Que le petit Jardin raconte n’importe quoi dans ses livres ou les médias – on appelle ça accessoirement de la fiction – ce n’est pas grave. Cela fait partie de la « culture française ». Le Temps fera son tri, avec la table des princes à sa droite, et la poubelle à sa gauche. Pas la peine de s’énerver en temps réel. Mais que Le Monde, ce grand donneur de leçons, s’empare de la parole de ce farfelu pour en faire de l’information, cela devient subitement plus sérieux. On se doute que c’est pour des raisons bassement idéologiques, ou intéressées.
La lutte contre la Bête immonde ne fait pas dans la dentelle, et encore moins dans la déontologie.
Passons sur les anecdotes rétroactives inventées d’Alexandre (et dénoncées en leur temps par ses proches), et concentrons-nous sur le contenu politique de l’entretien complaisant.
En préambule, on applaudit le travail de l’association Lire et faire lire, où des anciens donnent aux jeunots le goût de la lecture, qui peut changer une vie. C’est parfois le seul moyen de sortir d’une existence merdique ou mal tracée. Pour certains évadés, il y a UN livre qui a été une porte ouverte (dans la cage) sur le monde. Car on ne s’enfuit pas de ses déterminismes avec ses jambes, mais avec son esprit. Donc toute initiative pour élargir les chances de survie mentale aux enfants nés dans des familles sans culture est à saluer. On n’est pas là pour piétiner le Jardin, tout de même.
Cependant, assez rapidement, dans l’interview – on n’est pas au Monde pour rien –, il est question du FN, automatiquement rattaché à Laval (Pierre, sur la photo), Vichy, la Collaboration. Car Jean Jardin, le papi d’Alexandre, est dircab de Laval. Du coup, le petit-fils veut réparer sa lignée et, pourquoi s’arrêter en route, la France. Un désir louable qui rappelle en moins grand (et moins gland) les lubies du mage Attali, qui fonctionne sur une eschatologie dangereusement branque.
« Moi, le petit-fils de collabo, je ne laisserai pas le pays à l’extrême droite. »
Dommage, Alex aurait pu s’occuper de refiler le virus du livre aux mômes sans tartiner le tout d’une épaisse couche de sauce antifasciste à deux francs. Car ce que cet hurluberlu ignore, c’est que le prolongement politique de son travail associatif sert le fascisme d’aujourd’hui ! Merde alors, ça c’est con. Ben oui, c’est pour ça qu’il se pare des oripeaux de l’antifascisme, le loup sous la peau de mouton, un classique de l’ingénierie sociale de base. Ce niveau de lucidité ne lui étant pas donné – Alex n’est pas un politique – il lui sera beaucoup pardonné. Ça ne l’empêche pas de donner des gages à la bien-pensance socialo-sioniste, appelons un chat un chat. Mais ça ne suffit pas, et Le Monde le taxe sournoisement de « populiste ». Que le prestigieux journal interne de la triade économico-bancaire BNP (Bergé-Niel-Pigasse) nous permette de citer la réponse du Jardinet :
« Ce mot, “populisme”, c’est la dernière ligne de défense des élites parisiennes qui, elles, font du populisme avec toutes leurs promesses non tenues… La vérité, c’est que le système est en train de disjoncter. Une caste administrativo-politique hors-sol confisque le pouvoir. Il faut mettre fin au jacobinisme, à ce pouvoir vertical, descendant et condescendant. Inefficace. Après trente ans de réformes de l’Éducation nationale, 20% d’une classe d’âge ne sait pas lire ! »
Oui mais coco, cette catastrophe morale et politique, elle vient d’où ? On va te le dire : de l’inspiration maçonnique et faussement humaniste de ces pseudo-socialistes, vendus au libéralisme de l’Empire américano-sioniste. Dit comme ça, ça sonne un peu conspi, mais c’est la trame authentique de cette catastrophe programmée, car elle ne tombe pas du ciel. Enfin si, de ce faux ciel des élites. L’autre, le vrai, le peuple l’entrevoit parfois, par accident, et il fait tellement de bien aux yeux, à la vue, qu’on ne peut l’oublier. Mais ne nous perdons pas en métaphores poétiques – la poésie devrait servir à ça, fournir avec des mots simples cette information-structure qui transcende l’esprit. Le principe génial des Évangiles, quoi. La situation est grave, suffisamment pour que même des farfelus lancent des éclairs de lucidité :
« Pourquoi croire que le tragique est sorti de l’histoire ? Si le système est capable d’envoyer Hollande et Sarkozy à l’élection présidentielle, et il en est capable, alors on entre dans une zone de risque invraisemblable. Le “Brexit” nous montre que les peuples qui souffrent n’ont plus peur de l’incertain. »
Bien dit, l’artiste, rien à ajouter, rien à retirer. Malheureusement, c’est ce moment que choisit Pascale Krémer pour changer de sujet. On commençait à frôler la correctionnelle, c’est-à-dire le fascisme réel : mieux vaut revenir sur le fascisme de pacotille resservi en soupe par la caste médiatico-politique. C’est sans transition que la journaliste demande, innocemment : « La publication, en 2010, de “Des gens très bien” (chez Grasset), sur le passé collaborationniste de votre grand-père, a-t-elle constitué un tournant dans votre engagement ? »
Et là, on retombe dans la confusion des discours qui emporte l’esprit crédule de la majorité, soit le règne du faux, de l’inversion salvatrice des valeurs et des menaces. Jardinet donne sa réponse en forme d’aveu, à double tranchant : « Un copain de l’École alsacienne anormalement cultivé, issu d’une famille de marchands d’art juifs autrichiens, m’a dit un jour : “Il y a un problème dans ta famille.” Il avait lu les livres de mon père, repéré que mon grand-père était aux affaires au moment de la rafle du Vél’ d’Hiv, et qu’il n’avait pas démissionné. »
Tiens, la culpabilité s’hérite ? Voilà, on espère n’avoir pas trop repris de phrases qui appartiennent au Monde, c’était juste pour étayer notre petite démonstration.