Le président israélien Reuven Rivlin, s’adressant à l’Académie israélienne des sciences humaines le week-end dernier, a utilisé les mots « Israël est une société malade » pour décrire l’état actuel de la nation.
La Jewish Telegraphic Agency rapporte :
« “Il est temps d’admettre honnêtement que la société israélienne est malade – et il est de notre devoir de traiter cette maladie”, a déclaré Rivlin à l’Académie israélienne des sciences humaines dimanche lors d’une conférence intitulée "De la xénophobie à l’acceptation de l’autre".
La tension entre Juifs et Arabes en Israël a atteint des sommets inégalés, et la relation entre toutes les parties est tombée encore plus bas, a-t-il dit. Nous avons tous été témoins de la séquence choquante de violences et d’incidents qui se sont déroulés entre les deux parties. L’épidémie de violence ne se limite pas à un secteur ou à un autre, elle imprègne tous les domaines et n’épargne aucun milieu. Il y a de la violence dans les stades de football ainsi que dans le milieu universitaire. Il y a de la violence sur les réseaux sociaux et dans le discours de tous les jours, dans les hôpitaux et dans les écoles. »
The Jerusalem Post écrit :
« “Le temps est venu d’admettre que la société israélienne est atteinte d’une maladie qui exige un traitement”, a déclaré ce dimanche le président Reuven Rivlin à la séance d’ouverture d’une conférence intitulée “De la xénophobie à l’acceptation de l’autre” ».
Rivlin a demandé à haute voix si les Juifs et les Arabes avaient perdu le secret du dialogue.
En ce qui concerne les Juifs, il a dit : « Je ne demande pas s’ils ont oublié comment être Juifs, mais s’ils ont oublié comment être des êtres humains décents. Ont-ils oublié comment converser ? » Aux yeux de Rivlin, l’Académie a un rôle essentiel à jouer pour réduire la violence dans la société israélienne et favoriser le dialogue et l’étude de différentes langues et cultures, dans le but de promouvoir la compréhension mutuelle, et de sorte qu’il puisse y avoir des réunions civilisées entre les différents secteurs de la société.
Cette histoire a été relayée dans le monde entier, mais reste totalement invisible dans les rapports des médias grand public à travers les États-Unis et l’Europe de l’Ouest. Le blackout est total.
Ce qui rend ce fait d’autant plus remarquable, c’est que les commentaires de Rivlin arrivent extraordinairement au bon moment afin d’entamer un processus de lavage de mains d’Israël pour les actes génocidaires commis au cours de l’été, lors de l’opération Bordure protectrice. L’une des raisons du succès de la machine de relations publiques d’Israël est la politique du « tirer et pleurer ».
L’analyste politique Marwan Bishara explique :
« Des années cinquante jusqu’à la dernière décennie, les semblables d’Ariel Sharon, "le Bulldozer", ont maîtrisé l’art de la violence tout comme les semblables de Shimon Peres, le grand communicateur, ont maîtrisé l’art des relations publiques. La locution hébraïque qui le rend le mieux est "yorim ve’bochim", soit littéralement "tirer et pleurer". Alors qu’il était de coutume d’appartenir au "sionisme ouvrier" ou à la gauche dominante israélienne quand on regrettait la mort des Palestiniens ou que l’on déplorait la mort des enfants, "bombarder et pleurnicher" est maintenant devenu la spécialité de la droite israélienne. Et alors que la "gauche" le faisait avec "de la prose éloquente, de la gesticulation poétique et des films primés", la droite elle, le fait avec des clichés bon marché et de grossiers mensonges. »
Les événements de l’été dernier ont exposé la société israélienne au public occidental comme jamais auparavant. Pendant cinquante jours, le masque est tombé. Et les spectateurs occidentaux n’étaient pas préparés à ce qu’ils ont vu.
Au cœur même de la politique israélienne, nous avons vu le vice-président israélien, Moshe Feiglin, appeler à « l’élimination » totale de la bande de Gaza, et un député du Likoud – le parti au pouvoir –, Ayelet Shaked, appeler à assassiner des mères palestiniennes et leurs enfants.
Pendant ce temps, les réseaux sociaux reprenaient en masse cette rhétorique.
Une page Facebook appelée « Soutien à l’armée israélienne », diffusait des selfies de femmes israéliennes arborant des pancartes portant des inscriptions pro-Tsahal.
Une autre page Facebook intitulée « Le peuple d’Israël réclame vengeance ! » a été mise en place à la suite de l’assassinat de trois adolescents israéliens et a révélé le même mélange bizarre de sexe et d’incitation. Des adolescentes postaient des selfies ensoleillés, pas très différents de beaucoup d’autres qui prolifèrent sur Instagram... sauf qu’elles tenaient des pancartes appelant à la « mort de tous les Arabes », ou comme on peut le lire ci-dessous : « Haïr les Arabes n’est pas du racisme, c’est une valeur morale. »
Et sur la même page, nous pouvons voir la réaction à l’enlèvement et au meurtre de l’adolescent palestinien Mohammed Khadir qui, durant une prétendue « vengeance », fut forcé de boire de l’essence et fut brûlé vif.
Comment Israël a pu en arriver là ? Un observateur commente :
« Toutes les graines de l’incitation de ces dernières années, toute la législation nationaliste raciste et la propagande incendiaire, les campagnes d’intimidation et la subversion de la démocratie par le camp de droite – tout cela a porté ses fruits, et ces fruits sont rances et pourris. La droite nationaliste a sombré encore un peu plus, entraînant dans son sillage la quasi-totalité du pays. Le mot "fascisme", que je tente d’utiliser aussi peu que possible, a enfin sa place méritée dans le discours politique israélien. »
Cet observateur israélien, Gideon Levy, est écrivain et membre de la direction du quotidien Haaretz. Ses grands-parents ont fui vers Israël dans les années trente, lorsque l’Allemagne nazie a annexé la Tchécoslovaquie. L’homme n’ose pas utiliser le mot fascisme à la légère, mais il l’utilise maintenant – malgré des menaces de mort et de violences de la part de ses concitoyens.
L’opinion publique occidentale a été frappée d’horreur devant ce discours génocidaire – même les amis d’Israël ont commencé à se demander : « Quel genre d’État suis-je en train de soutenir ? »
Les efforts du président Rivlin pour « pleurer après la partie de chasse » sont une preuve de ce phénomène, mais il n’a pas réussi à se jouer du public occidental, dont le point de vue vis-à-vis d’Israël a changé au cours de l’été. Rivlin est le visage acceptable d’Israël – la voix calme et modérée venant équilibrer l’agressivité éhontée du Premier ministre Benyamin Netanyahou. Seulement maintenant, plus personne ne l’écoute.