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retranscription de l’entretien
french.irib.fr – Monsieur Alain Soral, vous êtes sociologue français président d’Égalité et Réconciliation i. Je vous remercie infiniment d’avoir eu la gentillesse d’accorder cet entretien à la radio francophone iranienne.
Monsieur Soral, l’Iran et le groupe des cinq plus un, c’est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne ont repris leurs pourparlers à Istanbul. Et ils ont convenus de se retrouver le 23 mai à Bagdad capitale d’Irak, pour poursuivre leurs négociations.
Du côté iranien, on dit qu’« il n’est pas question pour l’Iran de renoncer à ses droits. Le secrétaire du Conseil Suprême de la Sécurité Nationale iranienne a dit « que le langage de menace envers l’Iran ne fonctionne pas ». Il l’a dit dans une interview avec CNN.
Du côté occidental, on dit que voilà, ces pourparlers à Istanbul étaient un premier pas positif vers la solution de la question du nucléaire, vers la résolution de la question du nucléaire iranien. Quelle est votre analyse sur le sujet monsieur Soral ?
Alain Soral – Ben mon analyse, si on prend un peu de recul, c’est que finalement cette négociation et la forme qu’elle prend, prouve que comment dirais-je, les Occidentaux derrière les Américains ont entériné leur impuissance dans la région. Car en fait si on réfléchit, cette évolution de la comment dirais-je, de la relation américano-iranienne est la conséquence directe de l’échec de la déstabilisation de la Syrie par la même puissance.
En réalité les Américains, si on enlève le voile médiatique occidental, n’ont pas les moyens de leur arrogance dans la région moyen-orientale. Ils subissent, revers en Afghanistan ! Ils viennent d’être obligés de quitter l’Iraq. Ils sont en train de perdre le contrôle du Pakistan. Le Hezbollah iv tient la dragée haute à Israël. Et ils n’ont pas réussi à déstabiliser la Syrie grâce notamment à comment dirais-je, l’appui des russes derrière les syriens.
Donc finalement, le président Ahmadinejad, qu’on présente comme un fou, est en fait un diplomate rusé car il sait très bien lui, que finalement, la puissance américaine n’a pas les moyens de son arrogance dans la région. Donc il continue tranquillement leur programme [nucléaire].
Et évidemment, le dindon de la farce dans cette histoire pour l’instant, semble être comment dirais-je, le gouvernement israélien qui effectivement poussait les Américains contre l’Iran. Et les Américains n’ont visiblement pas envie d’y aller, car ils n’en ont pas tout à fait les moyens !
french.irib.fr – Alors un recul pour les puissances occidentales surtout les États-Unis ! Également pour Israël ! Et une victoire pour l’Iran ! Autrement dit l’Iran est en train de récolter disons-le, le fruit de sa résistance face à l’hégémonie américaine, n’est-ce pas ?
Alain Soral – Ou alors les Américains sont en train de récolter les fruits de leur arrogance néoconservatrice. Ils se sont engagés dans des guerres néocoloniales très chères et très violentes pour essayer de redécouper en force entièrement le Moyen-Orient. Et finalement, malgré leur puissance, malgré leur puissance aussi médiatique et diplomatique, sur le long terme en fait, on est en train de se rendre compte, avec du recul, qu’ils sont en train d’échouer partout ! Que ça leur coûte très cher et que finalement, ils sont obligés de revenir à la table de négociation et de discuter poliment car comment dirais-je, leur opération de violence et de pure violence est en train d’échouer. Et là nous assistons au reflux !
Et il ne faut pas oublier dans cette analyse, le rôle majeur qu’a joué la Russie de Poutine. Je pense que effectivement, sans la réélection de Poutine v, sans la Russie poutinienne, effectivement, la question aurait été… Oui ce bras-de-fer aurait été plus difficile pour l’Iran !
Donc l’Iran a tenu, et les russes ont soutenu. Et les Américains finalement se retrouvent finalement avec leur seule puissance [qui] reste finalement Hollywood ! La puissance du mensonge !
french.irib.fr – Monsieur Soral, là vous parlez en fait du rôle de la Russie, de la Russie de Vladimir Poutine. Vous parlez également de l’Iran. Alors peut-on dire que le temps où certaines puissances, surtout en fait les États-Unis – considérés comme la superpuissance – décidaient pour le reste du monde est bel est bien révolu ?
Alain Soral – Je crois que les Américains ont pensé, après l’effondrement de l’URSS, qu’ils étaient devenus l’hyperpuissance mondiale, incontestable et définitive. Ce qu’ils ont appelé d’ailleurs « la fin de l’Histoire ».
Et en réalité il ne faut pas oublier que ce géant militaire est adossé aujourd’hui je dirais, sur « un grand homme malade économique ». Car en fait l’Amérique [est] à la fois un géant militaire, et un grand homme malade économique ! Et que le problème, c’est que voilà ! C’est quand le militaire et l’économique sont couplés ! Je pense que l’Amérique économique est très, très épuisée et très fatiguée par ses guerres de conquête qu’elle mène depuis le 11 septembre vii – ce qui n’est pas un hasard – et qu’en réalité, les bénéfices qu’elle en tire derrière, à part pour les sociétés privées, globalement ne sont pas au rendez-vous.
