Remarques complémentaires à propos des jeux vidéo, des univers virtuels en général et des absurdités diverses qui gravitent autour d’eux
1 - Des programmes
Certains espaces virtuels présents reproduisent si fidèlement notre réalité passée qu’on y trouve non seulement des reconstitutions de villes entières, mais également, simulées par des programmes, toutes les activités humaines dont ces villes étaient constituées.
Cependant, il serait bien idiot de s’extasier sur la puissance de calcul informatique autorisant de tels exploits, car c’est bien plutôt l’impuissance de l’homme à vivre selon ses propres volontés qui a fait que le moindre de ses comportements puisse être reproduit et simulé par de simples équations mathématiques.
Autrement dit, que l’homme puisse aujourd’hui exister dans des programmes ne s’explique que par la programmation déjà accomplie de toute son existence.
2 - Du lien social
Le mode de production capitaliste fait que les individus exploités ne peuvent quasiment plus compter que sur leur travail pour développer du lien social, mais il fait aussi que ce travail leur est constamment dérobé par des machines plus rapides et moins coûteuses. Le travail en général finit ainsi par perdre tout sens et toute raison d’être, les rapports sociaux meurent avec lui et la population se voit plongée dans une solitude folle en plus d’être abandonnée dans une misère noire.
C’est cette solitude et ce vide existentiel moderne en général dont le virtuel se nourrit en créant, ici et là, des richesses sociales et existentielles relatives.
Par ailleurs, et pour ne pas arranger les choses, l’impuissance du système politique devenant tout à fait visible, un grand sentiment d’abandon se répand partout et fait que tout le monde n’en a plus rien à foutre de personne.
3 - Du Japon et de ses produits
En France, on aura beau subir le triomphe de la modernité, on sera toujours mieux lotis que ces pauvres Japonais. Oubliés de Dieu, ils ne reçurent jamais la visite du Christ, leurs marchands ne furent jamais inquiétés et les lois du commerce purent s’étendre librement au Japon jusqu’à ce que le moindre des rapports humains soit asservi aux volontés de l’argent.
À présent, il règne chez eux une misère affective et sexuelle si inouïe que la pornographie en a fait un gigantesque marché, qu’elle s’est emparée de l’imaginaire érotique de toute la population et qu’elle a élevé son niveau de fétichisme au-delà de tout ce qui était humainement imaginable.
Remarquons aussi que les Japonais se construisent des robots humanoïdes toujours plus réalistes, sans craindre le moins du monde que cela ne se termine en Frankenstein, ou en enfer. De plus, voyant là une formidable issue aux problèmes affectifs et sexuels qui les touchent et dont nous parlions plus haut, ces avancées technologiques les réjouissent et les amusent tandis qu’elles produisent encore chez nous un vif sentiment de gêne et d’inquiétude.
Mais après tout, peut-être est-ce notre rapport au monde qui a toujours différé du leur, car si nous mangeons des animaux comme tous les Japonais, contrairement à eux, à l’exception de quelques coquillages, il ne nous viendrait pas à l’idée de les consommer vivants.
L’origine du trait simple et grossier qui caractérise le manga n’est pas attribuable à un artiste particulier qui aurait voulu produire une beauté nouvelle, mais à une économie particulière qui a voulu produire tout court, de tout, à tout prix, et tout cela le plus massivement et le plus rapidement possible.
Le style particulier de la culture manga n’est donc pas un style à proprement parler, mais seulement le signe visible d’une industrie culturelle produisant vite, en masse et à bas coût.
La culture japonaise de masse et la culture manga plus particulièrement est traversée par une véritable pédophilie qui finit par assumer pleinement son projet dans tout un ensemble de catégories fétiches comme celle du lolicon. Cependant, il n’est pas question d’accabler nos amis Japonais plus qu’ils ne le sont déjà, car cette pédophilie n’est pas issue d’un agencement particulier de leurs neurones, ni d’un segment spécifique de leur ADN, mais seulement de l’implacable concurrence à laquelle obéissent tous leurs objets et tous leurs rapports sociaux.
En effet, cette concurrence fait que les nouveaux produits ne parviennent plus à s’imposer sur les marchés qu’en faisant croire qu’ils seraient meilleurs que leurs prédécesseurs. Le matraquage publicitaire de ce mensonge devient alors si violent que non seulement la foule de consommateurs finit par l’admettre, mais c’est aussi toute la société qui finit par fonctionner d’après ce postulat, faisant du progrès une idéologie et de l’avancée technologique une religion. Voila comment un nombre incalculable de produits parfaitement inutiles peuvent être vendus chaque jour à des gens qui les achètent sans même savoir pourquoi.
Bien que tout cela ne soit donc qu’une gigantesque tromperie publicitaire, les masses l’admettent bien volontiers, font de la nouveauté un gage de satisfaction et se mettent à considérer les produits comme d’autant plus désirables qu’ils sont neufs et qu’ils viennent de sortir. Les produits culturels et pornographiques japonais étant soumis à cette même concurrence, ils se font vendre en produisant le même mensonge, auquel les Japonais adhèrent de la même façon, et les corps sont ainsi transformés en objets d’autant plus désirables qu’ils sont jeunes. Adolescents et enfants sont alors vendus comme des produits sexuels de premier choix, et ce, sans que personne n’en soit dérangé, la concurrence et son mensonge publicitaire étant parfaitement admis par tout le monde dans ce pays.
