Je lis l’hommage du révolutionnaire de France-Inter, Mermet Daniel, à Daniel Bensaïd, Bensa pour les intimes.
Du trio qui dirigeait la Ligue communiste première mouture, du temps qu’icelle était encore révolutionnaire, Krivine, Weber, Bensaïd, l’un est un gros sénateur du PS, l’autre est un alter retraité qui pouponne, le troisième est clamsé.
"Pourquoi ne parle-t-on pas yiddish au bureau politique de la Ligue ? Parce que Bensaïd est séfarade", était la fine plaisanterie en vogue, à l’époque.
On disait aussi, entre nous, "à la Ligue, l’état-major est juif, les officiers parpaillots, la piétaille catho. "
Or donc, de cette trinité fameuse, qui assurait son paradis en chantant ses propres lendemains sur le dos d’une authentique avant-garde de jeunes gens, peu nombreux mais extraordinairement déterminés, seuls respirent encore le gros sénateur et le marionnettiste.
Exit le grand philosophe d’Israël Sous-culture. (Plutot que france-culture. Nous aimons, nous autres à donner son vrai nom à toute chose.)
Encore l’extermination physique, nous fut-elle épargné, nous autres en France. Parce que la Ligue Communiste c’était aussi la section française de la IV internationale, ayant mené par une direction politique irresponsable, guérillériste, toute une génération de jeunes révolutionnaires latino-américains, au Brésil, en Argentine, au Chili, en Uruguay, et même en Espagne, à la mort.
Daniel Bensaïd, Weber, Krivine qui furent responsables, par leur aventurisme politique de ce massacre, n’en ont jamais rendu le moindre compte.
Après cet échec de la ligne guévariste, suicidaire, un tournant droitier, véritable thermidor interne, fera passer de la Ligue Communiste à la LCR, c’est à dire qu’ajouter révolutionnaire voulait dire qu’on ôtait les éléments les plus révolutionnaires, en s’appuyant sur toute une camarilla de "groupes femmes", de "pétroleuses", la cfdt santé, les psy, les traîne-savates, bref, toujours la même chanson.
Le triomphe inéluctable des médiocres après le sacrifice des meilleurs.
De la LCR qui aurait dû s’appeler plus franchement la LFR, ligue féministe révolutionnaire naquit le NPA.
Ce que l’on ne sait pas assez, c’est que la LCR est elle même née du suicide de tous les Recanati, c’est à dire de la destruction politique, psychique, physique et morale de toute une génération de jeunes révolutionnaires.
Je le sais. J’en étais.
Les uns épuisés, démoralisés, ont fui vers les paradis artificiels.
D’autres, plus hautains, sont restés silencieux dans leurs syndicats ouvriers, anti-staliniens austères attendant la revanche par la grève générale.
Quelques uns, peut- être les meilleurs, n’ont pas lâché prise, et à la suite de Daniel Gluckstein ont fondé avec le PCI, le Parti des Travailleurs, aujourd’hui le POI, le dernier parti ouvrier existant.
D’autres encore comme Récanati se sont flingués.
Quant à moi, l’extraordinaire haine que je ressentis lors de ce mini-Thermidor, en voyant des pleutres et des bas-bleus nous ravir le pouvoir, me précipita dans l’étude de la pensée réactionnaire, la seule à même d’expliquer cette malédiction constante, et je suis devenu l’ennemi juré de cette engeance.
(Pour ceux que ça intéresse : lire "Oisive jeunesse à tout asservie" sur le Petit Quimonte illustré.)
Avant de rendre son esprit au Fondeur de Boutons, Daniel Bensaïd a souvente fois déboutonné son âme, et malgré ses accents frondeurs, il a toujours développé une pensée bien-pensante sous des dehors subversifs.
Ce « grand théoricien » du courant politique NPA, celui que Monsieur Mermet décrit comme « une girafe dans un champ de mulots » (c’est vrai que vers la fin, il avait beaucoup maigri et on le voyait se hausser du col dans tous les médias qui comptent), cette girafe, cette girouette passait son temps, ô si jésuitiquement, à démontrer que Marx, n’est-ce pas, c’est extrêmement surfait, et si l’on voulait bien se donner la peine de comparer avec une grande alter-pensée de grand alter-philosophe, altéré de succès et de VIH, il n’est pas dit que le Vieux supporterait la comparaison sans dommage.
Voici ce qu’ écrivait dans un numéro récent consacré à Marx, de l’Hebdomadaire de l’ex Jean Daniel Bensaïd, l’alter-philosophe Daniel Bensaïd :
" La crise de la mondialisation capitaliste révèle la tendance strictement destructrice du capital, de la nature, de la société, de l’humain. En réduisant toute richesse au temps de travail cristalisée, la loi de la valeur prétend quantifier l’inquantifiable et attribuer à toute chose une valeur monétaire comme si le temps long de l’écologie était réductible aux instantanées des fluctuations boursières."
C’est ça qui doit épater Mermet, ce galimatias ridicule, destiné à obscurcir la conscience au lieu de l’éclairer.
Afin de mieux faire passer en fraude, sous couvert de nouveauté, la marchandie frelatée d’une pensée spectaculaire, tristement homogène aux intérêts bien compris du Gros Argent.
Si l’on se donne la peine de traduire ce charabia grotesque, ampoulé, vulgaire, en langue intelligible : la Loi de la valeur, cette découverte géniale de Marx, c’est dépassé, l’écologie politique échappe, et va bien au delà, au rapport social d’exploitation du système capitaliste.
Tous coupables, ouvriers, capitalistes, multinationales, Etats impérialistes fauteurs de guerres et mineurs polonais.
Sait on que ce NPA de l’alter-facteur, s’est rallié à l"écosocialisme", à la "théorie" de la "décroissance" et autres fouthèses du sous développement durable des lapins et du réchauffement climatique des humains.
Nous consommerions trop, surtout les pauvres qui crèvent la dalle, il faut fermer les usines, il y a trop d’industries, vive l’union sacrée planétaire, selon le consensus de Copenhague, de tous les hommes, riches et pauvres, puissants et misérables, en avant vers l’alter taxe carbonne, CO2 ma haine, telles sont les nouvelles prises de position du NPA .
Je n’exagère nullement. Que ceux qui en ont la force, aillent lire sur les innombrables sites du NPA.
Or rien n’est plus absolument contraire aux présuposés de la dite écologie-politique que le marxisme. Pour justifier cette infâme politique de soumission, il fallait une construction "théorique" qui est une véritable croisade contre Marx, et c’est à cette tâche hypocrite que Bensaïd s’était attelé à la fin de sa vie, avant de rendre son alterâme à l’Alterdieu.
Il a raison, mais pour moitié seulement, Daniel Mermet, dans son oraison funèbre prononcée à la Mutualité : si le penseur, quoiqu’il en ait, est bien "éteint", sa "pensée" va rester allumée, comme le poste de télé, comme tous les appareils par où se dégorge l’idéologie réchauffée et dominante .
félix Niesche