Israël a annoncé lundi [27 octobre – NDLR] accélérer les plans pour la construction de 1 000 logements à Jérusalem-Est, au risque d’aggraver encore les vives tensions auxquelles la partie annexée et occupée de la ville est en proie depuis plusieurs jours.
Cette annonce survient dans un climat de violences qui font redouter un embrasement généralisé et dont la poursuite de la colonisation dans la partie palestinienne de Jérusalem est citée comme l’un des facteurs majeurs.
Les affrontements se sont poursuivis dans la nuit de dimanche à lundi au moment où les Palestiniens enterraient, sous haute surveillance, Abdelrahmane Shalodi, accusé par Israël d’avoir tué un bébé de trois mois et une femme dans un attentat « terroriste » mercredi.
Depuis que ce Palestinien de Jérusalem-Est a jeté sa voiture contre un arrêt de tramway, les heurts déjà permanents des derniers mois se sont encore intensifiés. Des milliers de policiers et de gardes-frontières ont été appelés en renforts pour quadriller les quartiers palestiniens.
Le Croissant-Rouge palestinien a recensé plus d’une vingtaine de blessés dans la nuit. La police israélienne a fait état de huit arrestations.
« Jérusalem brûle »
L’épicentre de ces heurts a été une fois de plus le quartier populaire de Silwan, au pied de la Vieille Ville et de l’esplanade des Mosquées. Quelque 500 colons israéliens vivent au milieu de 45 000 Palestiniens dans ce quartier d’où était originaire Abdelrahmane Shalodi.
Après les avoir longtemps refusées, la famille Shalodi a fini par accepter les strictes conditions imposées par les autorités israéliennes, inquiètes des débordements, pour qu’elle récupère le corps et l’enterre.
La dépouille a été inhumée vers minuit en présence de cinquante personnes autorisées, tandis que des centaines de jeunes étaient cantonnés par la police aux abords du cimetière de la Porte des Lions, sur le mont des Oliviers, a rapporté un militant associatif à Silwan.
Dans ce contexte de tensions exacerbées, l’organisation israélienne anticolonisation La Paix maintenant a estimé que l’annonce gouvernementale de lundi était particulièrement malvenue.
« Il n’y a jamais de bon moment pour faire des choses pareilles, mais celui-ci l’est encore moins que les autres, alors que Jérusalem est en train de brûler », a dit à l’AFP Lior Amihai, l’un de ses porte-paroles.
Le gouvernement a décidé de faire avancer la planification pour la construction de plus de 1 000 unités d’habitation : environ 400 à Har ‘Homa et 600 à Ramat Shlomo, deux colonies juives de Jérusalem-Est.
« Une telle annonce peut signifier soit que les autorités se disposent à lancer les appels d’offres pour la construction effective de projets existants, soit qu’elles font avancer la procédure », a expliqué M. Amihai.
« Ségrégation raciale »
Elle ne devait pas manquer de susciter la réprobation de la communauté internationale, encore exprimée ces dernières semaines par l’ONU, les États-Unis ou l’Union européenne devant de semblables décisions. Ces derniers considèrent la poursuite de la colonisation comme un obstacle majeur aux efforts pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l’État auquel ils aspirent. Et la communauté internationale juge illégales l’annexion et l’occupation de Jérusalem-Est.
La colonie ultra-orthodoxe de Ramat Shlomo avait déjà été à l’origine d’un tollé au sein de l’administration Obama quand Israël avait choisi une visite du vice-président Joe Biden dans la région pour donner son feu vert à la construction.
De telles annonces assombrissent encore davantage les perspectives de reprise des efforts de paix.
Le gouvernement israélien a pris dimanche une décision dénoncée par les défenseurs des droits de l’homme comme encourageant la « ségrégation raciale ». Désormais, les travailleurs palestiniens en Israël ne pourront plus emprunter les mêmes bus que les colons pour rentrer en Cisjordanie, a décidé le ministère de la Défense.
Dans ce contexte, la presse israélienne faisait largement état lundi de l’accord que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou aurait donné à une série de chantiers en Cisjordanie et à la délivrance de 2 000 permis de construire.
Le Premier ministre mettrait ainsi fin au « gel silencieux » de tels projets et donnerait des gages aux procolonisations au sein de sa coalition gouvernementale malmenée. L’information n’a été ni confirmée ni démentie. Si elle était corroborée, l’impact risquerait d’être considérable.
Vers « une explosion »
La décision d’Israël d’accélérer les plans pour la construction de 1 000 logements à Jérusalem-Est et la poursuite de la colonisation juive provoqueront une « explosion », a prévenu lundi un haut dirigeant du Fatah, le parti du président palestinien Mahmoud Abbas.
« De telles mesures unilatérales mèneront à une explosion », a dit à la presse Jibril Rajoub à Ramallah, en Cisjordanie occupée, alors que la partie palestinienne de Jérusalem annexée et occupée est en proie à de vives tensions.
Cette annonce intervient sur fond de tensions grandissantes dans la Ville sainte, secouée depuis cinq jours par des heurts d’une ampleur inédite, notamment dans le vieux Jérusalem où se trouve l’emblématique esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam où les visites de plus en plus nombreuses de juifs sont perçues comme des provocations.
« L’escalade israélienne à Jérusalem occupée et dans les lieux saints, les dangereuses agressions quotidiennes et l’annonce d’un nouveau plan de colonisation à Jérusalem constituent un danger que nous condamnons et considérons comme inacceptable », a pour sa part déclaré à la presse Nabil Abou Roudeina, porte-parole de la présidence palestinienne.
Le négociateur en chef palestinien Saeb Erekat a, lui, affirmé à l’AFP que les Palestiniens envisageaient désormais d’accélérer leurs démarches « auprès du Conseil de sécurité de l’ONU », auquel ils veulent prochainement soumettre un projet de résolution fixant une date à la fin de l’occupation israélienne, ainsi que leur adhésion à la Cour pénale internationale, « car toutes les décisions du gouvernement de Benyamin Netanyahou sont des crimes de guerre ».
Il a en outre appelé l’administration américaine à « dire clairement son opposition aux actions israéliennes, à revoir sa position biaisée en faveur d’Israël et à ne plus s’opposer à notre adhésion à la CPI ».
M. Abou Roudeina en a également appelé à Washington pour arrêter les Israéliens « afin d’empêcher une détérioration encore plus importante, du fait surtout que la situation régionale fait redouter une tempête historique susceptible de provoquer un séisme qui emporterait tout le monde sans distinction ».