« Ces clichés montrent ces deux militaires réalisant le geste de “la quenelle”, signe de ralliement à Dieudonné et correspondant au salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah », écrivait Alain Jakubowicz, président de la LICRA, aux ministres Jean-Yves Le Drian et Manuel Valls, le 9 septembre 2013, lançant ainsi officiellement la campagne politico-médiatique de diabolisation de la quenelle. L’interprétation peut paraître à priori étonnante au commun des mortels, qui ne sait pas que l’homme qui en est à l’origine est un spécialiste du sujet. En effet, cet avocat d’affaire a défendu le B’naï B’rith et le Consistoire israélite aux procès Barbie, Touvier et Papon. Athée, militant de la laïcité, il fut président du CRIF Rhône-Alpes. Politiquement de gauche, il fut adjoint au maire RPR de Lyon Michel Noir. Retour sur l’itinéraire d’un pilpouliste droit dans ses bottes.
« Cet homme-là est un teigneux. Un mousquetaire ashkénaze toujours prêt à brandir l’épée pour la cause : la mémoire des victimes de l’Holocauste. »
Le Nouvel Observateur, 26 janvier 1995
« L’héritier du petit tailleur villeurbannais vit avec sa femme australienne et ses trois enfants dans le 6ème arrondissement de Lyon, dernier carré de la bourgeoisie lyonnaise, passe ses week-end dans son chalet de Megève, roule en Range Rover et Jaguar de collection, fume de barreaux de chaise et ne porte que de seyants costumes trois pièces qui lui valent la réputation d’être l’homme le plus élégant de Lyon. »
Le Monde, 20 avril 2005
« Il ressemble à Woody Allen. Comme lui, Alain Jakubowicz cache de petits yeux vifs derrière de larges lunettes d’écaille et affiche volontiers le sourire distancier de l’antihéros […]. Le nouveau patron de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme porte des costumes trois pièces impeccablement coupés, auxquels il assortit la couleur de ses montures. Il a choisi de laisser ses affaires psychanalytiques au vestiaire. »
Le Journal du dimanche, 4 juillet 2010
« Il s’est passé quelque chose aujourd’hui et c’est important car il y a le feu à la maison. »
Alain Jakubowicz, octobre 2013
« Dans les années 80, on était un peu les rois des dîners en ville […] Aujourd’hui, on est tout le temps accusé d’être des donneurs de leçons liberticides. »
Alain Jakubowicz, AFP, 26 novembre 2013
« Si je devais me réinvestir un jour en politique, ce ne serait pas pour jouer le second rôle, mais plutôt pour un rôle à la Coluche. »
Alain Jakubowicz, Le Monde, 20 avril 2005
« Israël demeure une authentique démocratie, la seule de cette région du monde. »
Alain Jakubowicz, Libération, 25 novembre 2001
L’avocat de la communauté…
Alain Jakubowicz est né le 2 mai 1953 à Villeurbanne (Rhône).
Issu d’une famille juive polonaise, arrivée en France d’Allemagne en 1933, il est le fils d’une femme au foyer, Ruth Rosenbaum et de Max Jakubowicz, un entrepreneur dans le textile, propriétaire d’une fabrique de pantalons. Il a épousé en 1977, Gabrielle Edelsein, avec qui il aura trois enfants.
Après des études de droit à l’Université Lyon III, cet « ashkénaze lyonnais » (Tribune juive du 16 mars 1995) a passé le Capa, prêtant son serment d’avocat en 1976. Depuis, « il promène sa silhouette d’avocat sérieux et longiligne dans tous les palais de justice de France, à la poursuite de ceux qui soutinrent le régime de Vichy, comme s’en félicite Actualité juive (16 mars 1995). Il était là au procès Barbie, il plaidait pour les parties civiles au procès Touvier et milite aujourd’hui pour la tenue du procès Papon. »
Engagé dans des mouvements de jeunesse communautaire jusqu’à vingt-trois ans, il n’hésite pourtant pas à se déclarer athée (cf. Actualité juive, 21 octobre 2004). Mais c’est bien en militant communautaire qu’il a été l’avocat du Consistoire israélite de France et du Comité de coordination des communautés et organisations juives de Lyon, qui figuraient parmi les principales parties civiles, dans le procès Barbie (1987). À ce titre, il fera venir des États-Unis Elie Wiesel comme témoin à charge. Me Jakubowicz sera aussi à l’origine de la diffusion d’un film de 45 minutes sur le procès Barbie, alors que le procès n’avait pu être filmé qu’à la condition expresse que les quatre cents heures d’enregistrement demeurent confidentielles durant un laps de temps beaucoup plus important.
