J’aime la France. Nous aimons la France, notre patrie, dans ses souffrances, avec ses espérances, avec, mais aussi malgré, ses défaillances (cf. méditation du 24 mars 2015) qui sont aussi les nôtres.
Les récents attentats ne peuvent donc pas ne pas nous affecter. M’affecter. Surtout quand, vivant à Paris, il y a une probabilité assez grande pour que nous ayons rencontré un ami ou un ami d’ami, voire un parent qui a subi ces atrocités. Je pense au témoignage de cet ami dont le gendre était au Petit Cambodge, a vu à quelques mètres ces assassins froidement déterminés à tuer et fut sauvé par miracle (au sens propre).
Comment alors ne pas ressentir peur, colère, voire haine ? Un autre ami catholique m’a envoyé un texto où il disait combien, à l’annonce des événements innommables, une profonde colère l’a d’abord submergé, avant que les larmes ne coulent, révélant une tristesse encore plus abyssale.
De tels actes invitent à une réflexion lucide et courageuse : pourquoi ces hommes ont-ils agi ainsi ? Pourquoi se sont-ils attaqués à notre cher pays ? Quelle action (et pas seulement réaction) politique et religieuse, nationale et internationale, est-elle juste pour nous protéger, nous défendre et faire triompher la paix ? Etc.
Plus encore, ces actes posent aux disciples du Christ cette question : qu’aurait-il fait à ma place ? Qu’a-t-il fait ? Jésus a parlé, a agi et continue d’agir et parler.
Il nous a laissé sa Parole : « Aimez vos ennemis ». Mais il vaut la peine de la replacer dans son contexte immédiat pour en faire saillir la nouveauté âpre, scandaleuse : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5,43-44). Notre réflexe, qui est parfois une réaction de survie, est de tracer une ligne infranchissable entre nos amis et nos ennemis. Le Sauveur ne nous demande pas de nier qu’ils soient nos ennemis, puisqu’il les appelle bien ainsi : « Aimez vos ennemis » (ou bien « méchants » et « injustes » : v. 45). Mais il nous prescrit d’imiter son Père en faisant « lever son soleil » de bonté « sur les méchants et sur les bons », en faisant « descendre la pluie » de la grâce pardonnante « sur les justes et sur les injustes ». Dans les premiers temps de l’Église, les chrétiens étaient fortement convaincus que la nouveauté du Christ se reflétait immédiatement dans la nouveauté, non pas seulement ni d’abord de leur conviction, mais de leur action : haïr ses ennemis, « les païens n’en font-ils pas autant ? » (v. 47).