Passons sur la démonstration symbolique et symboliste de cette 33ème édition du dîner du CRIF qui s’est tenue mercredi 7 mars 2018 sous la pyramide du Louvre et qui était le premier d’Emmanuel Macron en tant que président de la République. Comme à son habitude, le Conseil représentatif des Institutions juives de France, principal organe du lobby israélien en France, a profité de ce gala annuel pour donner ses directives et réclamer des engagements. Au menu : répression de la liberté d’expression et d’opinion sur Internet, opposition à la réédition des pamphlets de Louis-Ferdinand Céline et reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël.
Qu’on ne s’y trompe pas : les rapports entre Emmanuel Macron et le CRIF sont à l’image des relations entre Attali et BHL, entre le réseau euromondialiste et le réseau atlanto-sioniste. En difficulté aux États-Unis depuis l’élection de Trump et au Proche-Orient depuis l’intervention russe, les sionistes « durs » se sont vus dans l’obligation de passer le témoin et la France de Valls est devenue la France de Macron. Si l’emprise oligarchique est la même, le positionnement diffère. Lors de ce 33ème dîner du CRIF, les représentants d’Israël en France ont rappelé avec force leurs préoccupations principales : le représentant de Rothschild en France s’est-il strictement aligné sur ces revendications ?
La lutte contre la « cyberhaine »
La répression de la liberté d’expression et d’opinion sur Internet est un point d’accord majeur entre le président Macron et le président Kalifat. En période de crise sociale et géopolitique, l’Empire ne peut supporter la contestation, prémisse de la révolte. Il ne faudrait surtout pas que les peuples établissent un lien entre la prédation bancaire, fiscale et juridique et volonté de domination mondiale du Grand Israël, entre projet transatlantique et sionisme, entre mondialisme et yahvisme...
Le chef de l’État mis en place par Patrick Drahi, Alain Minc et Jacques Attali s’est donc déclaré prêt à légiférer « cette année, au niveau européen, pour contraindre les opérateurs à retirer dans les meilleurs délais les contenus haineux sur Internet ». « Il faut aller plus loin », a-t-il lancé devant un millier d’invités, dont une quinzaine de ministres et une vingtaine d’ambassadeurs. « Aucune piste ne sera écartée », a-t-il assuré en citant comme « exemple inspirant » la législation allemande, qui menace les plateformes internet de lourdes amendes en cas de diffusion de messages de haine.
« Ce combat doit non seulement impliquer les pouvoirs publics mais aussi la société civile et les plateformes. L’antisémitisme est le contraire de la République et le déshonneur de la France. »
En France, une mission sera donc confiée par le gouvernement au vice-président du CRIF Gil Taïeb et à l’écrivain franco-algérien Karim Amellal sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet.
De plus, Francis Kalifat a précisé que le CRIF allait installer un « observatoire de la haine sur le net ».
« Lorsque notre outil aura fait ses preuves, nous pourrons l’élargir au racisme, à la xénophobie, à l’homophobie, à la haine des musulmans et, aussi, à la haine de la France. Si nous construisons cet observatoire, c’est parce que les entreprises internet ne le font pas elles-mêmes. Peut-être faut-il les y contraindre ? »
Le Président du CRIF avait en effet un peu plus tôt souhaité que les entreprises internet « assument les mêmes responsabilités que les éditeurs de presse », soumis à un cadre juridique strict.
Faire taire Louis-Ferdinand Céline... et Alain Soral
Dans le but de rappeler au président de la République que Louis-Ferdinand Céline est un infréquentable, une plaquette intitulée Céline contre les Juifs ou l’école de la haine a été distribuée à tous les convives lors du gala. Au moment où le PDG des éditions Gallimard a fait savoir qu’il n’avait pas renoncé au projet de rééditer les pamphlets du plus grand écrivain français du XXème siècle, Emmanuel Macron a dû se prononcer sur la question.
S’il a laissé entendre qu’il désapprouvait le projet de l’éditeur, le président en marche s’est dit « heureux » du débat.
