« L’Union européenne déplore l’annonce par la Fédération de Russie de mesures qui vont cibler les importations de produits agricoles et alimentaires. Cette annonce est clairement motivée par des raisons politiques », a affirmé l’UE dans un communiqué de presse, dans lequel elle indique qu’elle se réserve « le droit de prendre des mesures ».
« Après avoir s’être aveuglément rangée derrière les Etats-Unis et leurs opérations de propagande liées à la crise ukrainienne, l’UE est maintenant prise par surprise par la réaction de la Russie », écrit le blog américain Zéro Hedge.
Le boycott russe des produits alimentaires européens pendant un an risque en outre de la précipiter dans une récession en triple creux. Les chiffres que l’Italie a publiés hier, qui montrent que le pays est techniquement en récession, semblent pointer vers cette possibilité.
Les craintes d’une nouvelle catastrophe économique ont été confirmées par le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, qui a dit redouter principalement une augmentation des prix de l’énergie.
Pendant ce temps, la coalition européenne contre Poutine commence à se fissurer. Selon l’agence de presse Bloomberg, les ministres grec et autrichien de l’Agriculture ont déclaré que les sanctions de l’UE n’étaient plus tenables. Le parti d’opposition grec Syriza s’est adressé au gouvernement grec pour lui dire qu’une « obéissance aveugle aux stratégies de guerre froide de Bruxelles et de Washington serait désastreuse pour l’agriculture du pays ».
Dans le journal De Tijd, David Criekemans, professeur de géopolitique à l’Université d’Anvers, s’interroge sur l’action européenne dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine :
« L’Europe estime que les sanctions vont effriter le soutien pour Poutine. Qu’il y aura une révolution de palais et que les oligarques riches auront tendance à quitter Moscou. Mais c’est le contraire qui est vrai. Nous devons continuer à laisser des options à Poutine. Actuellement, nous ne lui donnons aucune chance. Et comme il n’a pas de bonnes options, il choisit les mauvaises. C’est ce qui se passe actuellement. »
Cet embargo russe affectera non seulement l’Occident, mais aussi et surtout les citoyens russes, et notamment la classe moyenne, celle qui était descendue dans la rue pour contester Poutine entre la fin de l’année 2011 et le début de l’année 2012. Les experts et les économistes ont déjà averti qu’il pourrait avoir pour conséquence de fortes hausses de prix.
Mais les historiens observent que les Russes ont démontré par le passé qu’ils étaient capables d’une endurance exceptionnelle lors des périodes difficiles. Le dernier sondage de popularité indique que la confiance pour leur président n’a jamais été aussi forte, puisque 87% d’entre eux lui accordent leur soutien.
Selon les économistes du FMI, l’interdiction d’importation des produits européens par la Russie devrait affecter au premier rang la Lituanie. Actuellement, le solde du compte courant de ce pays est positif, et 20% de ses exportations sont destinées à Russie. Les échanges portent principalement sur les produits alimentaires, les matériaux de construction, le papier et la nourriture pour chats, des secteurs bien identifiés qui risquent de souffrir de la décision russe. Mais selon le journal Verslo žinios, l’impact ne sera pas si important, car la Russie réexporte l’équivalent des ¾ de ces produits en Lituanie…
Par ailleurs, la Biélorussie s’est déjà positionnée auprès de Moscou pour se substituer à l’UE en tant que fournisseur de produits agricoles et alimentaires. « Nous remplacerons les pommes de terre néerlandaises, nous remplacerons les pommes polonaises, nous avons de tout », a déclaré hier Léonid Marinitch le vice-ministre de l’agriculture biélorusse, à l’agence de presse russe RIA Novosti. Il a indiqué que le pays était en mesure d’augmenter ses livraisons de viande, de produits laitiers et de primeurs à la Russie.