french.irib.ir – Monsieur Alain Soral, vous êtes sociologue français, président d’Égalité et Réconciliation. Je vous remercie infiniment d’avoir eu la gentillesse d’accorder cet entretien à la radio francophone iranienne.
Monsieur Soral, au cours d’une conférence de presse conjointe avec son homologue iranien à Téhéran, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a une fois de plus fait part de l’opposition de son pays à l’adoption de sanctions unilatérales contre l’Iran. Et cette prise de position de Moscou, du ministre russe des Affaires étrangères, est intervenue à quelques jours de ces futures négociations nucléaires entre l’Iran et le 5+1 à Moscou [les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, plus l’Allemagne]. Comment qualifiez-vous ces déclarations de Monsieur Lavrov ?
Alain Soral – Oui ben, je pense que ça confirme aujourd’hui à la fois la position du couple de puissances qui osent résister et s’opposer, à la stratégie néocoloniale impériale américano-sioniste. On voit aujourd’hui que les Russes avec les Chinois s’opposent fermement à la marche en avant de l’Empire dans son projet de redécoupage du Moyen-Orient. Donc effectivement, la position de la Russie sur la Syrie et sur l’Iran est la même. Elle est cohérente. C’est de bien signifier à l’Empire américano-sioniste que désormais, le contre-Empire ne laissera plus l’Empire faire un pas de plus dans sa volonté de prise de contrôle de ce qu’on appelle le verrou eurasiatique, c’est-à-dire de là où le destin de l’humanité se joue, avec le contrôle des énergies. Donc tout ça est cohérent. Et ce qui veut dire que nous sommes à nouveau dans une guerre froide assez évidente entre finalement les deux empires de l’après-guerre. C’est-à-dire nous avons les Américains face aux Russes avec là, clairement, en tout cas les Américains comme agresseurs, et les Russes comme défenseurs.
french.irib.ir – Et jusqu’où, d’après vous, vont-ils aller, en fait les Russes, pour barrer la route à l’Empire américano-sioniste, Monsieur Soral ?
Alain Soral – Si on se réfère aux tirs qui ont eu lieu récemment de missiles expérimentaux russes et si on se réfère aussi au rôle fondamental que joue notamment la Syrie et l’Iran dans la course au contrôle des énergies pour l’avenir, je crois que les Russes ont laissé faire en Libye parce que Kadhafi, à mon avis, avait dealé maladroitement avec les Américains en pensant que ça lui sauverait la vie – ce qui n’est jamais un bon calcul – et que sans doute, la Libye est trop loin des zones d’intérêt direct des Russes. Mais là, sur la Syrie et l’Iran, je pense que les Russes ne laisseront pas passer. Je pense que de toute façon, les Américains sont loin de leur base. Et de toute façon, si jamais les Américains passaient outre – car ce sont eux les agresseurs, on le voit avec la Syrie. Ils jettent de l’huile sur le feu de manière de plus en plus irresponsable –, nous sommes dans une situation d’avant-guerre. Et on pourrait imaginer que la Troisième Guerre mondiale commence pour la prise de Damas.
french.irib.ir – Monsieur Soral, vous venez en fait, d’évoquer la question syrienne. Vous savez, la Russie envisage d’organiser une conférence internationale élargie sur la Syrie en présence de l’Iran. Les États-Unis, la France et la Grande Bretagne sont opposés à la présence de l’Iran à cette conférence internationale. Hier à Téhéran, interrogé sur la question syrienne, le ministre russe des Affaires étrangères a accusé publiquement, carrément les États-Unis de fournir des armes aux opposants, aux groupes armés. Désormais, il s’agit d’un bras de fer public entre les États-Unis et la Russie au sujet de la Syrie, n’est-ce-pas ?
Alain Soral – Oui, oui, nous sommes là, finalement, dans la réactivation de la guerre froide au sens le plus classique du terme où les Russes et les Américains se retrouvent face à face par pays interposés. Avant c’était l’Indochine. Et en ce moment, c’est le Moyen-Orient, enfin plus précisément la Syrie, puis l’Iran.
Car il faut bien comprendre que si l’Empire veut à tout prix que la Syrie tombe, c’est pour pouvoir après attaquer l’Iran. Car il me semble très déraisonnable d’attaquer l’Iran sans avoir préalablement pris le contrôle de la Syrie. C’est pour ça qu’avec ce calendrier qui est le calendrier néoconservateur, les Américains ne lâchent rien en Syrie. Ce qui est catastrophique parce qu’ils sont dans une stratégie maintenant de chaos, comme ils l’ont fait d’ailleurs en Iraq et comme ils l’ont fait aussi en Yougoslavie, en armant effectivement des rebelles qui sont très souvent des miliciens étrangers financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite et qui pratiquent la terreur. C’est-à-dire que c’est à eux qu’on peut imputer, bien évidemment, les assassinats, c’est une évidence. C’est toujours les mêmes stratégies de manipulation, d’attentats sous faux drapeau, qui sont de toute façon traditionnellement une spécialité anglaise, israélienne et américaine.
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