C’est-à-dire que toutes ces guerres de conquête l’ont affaiblie exactement comme d’ailleurs je dirais, si je veux faire un parallèle pour la France, le colonialisme français. Finalement sur la longue distance, on s’est rendu compte que cette épopée coloniale avait terriblement affaibli la France, notamment dans sa relation intra-européenne par exemple de concurrence avec l’Allemagne – si on veut faire un parallèle pour quelque chose que nous connaissons bien qui est l’histoire de France, l’histoire coloniale de France.
Donc voilà. Quand on prend du recul, on voit que finalement les Américains en ce moment sont en train d’admettre, petit à petit, ce qu’on appelle « l’atterrissage en douceur » – alors c’est pas définitif ! –, mais qu’ils n’ont plus les moyens de l’arrogance qu’ils avaient après la Deuxième Guerre mondiale.
Ils n’en ont plus les moyens économiques à mon avis et ils n’en ont peut-être pas vraiment les moyens militaires. Car il ne faut pas oublier que ce théâtre d’opération dont ils essaient de prendre le contrôle qui est le Moyen-Orient, est très loin de leur espace géographique naturel.
Alors que par contre, c’est très, très proche de l’espace eurasiatique, puisque c’est à la frontière de l’Eurasie où sont quand-même deux puissances très importantes : la puissance russe qui est une puissance militaire qui peut tenir la dragée haute aux Américains – c’est d’ailleurs la seule ! – et la puissance chinoise qui elle, est aujourd’hui, non pas un « grand homme économique malade », mais un « géant économique » de plus en plus puissant.
Et je pense que ce rapport de force-là, c’est le rapport de force de l’avenir ! C’est voilà ! L’Amérique se casse les dents aujourd’hui, non seulement sur l’Iran. Mais adossées à l’Iran derrière calmement, la puissance économique chinoise et la puissance militaire russe.
Et il suffit de regarder la carte pour voir que les Américains sont loin de leurs bases. Et ils n’ont pas les moyens de leur arrogance !
Et en fait je pense même que cette politique aventureuse qui est la leur, est en fait le fait du lobby israélien américain.
Car les Américains, je dirais patriotes, les « Américains américains », ont compris depuis longtemps qu’il fallait avoir une autre démarche pour maintenir leur puissance, qui [soit] plutôt une démarche de diplomatique et de fraternité, que cette démarche d’arrogance, qui n’est jamais que la marque de la mainmise israélienne sur les États-Unis et non pas de l’intelligence américaine, je dirais.
french.irib.fr – Monsieur Soral, la représentante américaine présente à ces pourparlers à Istanbul aurait dit en fait « qu’il n’y avait pas de raison que les relations entre l’Iran et les États-Unis restent mauvaises. » viii Mais elle avait semblé, elle semble en fait avoir oublié que ce sont les États-Unis qui ont tenus en fait toujours une politique d’animosité, d’hostilité à l’égard de l’Iran. Et ils n’ont ménagé en fait aucun moyen pour porter atteinte à la République Islamique d’Iran. Est-ce que ces propos s’expliquent par le fait que les États-Unis n’ont plus les moyens de leur politique d’arrogance ?
Alain Soral – Oui je pense que les Américains conscients, lucides, sont en train de l’analyser et de le déduire. C’est bien de rappeler que depuis Mossadegh, les Américains ont toujours lutté pour affaiblir l’Iran, déstabiliser l’Iran. De toute façon, les iraniens n’ont jamais eu je dirais…, ont essayé toujours de défendre je dirais, leur pré carré et de défendre leur existence régionale, exactement comme la France – ce qui correspond un peu à la France pour l’Europe ! Et c’est les Américains qui ont toujours agressé l’Iran. Pas l’inverse !
L’Iran ne fait jamais que se défendre contre des tentatives de déstabilisation qui ont toujours été anglo-américaines. Donc c’est bien de le rappeler !
Les Américains sont essentiellement un peuple agresseur. Ils le sont d’ailleurs depuis leur origine de conquête de l’Amérique des Indiens et ils l’ont toujours été ! C’est un peuple prédateur, comme le sont d’ailleurs tous les anglo-saxons, les peuples à la suite des anglais !
Et effectivement, nous sommes peut-être aujourd’hui à la fin peut-être de cette époque effectivement d’une Amérique conquérante et sur le plan d’ailleurs militaire et idéologique.
Puisque en fait l’esprit des Américains du Mayflower est de « convertir le monde entier à leur libéralisme judéo-protestant » ! C’est non seulement des conquêtes militaires, mais c’est aussi des mises au pas ! Ce qu’ils appellent d’ailleurs la démocratie !
Et je pense que peut-être que nous sommes à un tournant historique où effectivement les Américains vont redevenir ce qu’ils devraient être. C’est-à-dire l’équivalent de ce qu’est l’Angleterre aujourd’hui par rapport à ce qu’elle a été au XIXème siècle : c’est-à-dire une île, une « grande île », un « grand peuple » mais pas comment dirais-je, un Empire. C’est-à-dire une nation qui prétend soumettre, et idéologiquement, et économiquement, et militairement le reste du monde !