Nous sommes le 20 novembre 2015 sur France Inter. Patrick Liste Noire Cohen abandonne deux minutes SON micro à François Morel, qui dit la même chose que lui mais en langage culturel. Les deux étant totalement raccord sur le Système.
François Morel, à qui l’on doit les Deschiens, où le Picard avait remplacé l’Arabe dans la sémiologie idéologique de Canal+, se lance brutalement dans une envolée pro-vie, pro-sorties, pro-Paris qui sombre dans le ridicule. Bernard Pivot se gratte la tête, tandis que Pierre Arditi, pourtant pas le dernier à faire la promo du socialisme sociétal, semble pensif. Le texte de Morel, très mal écrit, comme toujours, résonne dans le vide et sent la trouille rétroactive. Ce n’est pas un texte d’espoir ou d’unité, mais un message qui peut se résumer par : « Déconnez pas, continuez d’aller voir nos spectacles, sinon nous, la gauche culturelle irremplaçable, on va mordre la poussière ! »
L’urgence morélienne semble être là. Il y a quelque chose de dérangeant dans cette privatisation et cette déviation de l’émotion post-attentats. Mais le showbiz nous a habitués à tellement de démagogie, de sans-gêne, de vulgarité, dans son désir pathétique de toujours se mettre entre la caméra et les événements…
En élargissant notre regard, on comprend que Morel n’est que le symbole d’un pudique revirement politique de la gauche parisienne. Avant, les flics c’était l’État policier. Des ennemis de la liberté, de l’Art et de la Culture (ces gros moustachus de beaufs à la Cabu n’y comprenaient rien). Sauf que sa bobo-démocratie, qui la protège ? Qui sont ceux qui sont entrés dans le dur pour sauver des vies ? Eh bien les sales flics, les sales fachos, les mecs armés, entraînés, les mecs prêts à mourir pour la France, les patriotes, les ennemis idéologiques de François Morel, qui leur tirait dessus du haut de sa chaire de rubriquard de la radio d’État. Payé par nos soins, donc, pour mépriser encore un peu plus la France et ses défenseurs. Mais quittons le marais du show-biz pour faire un peu de sociologie désincarnée.
La démocratie, quand elle est attaquée, n’a pas spontanément les moyens – on le voit – de répondre à une agression surprise. Sauf si elle mute – provisoirement – en société défensive, c’est-à-dire armée, d’autres diront « fasciste ». Il faut pour cela transformer la société de paix en société de guerre. On a donc un pouvoir policier, oui, depuis le 13 novembre au soir. Et c’est visiblement ce que les Français réclament, après le choc du massacre parisien.
Le gauchiste de papier François Morel n’est pas assez lucide, ou intelligent, pour comprendre que sa société du plaisir, celle de ses agréables sorties culturelles, de l’épicurisme avancé (auquel tous les Français ne goûtent pas) dont il est le prosélyte, n’est possible que si ladite société est capable d’entretenir une structure policière. Il existe une ville, en Chine, pas loin de la frontière de la Sibérie russe, qui est composée de travailleurs normaux, à ceci près qu’ils appartiennent tous à l’Armée Populaire. C’est une cité stratégique et futuriste, dotée des plus hautes technologies, et peuplée de citoyens qui peuvent se transformer en soldats à la moindre occasion, ou menace.
Ce n’est pas le cas de François Morel, qui réclame, de manière indirecte ou en creux, que sa petite vie de collaborateur mondain du Système soit protégée, certes, mais pas par lui. Le sale boulot patriotique, c’est pour les autres. Lui, comme ses pairs, ne veut pas toucher au fascisme policier, pourtant bien pratique en cas d’attaque extérieure. Mais pardonnons à François Morel, qui a dérapé sous le coup de l’émotion, c’est-à-dire de la peur, fut-elle égoïste et très corporatiste.
Rien n’est acquis, pas même la civilisation, a fortiori la culture et les petits plaisirs du sieur Morel. Qui, après avoir fait du beurre sur le dos des beaufs à Canal+, en appelle en creux à LEUR courage patriotique. D’abord pour le protéger, et ensuite pour revenir dans les salles, assister à ses spectacles sponsorisés par le Système.