutif signé par Obama en 2015 renforcé en août de cette année par le vice-président étasunien qui déclare que le pays est un danger pour tout l’hémisphère. Évidemment, cette idée se renforce grâce au soutien de médias comme El Nuevo Herald qui ont titré à la même date que la crise au Venezuela était un danger pour la Colombie.

 

Idées violentes

À la base, 3 idées ont été installées pour rendre le Venezuela responsable de l’échec de la « paix de l’après-guerre » :

S’il y a une implosion au Venezuela, ce ne sont pas 500 000 personnes que nous allons recevoir, ce qui est la quantité que nous avons reçue, ce seront des millions de personnes et cela va être un problème terrible pour la paix et pour la Colombie en général.

Le premier chiffre que donne Santos est déjà faux. La soi-disant crise de réfugiés en provenance du Venezuela qui ferait s’effondrer l’économie colombienne et que Santos craint, commence soi-disant avec une première entrée de 500 000 personnes qui, selon ce qu’il dit, se sont déplacés vers la Colombie. Mais, selon le département de l’immigration colombien, 71 % de ces personnes qui passent la frontière le font pour faire des achats, des travaux temporaires ou rendre visite à leur famille et elles rentrent presque toutes au Venezuela.

Les autorités colombiennes disent que 70 % des personnes qui viennent du Venezuela pour s’établir en Colombie y sont nées ou appartiennent à des familles mixtes. Ce seraient donc des Colombo-Vénézuéliens et on devrait alors parler de retour de Colombiens plus que d’un déplacement.

La dernière donnée bizarre est que, si le chiffre donné par Santos et ses représentants est correct, ce retour n’atteindrait même pas 10 % du nombre de Colombien installés au Venezuela. Ce qui est incohérent, c’est qu’un gouvernement qui se dit prêt à sauver la population vénézuélienne d’une soi-disant « crise humanitaire » n’ait mis en place dans ses consulats aucun plan spécial pour que cette population colombienne qui représente environ le sixième de la population du Venezuela puisse obtenir de la nourriture, des produits d’hygiène personnelle ou des médicaments.

Une politique étrangère responsable de la part du gouvernement suffirait. Le gouvernement colombien ne s’occupe pas de ses ressortissants à l’étranger et en même temps craint qu’ils rentrent massivement en Colombie. La question est : si le Venezuela est le chaos et la Colombie la paix, pourquoi ce retour massif n’a pas eu lieu.

Le chaos au Venezuela contribue à la renaissance des Rastrojos [1] de Colombie

Cette idée tendancieuse est née d’une étude de la Fondation Idées pour la Paix (FIP) intitulée Crime organisé et saboteurs armés en temps de transition.

La paix au Venezuela, par contre, est sérieusement menacée par cette nouvelle étape de l’impérialisme.

Ce rapport décrit la façon dont le renforcement de petits groupes du crime organisé comme Los Rastrojos peut mettre en très grand danger la soi-disant transition en Colombie et signale le Venezuela comme une route obligée du trafic de drogues dans lequel ce groupe s’est rétabli et renforcé.

Cette fondation, créée par le patron colombien dans des buts économiques évidents concernant les nouvelles affaires de ce qu’on appelle « l’après-guerre » a le soutien de l’USAID, de la BID, des Gouvernements de la Suède et des États-Unis, entre autres, ce qui peut remettre en question l’objectivité de ses études.

De plus, l’exportation du para-militarisme vers le Venezuela a été planifiée et mise en place avec la participation des gouvernements d’Álvaro Uribe et de Santos, de certaines entreprises transnationales et, évidemment, de la droite vénézuélienne. Cette dernière les utilise pour soutenir ses opérations de contrôle territorial appelées guarimbas, la résistance de la mafia des grands propriétaires terriens aux expropriations de leurs latifundios décrétée par le président Chávez et les tentatives récurrentes pour organiser des opérations terroristes au Venezuela comme par exemple l’Opération Daktari.

Le para-militarisme colombien se renforce à l’intérieur de la Colombie en occupant les territoires abandonnés par les FARC et en s’imbriquant de plus en plus dans l’économie et dans la politique du pays. Le Venezuela est clairement la victime d’une invasion paramilitaire venant de Colombie, non l’assassin.

La grave crise des institutions qui porte un coup au Venezuela s’est répercutée dans la politique colombienne et menace de contaminer le climat de l’après-guerre entre l’Etat et les FARC et surtout, le dialogue avec l’Armée de Libération Nationale (ELN).

Par contre, le rôle du Venezuela dans l’accord signé avec les FARC a été reconnu par cette guérilla et par des organismes internationaux. Pour sa part, l’ELN a déclaré que « le conflit politique que traverse le Venezuela mérite le respect des Gouvernements voisins, en particulier celui du Gouvernement colombien, sans autorité morale ».

Le Venezuela est l’un des pays qui, suite à un accord entre l’ELN et le gouvernement, est devenu l’un des pays qui accompagnent le processus de dialogue de paix et son rôle n’a pas été remis en question. Santos sait que la participation du Venezuela est aussi importante dans le dialogue avec l’ELN qu’elle l’a été dans le dialogue avec les FARC.

 

Blocus étasunien

La paix de la Colombie n’a pas encore commencé à se construire. « L’après-guerre » dont on parle tant n’est qu’une réalité partielle en termes militaires. Les véritables menaces de cette paix éventuelle sont liées aux contradictions historiques qui persistent en Colombie et qui en font géopolitiquement un pays sans souveraineté, au service des intérêts transnationaux prêts à installer la violence dans toute la région pour contrôler ses ressources naturelles, minières et énergétiques.

Le gouvernement de la Colombie attaque avec véhémence le Venezuela pour continuer à rendre invisible son propre conflit intérieur, justifier son adhésion à l’OTAN et une présence militaire étasunienne plus importante sur ses propres frontières, mettre sa nouvelle doctrine militaire à l’épreuve sur le terrain, continuer à stimuler l’économie liée à la guerre et au trafic de drogues et à recevoir les millions de dollars que les États-Unis lui ont garantis ces dernières années.

Les manœuvres militaires Amazonlog 2017 marquent une nouvelle relation entre les États-Unis et le Brésil qui, jusqu’à présent, avait montré de la résistance avant de se soumettre et le Venezuela est maintenant encerclé par pas moins de 15 bases militaires étasuniennes qui, à la fin, couvriront les 4 points cardinaux.

Même ainsi, la Colombie reste l’avant-garde politique et militaire, bien placée pour être le centre géo-stratégique des opérations en Amérique du Sud, empêcher la reconfiguration des forces de gauche sur le continent, vaincre la Révolution Bolivarienne et, en somme, garantir le contrôle militaire des États-Unis sur la région alors qu’ils ont perdu leur hégémonie économique sur le monde face aux puissances émergentes comme la Chine et la Russie.

La paix au Venezuela est sérieusement menacée par cette nouvelle étape de l’impérialisme qui a besoin d’États-nations encore plus faibles et d’une guerre sans fin. Avec toutes ses erreurs et ses faiblesses, la construction historique de la Révolution Bolivarienne est, non pas l’unique mais la plus grande et la plus importante barricade installée dans les Caraïbes pour contenir l’avancée violente du pays de James Monroe et donner à toute la région la possibilité de construire son histoire dans la paix.

Notes

[1] Le RCP ou « Rastrojos » était une armée privée créée par le trafiquant de drogue Wilber Varela (https://es.wikipedia.org/wiki/Los_R...)

Comprendre la situation au Venezuela avec Kontre Kulture :

Maduro résiste à l’Empire ! Voir sur E&R :

 






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