« Il n’y a pas dans notre pays de police mémorielle et morale des éditions dans le sens où je dirais "J’interdis la publication de ces écrits". Je ne vais pas trancher ce débat mais je veux donner quelques indications. Céline avait souhaité que ces écrits ne soient pas republiés car il en avait en partie honte. Nous avons beaucoup d’œuvres de Céline qui permettent de l’enseigner. Je ne crois pas que nous avons besoin de ces pamphlets. Mais je suis très heureux que dans notre pays il puisse y avoir des éditeurs qui se posent cette question sans la purger. Mais vous avez compris, je crois, de quel côté j’inclinais. »
Un positionnement qui n’a pas satisfait la famille Klarsfeld qui a reçu lors du dîner le « prix du CRIF 2018 » :
« Les auteurs de textes antijuifs pourraient s’en donner à cœur joie si les pamphlets de Céline étaient réédités et légitimés par un éditeur prestigieux. Comment les Soral et les Dieudonné pourraient-ils être sanctionnés par la loi puisque leurs écrits sont loin d’atteindre l’abjection de ceux de Céline ? Pourquoi aujourd’hui, après tant d’agressions antijuives, jeter de l’huile sur le feu ? Les orphelins des déportés, ceux qui dans leur enfance ont connu et aimé les victimes de la Shoah n’ont pas tous disparu, ils sont encore debout. M. Gallimard, ayez la décence d’attendre notre mort pour tenter à nouveau d’inscrire ces pamphlets dans le catalogue de la Pléiade dont votre grand-père a renvoyé le créateur en application du statut des juifs ! »
Quelques heures auparavant, le directeur des études au CRIF Marc Knobel précisait le contenu du texte Céline contre les Juifs ou l’école de la haine :
« Il s’agit d’une mise en perspective historique, d’une étude édifiante, et d’un texte sans concession de cinquante-cinq pages qui décrypte l’antisémitisme et l’hitlérisme de Céline, son positionnement idéologique. Car il n’était pas un antisémite de salon mais un antisémite pro-hitlerien. Il était aussi profondément raciste. Ce que dit le texte, c’est qu’il a pu inspirer des négationnistes d’après-guerre, comme Robert Faurisson ou Alain Soral. »
Après l’affaire Céline, Macron a même tenu à évoquer l’affaire Maurras :
« Nous devons regarder la figure de Maurras comme faisant partie de l’histoire de France, l’occulter c’est vouloir reconstruire une autre forme de refoulé post-mémoriel et post-historique et cela dit quelque chose de nos propres faiblesses. »
Pas sûr que cette vision des choses ait fait l’unanimité.
Trump et Jérusalem
Après l’indécision sur Céline, le CRIF s’est même heurté au positionnement attentiste du président Macron en ce qui concerne le Proche-Orient.
Francis Kalifat a beau avoir fait part de ses volontés :
« Si vous me permettez, Monsieur le Président de la République, j’ajoute un vœu pour votre prochain voyage en Israël : que la France reconnaisse Jérusalem comme capitale d’Israël. »
Le président français a répondu en critiquant la prise de position de son « ami Donald Trump », affirmant que son annonce avait été « une véritable erreur » qui n’aidait pas « à l’amélioration de la situation sécuritaire ».
« À un moment donné du processus, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et de la Palestine adviendra. Mais ça doit venir au bon moment du processus, dans un jeu équilibré. »
Malgré son rappel de l’engagement de la France pour obtenir un contrôle du programme de missiles iranien et son assurance que « la sécurité de notre allié israélien est une priorité absolue, elle n’est pas négociable », ce refus de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël n’était certainement pas du goût de tous.
Conclusions
« L’État assurera sans faiblir son devoir de protection des personnes, lieux de culte, écoles et crèches. Les aides financières dédiées à sécuriser ces lieux verront leur niveau maintenu pendant toute la durée du quinquennat. Jamais nous ne faiblirons dans la lutte contre le fléau de l’antisémitisme ».
S’il reste le rendez-vous obligatoire pour tout politicien « républicain » tenant à prouver son attachement au sionisme et à Israël, et recevoir ainsi son brevet de civisme communautaire, le dîner du CRIF semble perdre de sa superbe (les années Sarkozy-Valls), à l’image de l’influence du réseau atlanto-sioniste à l’international.
Mais l’Empire reste l’Empire, et malgré les divergences stratégiques (les dignitaires du CRIF et Emmanuel Macron n’agissent vraisemblablement pas au même tempo) la question de la préservation des intérêts oligarchiques reste fondamentale. Elle est même plus brûlante que jamais. Les opposants conséquents à cette vision du monde (en premier lieu desquels Alain Soral et E&R) sont donc en première ligne et les convergences Macron-CRIF sur la liberté d’opinion (leur seule marge de manœuvre ?) peuvent laisser craindre le pire.
Quelques images