Il faut préciser qu’il entretient d’étroites relations avec Marc Aron, l’ancien président du B’naï B’rith de France, que Jakubowicz a défendu régulièrement.
« Le Dr Aron joua un rôle important dans la médiatisation du procès Barbie […]. En effet, sur le plan de la logistique locale à Lyon, il était capital de pouvoir accueillir les journalistes présents au procès par des conférences de presse des principaux avocats de l’accusation, et cela fut possible grâce à la location par Marc Aron d’un bureau situé juste en face du Palais de justice de Lyon. Ce fut Me Jakubowicz qui prit la parole au nom du B’naï B’rith, parmi d’autres associations lors du procès. »
David Malkan, La Fantastique histoire du B’naï B’rith, Montorgueil, 1993
Dans le procès de Paul Touvier en 1994 (dont il tirera un livre, Touvier. Histoire du procès, Julliard, 1995, cosigné avec René Raffin), c’est lui qui portera les plus violentes attaques contre un magistrat de la cour d’appel de Paris, coupable d’avoir délivré un non-lieu à l’ancien milicien. Il attaquera même François Mitterrand, associant le nom du président de la République (pour son entretien à Nous entrerons dans la carrière) à celui de Jean-Marie Le Pen, dans sa plaidoirie contre Touvier, rejetant toute idée de pardon et d’oubli plus de cinquante ans après les faits.
Au procès Papon, il sera encore l’avocat du Consistoire israélite et du B’naï B’rith. Il est en effet très proche de la plus ancienne et la plus nombreuse organisation juive, organisée en loges, sur le modèle de la maçonnerie (sur le sujet, on lira Emmanuel Ratier, Mystères et secrets du B’naï B’rith, Facta, 1993). Ainsi participait-il encore, en octobre 2004, au IIème colloque des intellectuels juifs « Éthique juive et modernité » organisé par le B’naï B’rith, et aux universités d’été de l’organisation en juillet 2006, intervenant à la table ronde « Le citoyen juif à l’investissement communautaire ».
- Roland Dumas et Alain Jakubowicz
au procès Barbie (1987)
… adjoint à la mairie de Lyon
Cet avocat dont « on dit qu’il a le cœur à gauche » (France Soir, février 1991) a entretenu des relations étroites avec le maire RPR failli de Lyon Michel Noir (qui fut un des premiers politique français coopté au sein du groupe Bilderberg), qui créa pour lui, dès son élection en 1989, un poste unique en son genre en France : adjoint au maire, délégué au respect des droits de l’homme et des relations interculturelles. Cette délégation avait pour but de « soutenir tout projet ayant pour objectif de défendre les droits de l’homme et cela du fait de sa compétence dans les affaires intercultuelles et interculturelles à Lyon ». Pour ce faire, il disposait, en 1991, d’un budget officiel de 1,5 million de francs, mais les sommes mises en jeu étaient largement supérieures par le biais de subventions annexes (département, région, etc.).
C’est ainsi que Me Jakubowicz sera chargé par la ville de Lyon de l’organisation du colloque « Résistance et Mémoire », qu’il suivra les travaux du Centre d’histoire de la résistance et de la déportation (entièrement financé par la mairie), ou ceux de la Mosquée de Lyon, pour laquelle ce défenseur du droit de vote des immigrés (Le Monde, 19 mars 1991) se battra afin d’obtenir un permis de construire.
