“Fitna”, le fameux film de Geert Wilders, tourne en boucle sur Internet. Tout ça pour ça. De la propagande mal foutue. Prenez citations, certes exactes, mais situées hors contexte, et images d’archives, vous leur ferez dire ce que bon vous semblera, quelle que soit la philosophie ou la religion incriminée. Mais, en l’occurrence, il y a malaise, le machin en question n’instruisant qu’à charge. Et à côté de la plaque, puisque présentant l’islam comme un bloc qui, malgré ses divisions internes, aurait planifié une stratégie commune de conquête planétaire ; comme s’il était assimilable à l’URSS d’antan – même si, là encore, coexistaient diverses tendances –, avec un chef, une organisation pyramidale, une capitale, des frontières. L’islam, dont l’une des principales et historiques caractéristiques consiste à osciller perpétuellement entre fatalisme et fanatisme, est un sujet par trop sérieux pour être abandonné à un Geert Wilders, à la tignasse plus décolorée que celle de notre Michou national, en quête de scandale, comme autrefois son défunt compatriote, Theo Van Gogh, cinéaste qui, à force d’insulter le judaïsme, puis la religion mahométane, a fini par se faire tuer par un islamiste, le 2 novembre 2004. S’il l’avait été par un loubavitch, en aurait-on conclu que, par essence, le judaïsme était mortifère ? Ou, pour évoquer l’assassinat d’un autre populiste hollandais, Pim Fortuyn, le 6 mai 2002, par un écologiste radical, faut-il en déduire que tous les électeurs verts sont tous des meurtriers en puissance ? Dans le même temps, et ce de manière plus sérieuse, les plus hautes autorités religieuses de Turquie viennent de décider de remettre à plat, non pas le Coran, évidemment, mais la Suna et ses haddiths, soit la tradition musulmane, afin d’y procéder à un grand nettoyage de printemps. Cela fera-t-il tâche d’huile dans l’Oumma ? Peut-être que oui, peut-être que non ; mais c’est plus aux musulmans qu’aux chrétiens de pratiquer cet éventuel et nécessaire dépoussiérage, sachant qu’après tout, le Vatican n’a jamais invité d’imams ou de mollahs dans ses conciles. Bref, les clercs, chacun chez eux, et vaches et chameaux n’en seront que mieux gardés.
Quant au reste, à savoir la minorité de moins en moins minoritaire de musulmans en France et en Europe, la chose est finalement plus à prendre sous l’angle de la friction culturelle que de l’antagonisme religieux. Ce n’est pas le fait que les musulmans soient musulmans qui gêne les autochtones, mais plus sûrement que cela puisse influer sur le menu des cantines scolaires, de la vêture des passantes ou des horaires d’ouverture des piscines municipales. Et, plus sûrement encore sur l’environnement architectural de nos villes, dix mosquées fondues dans le paysage urbain paraîtront toujours moins menaçantes qu’une seule, aux allures de cathédrale. Toujours dans une semblable allégorie d’ordre culturel, il est de bon ton de fêter le nouvel an chinois ou de se toquer d’astrologie issue de ces mêmes contrées, alors que le confucianisme est autrement plus éloigné de notre culture que l’islam. Idem pour le bouddhisme, auquel se convertissent chaque année de plus en plus de nos compatriotes, philosophie encore plus étrangère à notre substrat européen. Question de mode ? D’esthétisme ? De considérations sociales – l’islam est la religion des pauvres et des voyous (comme le catholicisme aux USA), alors que le bouddhisme est celle du showbiz international ? Assez bizarrement, et ce par un remarquable retournement de tendances et d’élégances, on notera que l’orientalisme islamophile est une création française d’il y a deux siècles. Orient à la fois cruel, voluptueux et mystérieux, qui aura suscité d’entières brouettes de poèmes mystiques et de peintures lascives, à la limite de la pornographie tolérée de l’époque. Déjà, l’islam était objet de fantasmes. Ces femmes, nues et voilées à la fois, enfermées au harem des princes polygames, faisaient rêver. Les mêmes, objectivement moins nues, mais toujours voilées, font désormais cauchemarder. Probablement parce qu’elles ne sont plus alanguies au hammam à se tirlipoter l’entrejambes, mais poussent le caddie sur le parking du supermarché, tandis que leur mari, toujours polygame présumé, n’est plus seigneur du désert, mais technicien de surface à la mairie communiste du coin.
Au-delà de l’attirance ou de la répulsion cutanée, ces deux faces de la même fausse monnaie, des incompatibilités ou des accointances culturelles, le véritable problème demeure politique. C’est la politique d’immigration démente à laquelle France et Europe sont soumises depuis plus d’un demi-siècle. En effet, s’il y a de plus en plus d’islam ici, c’est avant tout parce que le grand patronat, avec la complicité des idiots, aussi utiles que stipendiés, issus des associations antiracistes, a fait venir de plus en plus de musulmans de là-bas, plutôt que de payer à bon prix les chrétiens de chez nous. En aurait-il fait autant des Pygmées qu’on se battrait maintenant dans toutes les villes de France pour que les rampes d’escalier soit installées plus basses, que le tir à la sarbacane soit enseigné aux enfants dès la maternelle et que le port du pagne pour les femmes ne soit pas motif de licenciement, lorsque arboré sur le lieu de travail. Plus grave encore, la financiarisation du capitalisme mondialisé, après avoir spéculé sur le travail humain, boursicote aujourd’hui sur la vitale nourriture. D’où les émeutes de la faim se répandant actuellement à la surface du globe, dont il est à craindre qu’elles ne se transforment ensuite en guerres. Et là, pas plus qu’on ne peut reprocher à un musulman d’honorer la foi de ses pères, pourra-t-on blâmer celui dont le ventre criera tôt ou tard famine ? Les prochaines vagues d’immigration pourraient ainsi bien être celles-ci : non point une Reconquista à l’envers – d’ailleurs, l’ouvrier algérien, importé en France par Peugeot dans les années soixante, loin de vouloir venger la perte de l’Andalousie, entendait juste fuir ce socialisme ayant ruiné cette terre qui aurait pu devenir une Californie méditerranéenne –, mais seulement une course à la survie. Celle des estomacs vides. Cela pourrait être un nouveau Camp des Saints, relisez donc ce livre prophétique de Jean Raspail. Et si ce jour devait, qu’à Dieu ne plaise, survenir, à qui faudra-t-il demander des comptes, en admettant toutefois que nous soyons encore en état de le faire ? Aux mosquées ou aux Mac Donald’s – ces derniers défigurant nos villes bien plus efficacement que ces lieux où, au moins, la transcendance est reine, le Dieu d’Abraham loué ? Entre dingueries babéliennes, matérialistes, et peuples tentant, vaille que vaille, de respecter les commandements divins dont Moïse fut l’humble télégraphiste, il n’y a, ni à balancer et encore moins à barguigner. Il y a le front du sacré et le reste. Certains nous annonçaient le “choc des civilisations” ; il s’agirait plutôt, à l’heure actuelle, d’un choix de civilisation. La nuance n’est pas mince.
Béatrice PÉREIRE