Le président aime les artistes, peut-être plus que l’art. Il ne se contente pas de les voir jouer, mais les rencontre et les écoute. Pour son plaisir, pour son futur...
Ce fut l’un de ces discrets rendez-vous estivaux qui ne figurent pas à l’agenda officiel. Au plus creux de l’été, le comédien Vincent Lindon voit François Hollande seul à seul. Encore auréolé de son prix d’interprétation masculine à Cannes pour La Loi du marché, ce film qui raconte la dégringolade sociale d’un quinquagénaire abonné à Pôle emploi, l’acteur livre au président, de manière assez rude, le fond de sa pensée. Notamment en matière de politique culturelle. François Hollande écoute avec attention et rappelle même le comédien le lendemain pour le remercier de sa franchise.
"Quand un mec capable de refuser un cachet de 1 million d’euros pour tourner La Loi du marché lui dit des choses, Hollande ouvre grand ses oreilles", commente le fidèle Pierre Lescure, patron du Festival de Cannes. Face au président, Lindon a usé d’un étrange subterfuge : "Je vais vous parler non comme si je m’adressais au chef de l’Etat, mais comme si je parlais à son meilleur ami. Eh bien, dis à François Hollande de..." Et, devant le président un rien médusé, le comédien déroule ses recommandations...
Fin juin, déjà, une projection privée du film a eu lieu à l’Elysée en présence de l’équipe. La présidence de la République s’empresse ensuite de mettre en ligne, sur Dailymotion, un clip de deux minutes où l’on voit François Hollande bavarder avec techniciens et comédiens. En ces temps agités, alors qu’un Philippe Torreton a bruyamment pris ses distances avec le pouvoir, un peu de culture ne peut pas nuire à l’image d’un président de gauche. Sur ce petit clip, outre la silhouette souriante de sa conseillère à la culture, Audrey Azoulay, on peut apercevoir deux habitués du Château : Pierre Lescure et Jean-Michel Ribes.
Ne manque que Bernard Murat pour que le "trio de directeurs de théâtre", qui forme l’ossature des réseaux culturels de Hollande, soit au complet. Patron du théâtre Edouard-VII, Murat est un vieux copain du président de la République, lequel l’a d’ailleurs décoré, ce 11 septembre, de la Légion d’honneur, avant d’aller dîner ensemble avec leur ami Pierre Arditi. "Murat a tout pour plaire à Hollande : passé trotskiste et triomphe dans le théâtre privé ! Le président aime les réalistes", s’amuse Pierre Lescure.
"On lui parle, et pas des mêmes sujets que ce qu’il entend dans sa journée, ajoute Arditi. Et lui nous explique sa manière de faire." Plus discrètement, Bernard Murat met parfois à la disposition de son ami François sa belle demeure de Barbizon, dont le jardin s’ouvre sur la forêt de Fontainebleau, pour des week-ends avec Julie Gayet.
Quelle est l’influence réelle de ce trio ? "Ce qui m’intéresse, c’est ta sagacité", dit François Hollande à Pierre Lescure, en 2010, au moment où le directeur du théâtre Marigny se rapproche de lui. "Alors, quand j’ai quelque chose de ’sagace’ à lui soumettre, je lui envoie un texto, ou j’essaie de le voir, de préférence le week-end, où il est plus disponible", raconte Lescure.
L’ancien patron de Canal+ a évidemment évoqué avec le président la personnalité de Delphine Ernotte, la nouvelle présidente de France Télévisions. Ou encore, l’an passé, le profil des trois candidats à la succession de Muriel Mayette à la Comédie-Française. Dans ce dernier cas, le comédien Denis Podalydès, qui connaît également le président, pèse de tout son poids en faveur de la nomination d’Eric Ruf. Avec succès.
"Le président adore les films des années 1970"
"Nous communiquons beaucoup par texto, confirme Jean-Michel Ribes, patron du théâtre du Rond-Point. François Hollande assiste plusieurs fois par an à nos spectacles. Il entre par une porte dérobée, mais, chaque fois qu’il arrive dans la salle, le public l’applaudit. Après un spectacle de l’ancien Deschiens François Morel, en février dernier, il est venu prendre un verre dans mon bureau avec le comédien. Nous avons fait monter de quoi manger et il est resté jusqu’à 1 heure du matin. J’ai rarement autant ri que ce soir-là !"