En 1990, il sera à l’origine de la création d’une chaire des droits de l’homme, en liaison avec les autres universités lyonnaises et la Maison Rhône-Alpes des sciences de l’homme. Avec un coût de 300 000 francs par an intégralement réglés par la mairie, pour une simple conférence et trois séminaires, animés par des personnalités soigneusement choisies, comme Bernard Kouchner ou Mgr Helder Camara, ou le compagnon de route du PCF Albert Jacquard.
Favorable au « droit à l’avortement », il ne cessera d’intervenir durant tout son mandat dans le but de faciliter les avortements dans les hôpitaux lyonnais, utilisant un langage que ne désavoueraient pas les féministes les plus extrêmes :
« Je trouve scandaleux que dans un État de droit, une loi votée par le Parlement ne soit pas respectée. J’entends bien peser de mon modeste poids qui est le mien pour que la loi sur l’IVG soit appliquée dans toute sa rigueur. Je comprends qu’elle ne satisfasse pas une certaine catégorie de personnes. Je veux tenir un langage particulièrement clair, surtout à l’égard des professionnels : le service public n’a pas à avoir d’états d’âme. »
Le Monde, 19 mars 1991
Me Jakubowicz sera également à l’origine de toute une série de mesures symboliques, destinées à rappeler le « devoir de mémoire ». Il est méconnu que c’est à lui qu’on doit la fameuse « déclaration de Vizille », qui associa douze maires de droite et de gauche (parmi lesquels Michel Noir). Ceux-ci s’engageaient à lutter efficacement contre le Front national.
Son engagement auprès de Michel Noir, « c’est une éthique commune, qui est la prise en considération de l’homme, la priorité donnée à la dimension humaine dans toutes choses ». C’est ce qui le conduisit sans doute à défendre cette figure par excellence de la « génération morale ».
En novembre 1992, il intervint en conseil municipal, portant le fer contre l’industriel Pierre Botton, le gendre répudié. Voici ce qu’en disait Le Journal Rhône-Alpes (25 novembre 1992) :
« Voix forte, légèrement crispé, Alain Jakubowicz a lu un petit discours, furieux. Le véritable réquisitoire contre la presse, contre les journalistes. Contre toute la presse, contre tous les journalistes. Pas une nuance, pas même une circonstance atténuante. Le procureur Jakubowicz a montré du doigt ces petits journalistes aigris et jaloux qui osent s’attaquer aux politiques et surtout au grand homme de Lyon, Michel Noir. Tous coupables, tous responsables, ces infâmes scribouillards. Des salopards, des malveillants, des moins que rien [...]. L’avocat municipal a été ovationné par tous les élus noiristes. Grâce à lui, on tenait les vrais coupables de l’affaire Botton. »
Me Jakubowicz a également été l’avocat du député socialiste marseillais Michel Pezet, condamné dans le dossier Urba-Conseil. Il s’exclama à l’intention d’un de ses contradicteurs qui avait osé s’appuyer sur L’Enquête impossible de l’inspecteur Gaudino (ouvrage démontrant que son enquête sur la corruption socialiste avait été systématiquement entravée par le pouvoir) :
« Il s’agit d’un dévoiement du système judiciaire extrêmement dangereux. Si aujourd’hui l’État estime qu’on peut ouvrir une information judiciaire à partir d’un ouvrage de librairie, on marche sur la tête. »
En matière de presse, Me Jakubowicz commet pourtant parfois des erreurs grossières : les rédacteurs du défunt Choc du mois se souviennent encore comment ils reçurent fin décembre 1988 une assignation pour un article de Gabriel Domenech, intitulé « Éloge du génocide »... qui était en réalité paru dans Minute le 7 septembre précédent.
