Le plus grave dans la crise majeure que traverse actuellement l’Afrique sud-saharienne tient au fait que ce sont ses « locomotives » qui ont déraillé. L’Afrique du Sud et le Nigeria qui représentent près de 50% du PIB continental sont ainsi en récession ou en quasi récession, la Côte d’Ivoire dévisse, l’Éthiopie se disloque et l’Angola est en faillite. Résultat, la croissance continentale s’est effondrée à 1,5 ou 1,6%.
Or, à moins de 7% durant plusieurs années, il est impossible de faire reculer la pauvreté. Comme dans la plupart des pays, la croissance démographique est plus importante que la croissance économique, le continent s’enfonce donc chaque jour un peu plus dans le néant. Un néant masqué par quelques îlots de prospérité qui sont autant d’arbres cachant la forêt de misère qu’est l’Afrique.
La baisse du prix des matières premières est une cause importante de cette situation, mais là n’est pas l’essentiel. Les véritables causes du drame africain sont en effet ailleurs et, à ce sujet, je ne peux que renvoyer à mon livre Osons dire la vérité à l’Afrique. Il y en a deux principales :
L’absence de lucidité et le refus de la réalité. Depuis la décennie des indépendances, il y aura bientôt trois-quarts de siècle, l’Afrique se voit appliquer la « méthode Coué » à travers les annonces périodiques de son « démarrage ». Or, loin de « démarrer », l’Afrique sud saharienne revient au contraire au XVIIIe siècle et à l’économie de comptoir (pétroliers ou miniers), qui enrichit une poignée d’Africains cependant que l’immense majorité de la population tente de simplement survivre. Ce grand bond en arrière est illustré par un retour à la traite humaine à travers l’émigration qui se fait vers l’Europe.
L’impératif moral avec sa conséquence, le diktat démocratique, a empêché le « raccourci autoritaire » d’aller à son terme alors qu’il était peut-être porteur de cette notion d’État qui manque tant à l’Afrique.
Ceci étant, la résolution des problèmes africains passe par quatre préalables :
1) D’abord, maîtriser puis inverser la courbe démographique. Sans cela, rien ne pourra être entrepris. Une telle évolution serait une révolution et comme elle ne s’annonce pas, la situation est donc sans espoir.
2) Ensuite reconnaître le poids des fondamentaux ethniques. Au milieu de la désagrégation généralisée, l’ethnie constitue en effet ce plus petit commun dénominateur sur lequel il est possible de rassembler les hommes. Rassembler pour ensuite, éventuellement, élargir.
3) Puis, admettre que les principales crises africaines ont une origine historique, politique et culturelle. Tant que leur approche continuera d’être d’abord économique, elles n’auront aucune chance d’être traitées.
4) Enfin, comprendre qu’avant d’être francophones ou anglophones, chrétiens ou musulmans, les habitants de l’Afrique, sont d’abord des Africains qui parlent des langues africaines et qui ont leurs croyances car, et comme l’a dit le romancier ivoirien Ahmadou Kourouma : « [L’Afrique sud-saharienne] est habitée par des animistes, les uns teintés de christianisme, les autres d’islam. »