Elle a été filmée en train de frapper deux soldats israéliens dans son village de Nabi Saleh, en Cisjordanie. Pour les Palestiniens, c’est une icône, pour les Israéliens, une faussaire.
Depuis lundi 18 décembre, le visage d’une jeune adolescente passe en boucle dans tous les médias israéliens et palestiniens. Dans une vidéo devenue virale, Ahed, 16 ans, et sa cousine Nor Naji, 20 ans s’en prennent à deux soldats israéliens. Elles provoquent, bousculent, donnent des coups de pieds. L’ultime affront viendra d’Ahed qui gifle l’un des soldats. Il reste impassible.
La vidéo a été filmée le vendredi précédent suite à un incident est intervenu en marge d’échauffourées à Nabi Salah. Ce jour-là, dans ce village situé à 20 kilomètres au nord de Ramallah, 200 Palestiniens affrontent les soldats de l’armée israélienne, à grand renfort de jets de pierres. Mardi 19 décembre, Ahed Tamimi et sa mère ont été placées en garde à vue. Le lendemain, Nor Naji Tamimi a, à son tour, été arrêtée par les forces israéliennes.
Une affaire de famille
Difficile de démêler le vrai du faux dans cette guerre d’images à laquelle Israéliens et Palestiniens se prêtent volontiers et dans laquelle Ahed Tamimi est loin d’être un quelconque pion. Cet incident n’aurait pas marqué autant les esprits si Ahed ne venait pas d’une famille bien connue des Israéliens. Longues boucles blondes, yeux bleu azur, avec son look d’européenne, Ahed détonne. Elle est bien loin des stéréotypes que l’opinion internationale se fait d’une adolescente vivant à quelques encablures de Ramallah.
- Les Israéliens qualifient celle à qui ils ont volé sa terre de "faussaire" ou de "comédienne"
Pourtant, ce visage est familier : la jeune fille n’en est pas à sa première apparition médiatique. Chez les Tamimi, tout le monde proteste et résiste. Son père Bassem, 50 ans, est connu pour sa carrière d’activiste, accumulant manifestations et arrestations depuis son plus jeune âge. Lors d’un entretien qu’il nous a accordé, il assène : « Ce n’est pas de la résistance, c’est une profession de foi. »
Comme son père, Ahed manifeste, provoque ouvertement. En 2012, âgée d’à peine 11 ans, son image fait le tour des médias dans le monde entier. Devant un soldat israélien, elle brandit le poing, menaçante. « Je suis plus forte que n’importe lequel de tes soldats », criait-elle alors au visage d’un homme en uniforme qui peinait à dissimuler son sourire devant cette blondinette haute comme trois pommes. Dans un sujet de France 2, on voit la petite fille attendre l’arrivée de la caméra pour s’en prendre au soldat.
Preuve qu’elle maîtrise les codes de la mise en scène. Qu’importe, Ahed est la nouvelle héroïne palestinienne, celle qui n’a peur de rien, ni de personne. Cet acte de bravoure face à l’occupant lui vaut le privilège d’être reçue par Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre turc. Elle n’en a cure.
« N’importe quel Palestinien vaut deux Erdogan, dit-elle face aux caméras de France 2, car on se bat pour notre terre. »
Trois ans plus tard, en 2015, la jeune fille revient sur le devant de la scène. Poings levés et cheveux blonds en bataille, elle tente de libérer son jeune frère arrêté par un soldat israélien et suspecté d’avoir jeté des pierres en direction de l’armée. Il est difficile de croire qu’Ahed simule son engagement pour la cause palestinienne : elle est de toutes les batailles. Tantôt brandissant un drapeau palestinien, tantôt menant un groupe d’enfants lors de protestations, à l’image de son père qui avait organisé la manifestation qui a précédé son arrestation. Pour Yousef Munayyer, directeur général de l’ONG U S Campaign for Palestinian Rights :
« Les Tamimi ont toujours été en première ligne de la résistance contre l’occupation militaire israélienne. Leur village a été colonisé de manière illégale et les soldats israéliens sont les garants de ce processus de vol. »