Alors qu’il était maire adjoint, il vota pour une subvention municipale de 1,356 million de francs au nouveau parti de Michel Noir, Nouvelle Démocratie, association qui devait régler une partie de ses honoraires pour la défense de Michel Noir dans le procès Botton. Ce qui finit par attirer sur lui l’attention de la justice, car cela « caractérise le paiement d’une dépense strictement personnelle au moyen d’un compte alimenté notamment par des fonds politiques » (parquet général du procureur général de Lyon, Le Monde, 11 mars 1996). Jakubowicz sera « susceptible d’être mis en examen pour recel d’abus de confiance », mais étrangement, l’affaire ne connaîtra pas de suite (cf. Libération, 11 et 13 mars 1996).
En 2001, le maire PS de Lyon Gérard Collomb lui confiera la présidence de la Commission extra-municipale du respect des droits de l’homme, mais l’ascenseur ne sera pas renvoyé puisque Jakubowicz fera profiter son entregent à Dominique Perben en vue des élections municipales de 2008.
À son départ de la mairie de Lyon en 1996, « l’anti-Vergés » (Le Nouvel observateur du 8 mai 1987) a fondé le rutilant cabinet d’avocat Jakubowicz & Mallet-Guy, où officie depuis une de ses filles, Vanessa Jakubowicz-Ambiaux. Comme l’indique un avocat pénaliste au Monde du 20 avril 2005, Jakubowicz est « avant tout un avocat d’affaire », se faisant au passage l’avocat de l’Association des familles des victimes au procès de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc (2005) et des victimes de la catastrophe du vol Rio-Paris AF 447 (2009), soignant ainsi son image sous le feu des projecteurs.
- (Source)
- Le cabinet d’avocats Jakubowicz & Mallet-Guy
Du CRIF à la LICRA
C’est également en 1996 qu’il est élu président du Conseil représentatif des institutions juives locales pour la région Rhône-Alpes (il sera épaulé à partir de 1999 par Johanne Gurfinkiel, ancien délégué général du B’naï B’rith de France). Il sera à l’origine d’une crise interne en admettant au sein de l’antenne régionale du CRIF les représentants du judaïsme libéral, provocant l’indignation des associations cultuelles, et les orthodoxes envisageront de faire sécession (octobre 1997). Il a surtout renforcé l’influence de cet organisme communautaire, lançant notamment un dîner de gala annuel auxquels participent les plus hautes personnalités régionales et recevant les principaux candidats (hormis le FN et le MNR) avant chaque élection.
Il est le responsable juridique de la Chambre de commerce franco-israélienne de la région Rhône-Alpes. Il appartient également à l’Association internationale des avocats et juristes juifs (IAJLJ) et a notamment été orateur à sa conférence internationale de Toronto (Canada) en août 2000, sur le thème « Pursuing justice in the Global Village : jewish perspectives on democracy, human rights, media and commerce » (« À la recherche de la justice dans le Village mondial : perspectives juives sur la démocratie, les droits humains, les médias et le commerce »).
Bien que n’étant plus conseiller municipal, il a obtenu de la municipalité, en 1997, la création, comme à Paris, d’une commission municipale sur les biens éventuellement spoliés à des juifs durant l’occupation allemande. Il a également joué un rôle majeur dans l’éviction de Charles Millon du conseil d’administration du Musée-Mémorial d’Izieu (dont il est membre depuis 1998), lorsque l’ancien ministre était président de la région Rhône-Alpes. Il a été cofondateur des Amis d’Hippocampe, association étudiante à l’origine de critiques virulentes et de campagnes médiatiques envers divers enseignants non-conformistes de l’université Lyon III et il fut l’un des principaux avocats et responsables communautaires locaux dans les poursuites visant l’historien et éditeur révisionniste Jean Plantin (et sa revue Akribeïa).