Comprenons donc bien que la pédophilie japonaise n’est pas japonaise, mais que le Japon est simplement le lieu au sein duquel cette horreur inhérente au mode de production capitaliste put s’exprimer le plus tôt et le mieux.
Après s’être emparé des rapports sociaux, le virtuel tente maintenant de s’emparer des rapports sexuels en produisant des jeux vidéo pornographiques. Compte tenu des remarques formulées juste avant, nous comprenons bien pourquoi c’est au Japon que ces produits apparaissent le plus tôt et le mieux, mais aussi pourquoi, dès aujourd’hui, ces jeux vidéo pour adultes mettent en scène des enfants.
Malgré leur virtualité, ces produits pourraient légitimement être qualifiés de sataniques, mais encore faudrait-il pour cela que le satanisme ait un sens au Japon.
Peut-être sont-ils tout simplement inqualifiables.
4 - Du cosplay
De toutes les âneries du capital, la pratique du cosplay n’est certainement pas la pire mais elle en est une qui mérite tout de même d’être remarquée. Elle consiste à se déguiser en personnages de films, de mangas ou de jeux vidéo, pour participer à des regroupements de gens qui font la même chose. Cependant, ces personnages étant issus d’univers imaginaires, ils ne pourront être déportés dans notre réel que comme des étrangers, d’où l’étrangeté de l’ambiance qui plane autour d’eux lorsque des cosplayers les incarnent et les font s’agiter dans le vide.
Certains nous diront que les fêtes et les déguisements ont toujours existé, que le cosplay n’a rien de plus idiot que tous les carnavals du monde et que l’incarnation de ces personnages imaginaires ne peut sembler étrange qu’aux gens dénués d’imagination.
Pour leur répondre, faisons simplement remarquer qu’il ne faut aucune sorte d’imagination pour incarner des personnages de jeux vidéo, puisqu’il suffit pour cela de reproduire les quelques mouvements auxquels ils ont été programmés. À ce niveau, la pratique du cosplay ne consiste donc qu’à célébrer joyeusement la programmation de l’existence humaine dont nous parlions plus haut, en invitant des humains à imiter des programmes alors que ces programmes imitaient déjà des humains.
Ensuite, en ce qui concerne les personnages de mangas, on se demande bien comment ils peuvent fasciner autant alors qu’ils portent sur eux non seulement toute la laideur et la grossièreté de l’industrie culturelle japonaise qui les a produits en masse, mais aussi toute la sur-sexualisation pornographique de la société sous-sexualisée dont ils sont issus. À ce niveau, le cosplay n’est donc qu’une excuse parmi d’autres pour autoriser de très jeunes femmes à déambuler quasi nues au milieu d’une foule de jeunes hommes venus spécialement pour les admirer.
Chacun fait ce qu’il veut de ses weekends, mais qu’on ne vienne pas nous faire croire que la pratique du cosplay nécessiterait une imagination folle, qu’elle serait en mesure de produire un niveau de beauté remarquable et que tout cela constituerait une culture profonde et complexe. Il n’est pas question de vouloir interdire ceci ou cela, ni même de proposer mieux, mais d’admettre simplement que rien de révolutionnaire ne surgira du cosplay.
5 - Des jeux vidéo indépendants
Lorsqu’un jeu vidéo n’est pas produit et distribué par la gigantesque industrie du divertissement mais par des passionnés ou de petites entreprises, il est qualifié d’indépendant.
Or, ce n’est pas parce qu’une marchandise spécifique échappe à la production de masse qu’elle en devient indépendante, puisque c’est précisément par rapport à cette production de masse qu’elle peut se valoriser comme telle.
Contrairement à ce qu’il annonce, le jeu vidéo indépendant n’est donc pas plus indépendant de l’industrie du divertissement que la nourriture bio ne l’est de l’industrie agroalimentaire, et c’est d’ailleurs si vrai que les micromarchés de ce genre sont régulièrement absorbés par l’industrie pour être intégrés à la production de masse, faisant que de nouveaux micromarchés réapparaissent, pour être absorbés à leur tour, et ceci à l’infini tant qu’il y aura du capitalisme.
Le jeu vidéo « indépendant » est donc d’une meilleure qualité que le jeu vidéo industriel, mais les flatteries s’arrêtent là, puisqu’en dernière instance il s’intègre parfaitement au panel de marchandises virtuelles qui font le marché du divertissement et va même jusqu’à participer à son renouvellement régulier. Par ailleurs, le jeu vidéo indépendant produit la même médiation entre le joueur et sa propre existence que le jeu vidéo classique, il engendre la même passivité et les foules solitaires ainsi obtenues ne diffèrent en rien de toutes celles qui pouvaient exister avant lui.
6 - De la fin des haricots
Apparaître instantanément, se multiplier à l’infini, circuler librement puis disparaître sans laisser la moindre trace : voici ce dont la marchandise a toujours rêvé, ce que le réel lui a toujours interdit mais ce que le virtuel lui autorise enfin.
Les plus beaux rêves de la marchandise sont aussi les pires cauchemars de l’homme. Le virtuel synthétisant les uns, il faudra s’attendre à ce qu’il synthétise également les autres pour devenir le pire cauchemar qu’on ait jamais vu.
7 - Du renouveau
De la crise économique à la crise écologique en passant par la crise migratoire, on ne compte plus les catastrophes qui arrivent sur nous. Cependant, n’oublions pas d’observer le virtuel avec la même attention, car il pourrait bien devenir la catastrophe faisant que nos enfants seront incapables d’affronter toutes les autres.