Annoncé en septembre par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, un plan d’une ampleur inédite s’applique depuis trois semaines à Lille, Roubaix et Tourcoing. Calqué sur celui de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, il a été obtenu par Martine Aubry. Premier bilan avec le préfet Jean-François Cordet.
1. Trois fois plus de CRS, « le temps qu’il faudra »
C’est la mesure la plus visible du plan anti-drogue annoncé par Bernard Cazeneuve, à Lille, le 18 septembre. Quelques jours après le déplacement du ministre de l’Intérieur, deux compagnies de CRS de Pau et Joigny ont été dépêchées dans la métropole lilloise. Cela représente environ 150 fonctionnaires. Ils s’ajoutent à la compagnie déjà là en temps normal. D’un seul coup, le nombre de CRS a donc triplé. Du jamais-vu, hors événements ponctuels. Leur mission : déstabiliser les trafics. Chaque jour, ils investissent des sites sensibles de Lille, Roubaix et Tourcoing. Ils restent plusieurs heures au même endroit. « On réassure la présence de l’État, martèle le préfet Jean-François Cordet. Le terrain n’appartient pas aux dealers, mais aux habitants. » Selon lui, ces renforts resteront « le temps qu’il faudra. Ce sera sans doute une question de mois ».
2. 164 interpellations en neuf jours
Les CRS n’attendent pas les bras croisés dans leurs fourgons. « Ils ont des missions d’interpellations, de contrôles routiers et de visites des immeubles (caves, escaliers, entrées) », souligne Jean-François Cordet. Signe de cette forte activité, il y a eu 164 interpellations lors des neufs premiers jours de déploiement : 69 à Roubaix, 58 à Lille et 37 à Tourcoing. Environ la moitié de ces affaires concerne de la drogue : « On cible les trafiquants et les consommateurs », rappelle le préfet. Des produits ont été saisis, mais il n’a pas souhaité communiquer les quantités.
3. Des réseaux déstabilisés ?
Le Pile et l’Épeule à Roubaix. Lille-Sud et Moulins à Lille. Le Pont-Rompu et la Bourgogne à Tourcoing. Jusqu’à présent, dans le secteurs où les CRS ont été déployés, « les trafics sont très ralentis, voire ont disparu, affirme le préfet. Dealers et consommateurs sont obligés d’aller ailleurs. » Les CRS se déplacent eux aussi. « La mobilité de notre dispositif est une condition de sa réussite. » Sur le terrain, l’accueil est partagé. D’un côté, « nous avons un retour très favorable des habitants, rassurés ». De l’autre, « les trafiquants sont moins contents, c’est bon signe ! ». De quoi générer des tensions. « Pour l’instant, on n’a pas eu d’incident notable. »
Le constat alarmant de Martine Aubry
Le plan antidrogue de Bernard Cazeneuve a été obtenu par Martine Aubry. Dans un courrier envoyé le 15 mai au ministre de l’Intérieur, la maire de Lille réclame un dispositif analogue à celui mis en place à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, au printemps. Elle fonde sa demande par un constat alarmant. Lille « connaît, en matière de trafics de stupéfiants, une des situations les plus enracinées du pays ». Surtout, la tendance est très mauvaise. « Plusieurs secteurs sont fortement touchés par le développement préoccupant de ces trafics. » Et d’égrener la liste : les Bois-Blancs (Aviateurs), Fives (rue Pierre-Legrand), le centre (boulevard Hoover), Vauban (place Catinat) ou Wazemmes (rue Jules-Guesde). Sans oublier de « larges pans » de la zone de sécurité prioritaire : Faubourg-de-Béthune, Lille-Sud et Moulins. Dans ce dernier quartier, « la situation atteint un niveau très critique ». Face à ce tableau, Martine Aubry se réjouit de l’action du ministre. « Ce plan était nécessaire, il fallait agir. »