Partisan acharné de la loi Fabius-Gayssot, Jakubowicz sera des tout premiers signataires, avec Serge Klarsfeld et l’inénarrable « chercheur au Crif » Marc Knobel, de la contre-pétition « Ne mélangeons pas tout » en réaction à la pétition « Liberté pour l’Histoire » de Jean-Pierre Azéma, Élisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock, qui demandaient l’abrogation de la loi (Libération du 13 décembre 2005). Jakubowicz questionne alors :
« Quel historien a donc été empêché par la loi Gayssot de travailler sur la Shoah et d’en parler ? »
Obsessionnel, il signera encore les tribunes « Le négationnisme, une infraction » (Le Monde du 10 octobre 2006) ou encore « Les lois mémorielles n’existent pas » (Libération du 25 janvier 2012).
Alain Jakubowicz en conférence sur le révisionnisme dans une école de commerce (30 janvier 2011) :
En mai 2004, il a laissé à Marcel Amsallem la présidence du CRIF Rhône-Alpes, qu’il quittera en 2009, lorgnant sur la présidence de la LICRA (4 000 adhérents), preuve s’il en fallait une de la consanguinité entre les deux associations. Il faut dire qu’il en est l’avocat depuis 1979, membre du comité directeur de la commission juridique depuis 1986, comité dont il avait accédé à la présidence en 2007. Entretemps il avait œuvré à l’obtention de la Médaille d’honneur de la ville de Lyon au président d’honneur de la LICRA et ex-président du B’naï B’rith de France, Jean Pierre-Bloch. Il avait été à l’origine des poursuites contre Siné à la suite de sa chronique sur Jean Sarkozy, la LICRA étant partie civile. Ce n’est donc pas par hasard qu’il prend la direction de l’ancienne LICA, le 31 janvier 2010, après avoir battu Philippe Benassaya par 182 voix contre 108.
Pour resserrer les liens distendus entre le MRAP et la LICRA depuis la présidence de Patrick Gaubert, il précise dés sa prise de fonction vouloir que la LICRA soit « connue et reconnue dans son combat contre le racisme au même titre qu’elle l’est pour l’antisémitisme […]. Il n’est évidement pas question de céder quoi que ce soit sur le “A”, mais nous devons aussi faire progresser le “R” ». Promesse tenue : la LICRA assignera Éric Zemmour (« les Français issus de l’immigration étaient plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes... c’est un fait », Canal+, 6 mars 2010), avec le MRAP et SOS Racisme. Il faut cependant se reporter à une interview de Jakubowicz à Mediapart (29 mars 2010) pour comprendre la véritable cause de l’assignation d’Éric Zemmour :
« Je ne pense pas qu’Éric Zemmour ce soit du sarkozysme. C’est plus grave que cela. Il faut lire son bouquin, vraiment. C’est une réhabilitation de Vichy ! Il dit quand même que Bousquet a sauvé les juifs français ! Non, Zemmour, c’est un phénomène plus général. Celui d’une réhabilitation d’une France blanche et chrétienne. »
Sous sa présidence, la LICRA fera officiellement campagne contre le Front national.
Encore une fois, il faut se reporter à une tribune signée avec le président du CRIF Richard Prasquier (Le Monde du 17 mars 2011) pour comprendre la véritable raison de cet opprobre :
« Le parti n’a pas fait le deuil de ses réminiscences antisémites, groupuscules nationalistes, pétainistes et autres passéistes gravitant encore autour de lui. Enfin, le souvenir encore très frais de Marine Le Pen se refusant à condamner l’ignominie de la conférence négationniste de Téhéran en 2006 montre que les réflexes les plus élémentaires de la lutte contre l’antisémitisme ne sont en rien acquis. »
En juillet 2011, il écrit à Jean-François Copé pour lui annoncer que la LICRA ne participera plus à des conventions de l’UMP, en raison du « climat délétère » qui aurait marqué la convention sur l’immigration organisée peu avant à l’Assemblée nationale.
