Nul ne peut ignorer la tumultueuse histoire du Yémen contemporain. Sans remonter trop loin dans le temps souvenons-nous que ce pays a été touché par la vague des « printemps arabes » et qu’il en est résulté, après diverses péripéties, le départ du Président Saleh, président depuis la réunification du pays en 1990.
Mais à la différence d’autres pays gravement secoués par le dit printemps il n’a pas disparu de la scène politique comme les présidents déchus Ben Ali et Moubarak ni comme le président Kadhafi liquidé physiquement par l’Occident, France en tête. Après de brefs séjours à Riyad et aux États-Unis où il a été soigné de blessures probablement consécutives à un attentat à la bombe dont il aurait réchappé, il est revenu au Yémen et se trouve toujours à la tête du Congrès du Peuple, le parti qu’il a fondé et qui demeure le principal parti au Yémen.
Le position stratégique du Yémen qui contrôle le détroit de Bab el Mandel et donc la Mer rouge, le Canal de Suez, (c’est-à-dire la principale voie de transport du commerce entre l’Asie et l’Europe, pétrole compris), et l’accès au port israélien d’Eilat et le caractère turbulent du peuple yéménite, font que les États-Unis , le bloc occidental et les instances internationales surveillent le Yémen comme le lait sur le feu.
Après son départ du pouvoir, le président Saleh a été remplacé par son vice-président devenu le président Hadi soutenu par les États-Unis qui ont installé sur place à portée des drones basés tout à côté à Djibouti ce qu’il fallait de forces spéciales pour guider les frappes aériennes contre une très opportune apparition d’Al-Qaïda au Yémen. Ce faisant les États-Unis rassuraient le grand voisin saoudien toujours méfiants vis à vis des yéménites et en particulier de musulmans chiites organisés dans le mouvement politique des Houthis et dont l’activité politique militante peut stimuler les chiites saoudiens gravement maltraités par le régime.
L’extrême attention des États-Unis pour la situation au Yémen s’est également manifestée par l’attribution en 2012 à la jeune Yéménite Tawakkol Karman du prix Nobel de la Paix qui venait, en quelque sorte, récompenser son action pour le départ du président Saleh. Jeune militante de l’avatar yéménite des Frères Musulmans elle avait toute sa place dans l’opération de changement de régime orchestrée depuis Washington en y apportant la « Obama touch » d’une jeune femme arabe militante des droits de l’homme. Elle a d’ailleurs parfaitement tenu la place qui lui était assignée par l’impérialisme en attaquant les présidents syrien et algérien et à travers eux les deux seuls pays de la région qui n’ont pas été retournés par l’Occident.
L’ONU de Ban Ki Moon a bien sûr été mobilisée elle aussi pour accompagner la politique étasunienne de changement de régime au Yémen. Un représentant spécial du secrétaire général pour le Yémen a été désigné en août 2012. Il s’agit de Jamal Benomar. Ce marocain de 58 ans a fait carrière chez Amnesty International après avoir été prisonnier politique dans son pays et a travaillé auprès de Jimmy Carter. Embauché en 1994 aux Nations unies, il a servi en Irak et en Afghanistan dans le cadre de ces « processus de paix » qui font suite aux invasions impérialistes destructrices ce qui éclaire le sens de sa mission au Yémen.
Les derniers développements de la crise au Yémen, c’est-à-dire l’agression militaire de puissances étrangères pour rétablir au pouvoir l’homme des impérialistes, chassé par le mouvement AnsarAllah qui réclamait en vain depuis des mois l’instauration d’un dialogue politique entre les différents mouvements yéménites n’a jusqu’à ce jour pas suscité de réaction officielle de l’ONU. Pourtant le fait que le Yémen vive une crise politique interne ne donne aucun droit à des pays étrangers d’intervenir militairement sur son territoire.
Cette intervention militaire promet d’ailleurs de faire beaucoup plus de victimes civiles que militaires car le mouvement Ansarallah est soutenu par une partie de l’armée régulière yéménite et par l’ancien président Saleh et les performances de l’énorme matériel militaire saoudien – d’origine étasunienne principalement – sont incertaines, l’uniforme saoudien étant porté par des mercenaires de divers pays voisins dont l’ardeur au combat a certainement des limites. On sait par exemple que les chasseurs bombardiers saoudiens sont pilotés par des pakistanais car la monarchie saoudienne a de bonnes raisons de craindre que des pilotes saoudiens ne soient tentés par un bombardement des palais de Riyad plutôt que par la destruction de villages yéménites.
Le non intervention de l’ONU peut s’explique par le fait que jusqu’au 31 Mars la présidence tournante mensuelle du conseil de sécurité était occupée par la France et que la diplomatie Hollande/Fabius ne pouvait qu’être favorable à la coalition menée par ses amis saoudien, égyptien – depuis l’achat des Rafale les relations sont bonnes – marocain, qatari, israélien – l’alliance de Netanyahou avec les monarques réactionnaires est connue ce qui démontre qu’il n’y a pas de guerre entre le judaïsme et l’islam mais une guerre des régimes réactionnaires de cette région du monde contre les autres – et jordanien.
Or en avril la présidence tournante du Conseil de Sécurité va être assurée par la Jordanie membre de la coalition agressive. Le moment de l’attaque du Yémen a donc été choisi avec soin au moment même où le porte-avions français était sur place dans les eaux du golfe persique. Le Conseil de Sécurité va-t-il continuer pendant longtemps à déplorer sans bouger les morts au Yémen ? On peut le craindre à moins que la combativité bien connue des yéménites ne fasse un sort assez rapide aux troupes d’une coalition fabriquée à la va-vite, où chacune défend ses intérêts propres et qui ne se trouve unie que par la générosité du financier saoudien, laquelle pourrait d’ailleurs se trouver assez vite restreinte par la faiblesse actuelle des prix du pétrole.
Les marionnettistes occidentaux qui opèrent dans la coulisse se sont lancés dans une aventure où les marionnettes sont trop nombreuses où les fils vont s’emmêler et où le scénario a un fort parfum d’improvisation dans l’urgence. Un bide probable !