Cet été aura vu un emballement de la machine médiatique qui s’essouffle à vouloir discréditer la Russie de Vladimir Poutine.
Le dernier mythe russophobe serait donc celui d’un hypothétique soft power russe, impérial et agressif, dont l’efficacité et même l’existence resterait du reste à prouver.
À ce titre, la folie qui a frappé le Mainstream médiatique français sur la soi-disant usine à trolls du Kremlin mérite que l’on s’y penche.
Le mois dernier la justice russe a condamné un employeur pas comme les autres, l’Agence de l’investigation de l’Internet, à payer à une ancienne employée les dommages et intérêts qu’elle réclamait, à savoir la somme symbolique d’un rouble, soit 0,013 euro !
Diantre ! On peut se demander ce qui a pu motiver une salariée russe à se battre en justice pour une somme aussi faible. La réponse est donnée par l’intéressée elle-même : « Accomplir mon devoir et faire sortir de l’ombre un monde de trolls informatiques. »
Lioudmila Savtchouk a expliqué que son travail dans cette usine à trolls était d’inonder la toile, et qu’elle devait laisser environ une centaine de commentaires par jour de travail (de 12 heures !) sur des forums de discussions ou des sites d’actualité comme jusqu’à 400 de ses collègues. Le magazine en ligne Slate donne, lui, plus d’informations et incite à suivre un blog et un compte Twitter lié, dont visiblement la popularité n’est pas ce qu’on pourrait escompter.
Lioudmila Savtchouk, qui se définit comme « militante pour le droit à l’information », est devenue durant quelques semaines le sujet principal de la majorité des médias français, qui assuraient avoir démasqué une sorte de « système Poutine de la communication », colonne vertébrale de l’impériale propagande russe.
Tentons d’être sérieux.
Poster 100 commentaires par jour n’est pas énorme pour un jeune qui passe beaucoup de temps sur Internet et des forums. Tous les gens qui le font savent que certains échanges montent souvent à bien plus, même pour des blogs avec peu d’audimat. Peut-on faire croire à qui que ce soit que 300 ou 400 geeks postant 100 commentaires par jour peuvent représenter une menace pour qui que ce soit ou influer sur l’opinion publique, ce que même des journalistes professionnels n’arrivent plus à faire ? Ce serait bien sous-estimer la qualité intellectuelle de la grande majorité des acteurs de la scène Internet russe.
Il est par contre intéressant de connaître certains détails de cette affaire que nos journalistes n’ont curieusement pas jugé bon d’ébruiter.
Lioudmila Savtchouk n’a curieusement communiqué qu’avec des médias d’opposition tandis que lors de son procès, elle bénéficiait du soutien juridique de l’association Komanda29, ou Team29, dont une simple recherche Internet permet de clairement comprendre les racines et les motivations : le mouvement est directement sponsorisé par la Fondation pour l’information libre, elle-même soutenue directement par les officines du département d’État que sont, par exemple, la NED ou l’USAID, qui sont des outils d’exécution de révolutions colorées.
Les journalistes français, prompts à dénoncer la Russie de Poutine, ce qui est devenu pour eux une seconde nature, auraient aussi pu tenter de comparer la situation en Russie avec celle que connaît par exemple l’Ukraine, où le gouvernement a déployé une « armée de l’information » de près de 20.000 militants pour soi-disant rétablir la vérité sur le dossier ukrainien et lutter contre la Russie.
Plus à l’ouest, Edward Snowden a aussi fait de bien intéressantes révélations quant aux outils développés par les services secrets anglais pour influencer les votes en ligne ou abonder la toile de fausses informations.
Enfin, pourquoi ne pas citer Bruxelles qui a déployé des cyber-patrouilles pour lutter contre l’euroscepticisme ?
Plus à l’est, la Chine, l’Inde ou Israël ont aussi déployé des cyber-brigades pour mener la guerre de l’information et prendre le contrôle du champ narratif et des esprits.
Une guerre de l’information qui visiblement ne fait que commencer.