Transcription de l’entretien
french.irib.fr – Monsieur Alain Soral, vous êtes écrivain et sociologue, président d’Égalité et Réconciliation i. Je vous remercie infiniment d’avoir eu la gentillesse d’accorder cet entretien à la radio francophone iranienne.
Monsieur Soral, comme première question, votre réaction à cet affrontement-duel, entre François Hollande et Nicolas Sarközy, s’il vous plait ?
Alain Soral – Ben déjà, moi je ne l’ai regardé, écouté, que du coin de l’œil ! Parce que ce sont des « rituels » qui n’apprennent pas grand-chose dans la mesure où plus on monte dans la politique électoraliste grand public, moins il y a de contenu politique sérieux. Et plus on est dans la rhétorique, la psychologie, voyez !
Donc, ce que j’en ressors ? C’est que Nicolas Sarközy iii qui est en retard dans les sondages iv et qui pour l’instant est donné on va dire, arithmétiquement battu, avait besoin entre guillemets, « de faire un coup », lors de cet affrontement. Et visiblement, ça ne s’est pas passé ! v Il en ressort que l’affrontement a été assez équilibré. Donc ce qui veut dire que ce face-à-face n’a pas permis à Sarközy on va dire, de combler le retard qui semble être le sien.
french.irib.fr – Et comment en fait expliquez-vous cette prise de position de François Bayrou ? François Bayrou qui dit « qu’il va voter François Hollande au second tour » ?
Alain Soral – Ben ça semble confirmer ce que je viens de vous dire !
C’est-à-dire que Bayrou comment dirais-je, réalise, comme moi, que Sarközy va perdre ! Et Bayrou choisit on va dire, d’être dans « le camp du gagnant ».
Puisque c’est assez simple à comprendre, que Bayrou voulait créer un parti du centre sur son résultat de troisième homme de la dernière présidentielle. ix
La gauche et la droite se sont coalisées à l’époque pour l’empêcher de créer ce parti du centre. Donc il n’a pas de parti ! Il n’existe qu’à travers la présidentielle !
Et cette fois-ci, il n’a pas été le troisième homme ! Mais il n’a été, je crois même, que le cinquième homme ! Derrière Marine Le Pen et Mélenchon. x Et donc il est ! Il joue en fait sa « survie politique » !
Et sa survie politique est sans doute de rallier le vainqueur dans le but sans doute, de devenir ministre.
Donc en fait, sa position est assez simple. C’est un homme relativement seul qui joue sa survie politique et qui lance un message au vainqueur en disant qu’il l’aidera à conforter sa victoire contre sans doute un échange qui sera sans doute un poste de ministre, je pense. Parce que sinon, je vois pas très bien ce que ça peut lui apporter !
Ce qui veut dire que Bayrou, c’est un clou de plus dans le cercueil de Nicolas Sarközy !
french.irib.fr – Autrement dit, vous voulez dire qu’il s’agit là d’une prise de position négociée ?
Alain Soral – Oui, forcément ! Et puis surtout, ça veut bien dire que je dirais, Bayrou, c’est un peu le ! Oui ! C’est presque je dirais, le « baromètre » ou le « thermomètre » de l’élection de ce point de vue-là !
Contrairement à Marine Le Pen ou d’ailleurs même à Mélenchon, qu’ont pris des positions, eux, « d’avenir » entre guillemets, je veux dire que Bayrou n’a pas les moyens vraiment d’un destin personnel ! Maintenant il le sait ! Et ben là il ! Voilà ! Il confirme bien que sans doute, comment dirais-je, c’est Hollande qui va gagner et que sa survie à lui, c’est de rallier le pouvoir de demain : c’est-à-dire François Hollande.
french.irib.fr – Autrement dit, vous voulez dire que les conséquences de ce « virage à gauche » vont au-delà du second tour du scrutin présidentiel ?
Alain Soral – Oui enfin, il ne faut pas ! Bayrou n’est qu’un individu en politique ! Il représente en fait quelque chose en France qui a toujours été très mouvant, qui est le Centre.
Il faut savoir qu’à l’époque le Centre, c’était le Parti Radical xi [qui] décidait toujours de son report de voix entre les deux tours afin, avec un pourcentage assez faible, de s’assurer des postes de ministres. Les centristes ont fait ça pendant des décennies et des décennies ! Ils étaient les petits 2-4 % qui faisaient basculer la présidentielle.
Et ce qui veut dire qu’en étant très faible, je dirais politiquement, ils avaient toujours plusieurs ministres parce que c’est, d’une certaine manière, eux qui faisaient l’élection par la petite différente marginale.
Donc on peut dire que finalement, Bayrou qui a un discours politique très creux, puisque en fait c’est un européiste et que son discours c’est de dire « qu’il faut payer la dette ! », donc qui est un discours totalement démodé par rapport à la période actuelle qui est une remise en cause radicale [inaudible1] européenne et de la logique de la dette. En fait voilà, Bayrou qui est un centriste, renoue avec la tradition très politicienne en fait du centrisme français, qui consiste à « voler au secours » de la victoire entre les deux tours pour avoir un maroquin !
french.irib.fr – Et une dernière question monsieur Soral. Contrairement à Bayrou et Jean-Luc Mélenchon, la candidate du Front national, Madame Le Pen, a dit que voilà, qu’il n’est pas question pour elle d’accorder ni confiance ni mandat à ces deux candidats ?
Alain Soral – Oui ben on voit toute la différence avec Bayrou ! C’est que Martine Le Pen a un appareil derrière elle qui s’appelle le Front national.
Elle a fait le troisième score de la présidentielle à près de 18 %. Et elle, son intérêt politique évident, c’est l’effondrement de l’UMP pour devenir, dans un pouvoir on va dire, libéral-socialiste incarné par Hollande – avec même d’ailleurs, l’appui de monsieur Bayrou –, de devenir l’opposition réelle.
Et l’opposition réelle sur un programme de « rupture » par rapport à l’Union européenne, par rapport à la monnaie européenne et par rapport, plus généralement on va dire, à la marche en avant du nouvel ordre mondial !
Donc elle est réellement le ! Elle représente je dirais, le mouvement d’opposition à ce consensus mondialiste : le mouvement d’opposition on va dire, national et social.
Donc elle est l’opposant politique sérieux du système dont Bayrou vient de reconnaître finalement, qu’il n’était qu’un des rouages !
Quant à Mélenchon ?
Bon ben lui, il est une force d’appoint du parti socialiste. Et si le PS gagne, il sera mis rapidement à l’épreuve puisque monsieur Hollande ne pourra tenir aucune des promesses sociales qu’il a faites à ses électeurs.