Le 22 octobre 2013, Alain Jakubowicz réussit enfin son rapprochement des ligues de vertu, avec pour la première fois depuis des années, un communiqué commun avec la LDH, le MRAP et SOS Racisme pour dénoncer la politique du « bouc émissaire » dont serait victime Christiane Taubira. Il déclarait pourtant sur France Inter (novembre 2010) :
« Je n’aurais jamais imaginé, il y a encore quelques années, que l’on puisse faire un jour le constat d’un racisme anti-Blancs. C’est terrible. Certains estiment qu’il ne faut pas en parler sous prétexte que cela fait le jeu du Front national, qui exploite, c’est vrai, cela de manière honteuse, mais en même temps il faut dire les choses car on a culpabilisé à outrance trop de nos concitoyens. »
En réalité, si Alain Jakubowicz ménage la chèvre et le choux, c’est parce qu’il veut faire l’union sacrée des associations antiracistes. Car c’est bien le tandem Soral/Dieudonné, difficilement attaquable sur le plan du racisme, qui est dans le viseur de la LICRA. C’est une fois de plus à la presse communautaire qu’il faut se reporter pour comprendre la positon de la LICRA :
« Aujourd’hui nous devons combattre un antisémitisme lié à l’importation du conflit du Moyen-Orient se dissimulant sous le faux nez de l’antisionisme. Tout cela doit être pris en compte par les militants de l’antiracisme […]. Nous avons été élevés avec l’idée que les minorités étaient consubstantiellement victimes et que les racistes et les antisémites étaient blancs, chrétiens et de droite. Tout ça a complètement explosé. »
Actualité juive, 21 février 2013
Soit un positionnement néoconservateur, à l’américaine, sur le concept du « nouvel antisémitisme », émanation de l’Anti-Defamation League (ADL) du B’naï B’rith depuis les années 1980. Il parlera encore de « dieudonnisation des esprits » (leplus.nouvelobs.com, 22 juin 2012) lors de l’affaire Mohammed Merah.
Alain Jakubowicz et Antoine Spire (vice-président de la LICRA) évoquent Alain Soral, Dieudonné et le Front national (Judaïques FM, 25 novembre 2013) :
Largement réélu en mars 2013, pour un second mandat à la tête de la LICRA, il présente en juin l’« App-LICRA » au ministre de l’Innovation et de l’Économie numérique, devant Jacques Pelissard, président de l’Association des maires de France et Fleur Pellerin, ce qui augure des moyens d’action future de la LICRA. Il réattaque bille-en-tête en écrivant en septembre au ministre de la Défense pour demander « solennellement l’ouverture d’une enquête permettant d’identifier les deux militaires [ayant effectué le geste de la “quenelle” de Dieudonné devant une synagogue] mais également [pour] que des sanctions exemplaires soient prises à leur encontre », puis porte plainte contre le caricaturiste Zéon.
Le 13 novembre, il obtient du juge des référés de Bobigny la condamnation de la maison d’édition d’Alain Soral, Kontre Kulture. Verdict : interdiction pour antisémitisme du livre Anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme, de Paul-Éric Blanrue (qui, pour la première édition du livre en 2007, avait été invité au B’naï B’rith) et la censure partielle de quatre autres ouvrages, La France juive d’Édouard Drumont, Le Salut par les juifs de Léon Bloy, Le Juif international d’Henry Ford et La Controverse de Sion de Douglas Reed.
Persécuté de longue date par la LICRA, Dieudonné a lancé en octobre 2013 une pétition demandant la dissolution de l’association, qui recueillera plus de 150 000 signatures, et a porté plainte contre X concernant Alain Jakubowicz, qui associait la « quenelle » « au salut nazi inversé signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah ». C’est pourtant de cette interprétation hasardeuse que découlera directement la « quinzaine anti-Dieudo », visant l’humoriste entre la fin décembre 2013 et début janvier 2014.
Alain Jakubowicz déclarait pourtant, il y a peu, dans une apologie du blasphème, qu’« on a le droit de ne pas aimer le judaïsme » :
Il s’est fait remettre, en novembre 2006, les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur, par le Primat des Gaules, le cardinal Barbarin.
Bonus
La République soumise à un constant harcèlement de la LICRA :
Cet article a été écrit en exclusivité pour Égalité & Réconciliation par la revue Faits & Documents d’Emmanuel Ratier.