C’est très solennellement, très gravement, très franchement, que je viens aujourd’hui m’adresser non pas à la meute politique et médiatique lancée depuis longtemps à mes trousses, et qui, enfin, croit maintenant pouvoir me déchirer, ce n’est pas à elle, mais à la France et à son peuple français.
De ce peuple, en effet, seul le jugement m’importe parce que c’est pour lui que je lutte, parce que ce n’est pas pour moi, mais pour lui seul et son avenir que je mène mon combat.
Aussi bien, ne vous y trompez pas : le déchaînement prodigieux, le tohu-bohu insensé auquel, Françaises et Français, vous assistez avec, je suppose, une certaine stupéfaction parce que, dans votre immense majorité, vous n’en comprenez pas les vraies raisons. Les hurlements et anathèmes dont je suis l’objet, la malédiction dernière et mortelle dont on veut me frapper, en me marquant au fer du racisme et de l’antisémitisme, tout cela vise un but extrêmement précis qui consiste à m’empêcher d’exprimer l’angoisse de millions de Français devant l’état de la France, de les inviter au sursaut et d’être le porteur de leurs espérances et, en outre, d’empêcher l’union nécessaire qu’elle soit complète ou partielle, entre toutes les forces qui peuvent et doivent faire barrage au socialisme.
Alors, comme pour atteindre ce but et frapper le Front national et moi-même, il existe une arme absolue : c’est, vous le savez, l’accusation de racisme et d’antisémitisme. On l’a dégainée en prenant prétexte de propos radiophoniques que j’ai tenus et en me transformant en grand Satan de la politique française.
J’accuse le lobby pro-immigré, véritable syndicat anti-Le Pen, d’avoir organisé et conduit contre moi ce procès en sorcellerie. Le caractère orchestré de cette offensive destinée à dénigrer le candidat national à la présidence de la République et donc à favoriser l’élection du candidat socialiste, est rendu évident par le fait qu’elle n’eut lieu que trente-six heures après l’émission et qu’elle s’est déroulée selon un scénario connu avec le vocabulaire surréaliste commun à ses figurants habituels ; professionnels des droits de l’homme, ligueurs de l’antiracisme, pétitionnaires de gauche, ministricules en mal de renommée auxquels sont venus se mêler quelques personnages de haute volée que, pourtant, leur fonction ou leur état devrait incliner à la modération, la pudeur, la charité et même l’abstention pure et simple.
Dans ce concert de mensonges énormes, de jugements téméraires et d’injonctions vengeresses, le ton a été donné par le candidat communiste à la Fête de l’Humanité : « Démasquons Le Pen, cet homme est dangereux. »
Au signal, l’appareil de la gauche s’est mis en branle, entraînant dans son sillage un certain nombre de gogos de la majorité. Ce n’est pas la première fois que de telles campagnes ont été orchestrées contre moi et le Front national. Parmi d’autres, ce fut le cas lors de l’attentat criminel de la rue Copernic où l’« extrême droite » fut désignée par la classe politico-médiatique à la vindicte publique. Un an plus tard, on annonçait, discrètement, que les tueurs étaient palestiniens : des innocents avaient été lynchés, vitriolés, battus, insultés. Le jugement téméraire avait débouché sur l’injustice.
Cette fois, il a suffi d’un mot interprété abusivement pour que la calomnie éclate en vacarme infernal et donne le signal de la proscription.
Scandaleux, révoltant, ignoble, inacceptable, détestable, monstrueux, malfaisant, abject, venimeux, terrifiant : tels sont les qualificatifs qui m’ont été décernés par des journalistes ou des politiciens qui prêchent la modération... aux autres...
Qu’ai-je donc dit à RTL qui puisse justifier cette véritable chasse à l’homme ? Olivier Mazerolle m’avait posé la question : « Considérez-vous qu’il y a eu un génocide juif dans les chambres à gaz ? » J’ai répondu : « II y a eu beaucoup de morts, des centaines de milliers, peut-être des millions de morts juifs et aussi non-juifs. »
Cette réponse était claire et, pour des gens de bonne foi, ne laissait planer aucun doute sur ce que je pense du martyre du peuple juif d’Europe par les nazis et sur la condamnation que je porte sur ce crime. Négligeant cela, mes ennemis, et avec quelle fureur, m’ont fait grief d’avoir dit que les chambres à gaz étaient un « détail dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », feignant de croire que ce mot était employé dans une acception péjorative.
