Avant que le Bac ne disparaisse complètement et soit remplacé par du contrôle continu (peut-être un jour sans notation…), nous pouvons toujours porter une attention toute particulière aux résultats des épreuves. Non pas pour joyeusement contempler le niveau de connaissances de notre jeunesse – tout le monde sait que le maintien au-dessus des 80 % d’admis n’est dû qu’à une baisse constante des requis – mais plutôt pour en faire une lecture contournant les restrictions habituelles en la matière.
En effet, les statistiques des résultats du Bac général [1] mettent en évidence un maintien des disparités entre différentes classes sociales et origines ethniques. La carte des taux de réussite au Bac s’accorde relativement bien avec la carte de l’immigration : parmi les académies en tête, on retrouve Nantes, Rennes, Poitiers. De même les dix prénoms arrivant en tête parmi les mentions Très bien, que cela soit du coté des garçons (Thomas, Antoine, Nicolas…) que du coté des filles (Marie, Mathilde, Camille…) ne sont pas vraiment susceptibles d’apporter satisfaction à nos gouvernants, qui nous rabâchent depuis des décennies leur volonté d’instaurer « l’égalité des chances ». Dur bilan donc pour l’école de la République, qui revendique d’une façon de plus en plus agressive la priorité sur l’éducation des jeunes devant les milieux familiaux (cours de « morale laïque », criminalisation de l’instruction à domicile, circulaires sur l’égalité des sexes…).
Et dans le cadre d’une épreuve anonyme, brandir l’habituelle pancarte des discriminations pour expliquer cet échec n’est pas une option viable. D’ailleurs, c’est davantage l’origine sociale que l’origine ethnique qui compose un critère de reproduction. L’an dernier, sur une génération, entre un quart et un tiers des Ulysse, Madeleine ou Irène obtenait une mention, contre seulement 3 % des Sabrina, Cindy ou Mohamed [2].
Le Bac reste l’étape inévitable pour accéder aux études supérieures. Pour les jeunes issus des classes populaires n’ayant pas choisi l’un des quelques métiers techniques qui recrutent encore aujourd’hui, la tentative de vivre le rêve républicain risque souvent d’aboutir à de vraies difficultés à intégrer le marché du travail dans des conditions décentes.
Les immigrés arrivés lors des années soixante-dix pouvaient encore aspirer à l’emploi sûr en usine. Pour leurs descendants, il ne restera bientôt plus que l’emploi précaire et avilissant dans les méandres du secteur tertiaire, entrecoupé de périodes plus ou moins longues de chômage. Ils continueront ainsi à grossir les rangs du sous-prolétariat contemporain. Tels étaient les attentes du grand patronat, qui a pu s’appuyer sur la « droite » quand elle était aux affaires, mais tout autant sur la « gauche » bien-pensante, cette dernière n’ayant jamais rechigné à participer à la dérégulation du marché du travail, rendue plus efficace par sa spécialité propre : la promotion de l’immigration de masse.