Les rafles et expulsions de migrants subsahariens se banalisent en Algérie sans que les autorités ne s’en émeuvent. Le racisme contre les Noirs est assumé sans complexe par les plus hauts responsables algériens. L’enchaînement des mesures incline à penser qu’il s’agit d’une politique d’État.
Décembre 2016, le Mali, le Niger, la Guinée et plusieurs pays subsahariens se réveillent en apprenant avec stupéfaction que l’Algérie vient de lancer la plus grande chasse à l’homme noir depuis 1962. Certes, elle avait commencé sous Abdelmalek Sellal mais elle connaît son paroxisme depuis la nomination à la tête du gouvernement algérien d’Ahmed Ouyahia.
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On aurait pu croire isolés les propos de Farouk Ksentini, avocat et président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, et surtout conseiller d’Abdelaziz Bouteflika, qui a fait cette déclaration stupéfiante : la présence des migrants africains expose les Algériens « au risque de propagation du sida ainsi que d’autres maladies sexuellement transmissibles ». Et d’encourager les autorités à expulser les migrants africains, « pour arrêter cette catastrophe qui nous est imposée ».
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Tout s’est accéléré en juin dernier avec une campagne de hashtags racistes sur les réseaux sociaux : « #Non aux Africains en Algérie », « #Nettoyer les villes », qui avait provoqué l’indignation de certains intellectuels algériens, des médias, des responsables des droits de l’Homme et d’ONG et des citoyens algériens.
Toutefois, à la lumière de ce qui a suivi, on peut se demander si cette campagne n’était pas téléguidée depuis le sommet de l’État algérien pour torpiller la politique initiée par le Premier ministre tebboune.
Ainsi, le 9 juillet 2017, Ahmed Ouyahia, ministre d’État et surtout directeur de cabinet du président algérien Abdelaziz Bouteflika, faisait des déclarations scandaleuses, décrétant que « ces étrangers en séjour irrégulier amènent le crime, la drogue et plusieurs autres fléaux », avant d’ironiser en ajoutant « on ne dit pas aux autorités, jetez ces migrants à la mer ou au-delà des déserts ». Pour les Algériens, aucun doute, le message est venu d’« en haut », sachant que Ouyahia est considéré comme l’un des hommes plus les proches de Bouteflika.
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Nommé au poste de Premier ministre, Ouyahia obtient « carte blanche », si ce n’est l’ordre de mission pour peaufiner et exécuter sa « solution finale » : plus de migrants subsahariens en Algérie, légaux ou illégaux.
Du coup, c’est le début des rafles, une véritable chasse à l’homme noir qui n’épargne aucun lieu : mosquées, appartements, lieux de travail, rues. Après avoir rempli les centres de transit, le 1er août, les nouvelles autorités algériennes annoncent la reprise des expulsions de migrants subsahariens...
Et comme l’avait prédit Ouyahia, on jette ces migrants « au-delà des déserts ». les migrants arrêtés à Alger et sa périphérie, ainsi qu’à Blida, sont conduits dans un camp de transit, à Réghaïa, dans la banlieue algérienne, dans des conditions répugnantes. [...] Puis les migrants sont conduits dans des conditions inhumaines à Tamanrasset, près de 2 000 km au sud, avant d’être abandonnés par les autorités algériennes à la frontière avec le Niger. Ils doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres à pied dans le désert pour espérer arriver au premier village nigérien après la frontière algérienne. Affamés, nombreux n’arrivent pas à joindre ce village.
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Heureusement, toute la société algérienne n’est pas aussi brutale.
« Nous devons réagir et montrer que les personnes qui tiennent ces propos ne reflètent pas l’ensemble de la société algérienne. Nous sommes un pays africain. Nous avons des compatriotes qui ont une couleur de peau plus foncée. Il est important que nous travaillions sur la tolérance et l’acceptation de nos différences » (Hassina Oussedik, présidente de la branche algérienne d’Amnesty International)
جزائريون بقلب أبيض
#لا_للافارقه_في_الجزاير pic.twitter.com/7ow4vlpF4t— Fetheddine Mihoub (@Fatehddine) 24 juin 2017
D’un autre côté, alors que l’Algérie essaye de se débarrasser du problème des migrants, peut-être pour en faire le contre-feu de ses propres problèmes sociaux, beaucoup de jeunes tentent d’obtenir un visa pour la France. Le site marocain afrique.le360.ma a littéralement exulté en montrant la foule qui se pressait dimanche 29 octobre 2017 pour passer le test de français, nécessaire à l’obtention du précieux visa :
Si le média en ligne marocain parle de 30 000 jeunes Algériens « prêts à mourir pour décrocher un test sans lequel il est impossible d’obtenir une préinscription dans les établissements d’enseignement français », et de plusieurs « milliers » devant l’Institut français d’Alger, les journalistes français parlent plutôt de « centaines » de personnes :
Sans comparer les migrants subsahariens qui « montent » du Niger ou du Mali vers l’Algérie avec les jeunes Algériens qui veulent tenter leur chance en France, il est clair que la décence voudrait qu’on traite les uns comme on voudrait que les autres nous traitent.