Il s’agit là d’un procédé habituel du terrorisme intellectuel qui a cours chez nous. Dans mon esprit, et d’ailleurs dans les dictionnaires, « détail » signifie « partie d’un tout ». Or, la Seconde Guerre mondiale dura six ans, elle mit aux prises des centaines de millions d’hommes et fit plus de 50 millions de morts dont 35 millions d’Européens, laissant depuis la moitié de l’Europe sous la botte soviétique.
Chacun de ces éléments, si meurtrier, si atroce, qu’il ait été, fut un élément de cette immense tragédie humaine.
Les camps de concentration où moururent par millions juifs, tziganes, chrétiens et patriotes de toute l’Europe et les méthodes employées pour mettre à mort les détenus : pendaisons, fusillades, piqûres, chambres à gaz, traitements inhumains, privations, constituèrent un chapitre, une partie, un détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, comme en témoignent d’ailleurs tous les ouvrages généraux qui y furent consacrés.
Ai-je dit autre chose et honnêtement, oui honnêtement, cela justifie-t-il le procès de sorcier que l’on me fait dans la presse écrite, parlée, télévisée ? Et qui aura la loyauté et le courage de reconnaître s’être ou avoir été trompé ou avoir trompé les autres ?
Notre siècle a été celui des pires totalitarismes et des plus affreux génocides raciaux, sociaux ou religieux.
Deux idéologies totalitaires et antireligieuses : le communisme et le national-socialisme, d’ailleurs alliés au début de la Seconde Guerre mondiale, ont créé l’abominable système des camps de concentration.
L’un d’eux a disparu depuis quarante-deux ans, l’autre, le communisme, continue depuis soixante-dix ans à faire régner sur le monde la misère, l’oppression, la terreur et la mort.
Sait-on qu’en Russie soviétique, comme l’avoua Khrouchtchev au XXe congrès, de Lénine à Staline, 50 millions d’Ukrainiens, de Russes, de Baltes moururent victimes de la barbarie communiste ? Que Xien Tsao Ping reconnut que sous Mao, plus de 60 millions de Chinois furent liquidés ?
Pense-t-on encore, tout près de nous, aux Vietnamiens catholiques ou bouddhistes assassinés par le Vietminh, noyés dans leur « boat peuple » ; aux trois millions de Cambodgiens tués par le communiste Pol-Pot et aux deux millions d’Erythréens massacrés par le communiste Mengistu ? A l’heure où je parle, on massacre en Afghanistan et les goulags continuent de lancer au ciel leur cri muet et désespéré. Certes, les crimes des uns n’effacent pas ceux des autres, mais les crimes nazis appartiennent au passé alors que les crimes communistes appartiennent au présent et, hélas ! à l’avenir.
J’ai perdu mon père « mort pour la France » pendant la guerre, je sais donc le prix du sang et des larmes, je compatis à la douleur de tous ceux qui ont vu disparaître des êtres chers dans la tourmente. Je voudrais dire aux juifs français, mes compatriotes qu’on a tenté d’effrayer par cette campagne mensongère, que je ne les confonds pas avec ceux qui prétendent parler en leur nom. La France a le même amour pour tous ses fils, quelles que soient leur race ou leur religion.
Françaises, Français, Nul plus que moi n’est respectueux de notre passé, mais le passé ne doit pas occulter l’avenir.
L’élection présidentielle ne portera pas sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, mais sur les voies et moyens d’une politique nationale et européenne, seule capable de nous arracher à la décadence et d’amorcer le redressement français et par lui la renaissance de la France et de l’Europe. Sûr de la confiance de millions de Français, chaque jour plus nombreux, j’affirme ma détermination à poursuivre l’action engagée pour rendre à notre peuple la parole et la maîtrise de son destin. A tous ceux qui, comme il y a deux ans, m’avaient enterré prématurément, je donne rendez-vous dimanche au Bourget et en mai 1988 à l’élection présidentielle.
Jean-Marie Le Pen à l’Assemblée nationale, le 18 septembre 1987
Source : Quotidien de Paris du 19-20 septembre 1987, n°2435