Cinquante-et-un jours de guerre n’ont pas suffi à effacer les conséquences de sept ans d’un blocus qui a affecté tous les aspects de la vie dans la bande de Gaza. Après les ravages et la dévastation causés par la guerre, il semble maintenant que le siège a été reconduit de nouvelle manière.
Depuis la période précédant la fin des bombardements israéliens, les conditions internationales stipulent que personne n’est autorisé à apporter du matériel de reconstruction à Gaza, sauf les « autorités légitimes » [l’Autorité palestinienne]. Celle-ci qui n’avait jamais accordé à Gaza qu’un soutien « formel », s’est empressée d’annoncer qu’elle avait conclu un accord tripartite avec Israël et l’Organisation des Nations Unies.
Si Israël a été le premier à divulguer des informations à propos de cet accord, l’Autorité Palestinienne (AP) ne l’a ensuite jamais nié. Mais les organisations de la Résistance à Gaza, en particulier le mouvement Hamas, ont officiellement rejeté les termes de cet accord après que plusieurs de ses aspects aient été mis en vigueur. Le Hamas a déclaré qu’il n’avait pas eu connaissance du fait que l’accord conduirait à un « blocus électronique par Israël », selon le plan concocté par Robert Serry [émissaire de paix des Nations Unies au Moyen-Orient].
Beaucoup a été dit sur les détails de l’accord, y compris que l’État sioniste a voulu et obtenu des garanties lui permettant de surveiller étroitement les matériaux de construction pour que ceux-ci ne bénéficient pas à la Résistance.
À cette fin, Israël a imposé des conditions qui sont autant de « pièges », comme la mise en place de caméras de surveillance fonctionnant 24 heures sur 24 dans les entrepots, dans un territoire où l’électricité est fournie à peine six heures par jour. Et ce en plus du déploiement de gardes - qui devront avoir un « brevet de bonne conduite » - dans ces entrepôts entourés par des clôtures avec une hauteur spécifique, le tout avec des mouchards GPS que les forces d’occupation veulent voir installés sur les véhicules et camions.
À première vue, il semble que l’approbation de ces conditions par l’Autorité palestinienne était normal et attendu, compte tenu de son engagement envers les objectifs sécuritaires d’Israël et sa coordination étroite avec l’occupant. Cependant, ce qui est incompréhensible, c’est le silence des autres organisations palestiniennes. Pourtant le Hamas avait rejeté l’accord de 2005 sur les passages, qui énumérait les conditions pour l’ouverture des postes-frontière, en particulier Rafah, en raison de « la surveillance israélienne grâce à des caméras et à la présence internationale. » Alors pourquoi le Hamas a-t-il changé d’attitude aujourd’hui ?
C’est encore pire pour le Hamas de ne pas savoir que de savoir et de rester silencieux sur la question. Pourtant, tout ce que le porte-parole officiel du Hamas, Taher al-Nunu a déclaré à cet égard, était que son groupe « n’était pas au courant dès le début du contenu de ce plan. »
« Avec l’entrée en vigueur [du plan] et l’apparition au grand jour de ses détails, il s’est avéré qu’il perpétue le siège tout en le reformulant », a déclaré Nunu.
Selon lui, le Hamas est rendu compte que la reconstruction, à cause de ce mécanisme, prendra de 4 à 10 ans.
« [Ce] n’est pas logique et nous refuserons cela » a-t-il dit.
Interrogé sur le silence de son groupe, Nunu a déclaré à Al-Akhbar : « le Hamas n’est plus le gouvernement. C’est le gouvernement de consensus qui est responsable de la bande de Gaza. Nous ne pouvons donc rejeter le plan de Serry comme nous avions rejeté le plan précédant [en 2005]. » « L’alternative », a poursuivi Nunu, serait « d’exiger que le gouvernement de consensus rejette le plan et mette au point une meilleure solution. »
Dès que les Nations Unies ont eu vent d’un possible rejet, elles ont proféré des menaces, disant que l’opposition au plan de son envoyé [Robert Serry] perturberait le processus de reconstruction. Le responsable du Hamas a réagi à cela en disant : « La bande de Gaza ne cédera pas au chantage. L’ONU n’est pas en mesure de menacer de stopper la reconstruction ».
Tout en recherchant les détails controversés de ce qui peut au mieux être qualifié de nouveau « blocus électronique » Al-Akhbar a eu accès à d’autres informations tout aussi controversées : les Nations Unies ont demandé aux gens qui veulent reconstruire leurs maisons détruites de fournir des données complètes sur eux-mêmes, non seulement leur noms et numéros de carte d’identité, mais aussi des photos personnelles et récentes, les emplacements de leurs maisons précédentes, le lieu exact où ils avaient l’intention de reconstruire, et les plans des deux maisons, l’ancienne et la nouvelle.
À la lumière de cela, il était nécessaire de revenir à la partie palestinienne autorisée à traiter avec l’UNRWA, à savoir, le ministère du Logement et des Travaux publics. Le ministère fonctionne actuellement à Gaza sous un ministre du gouvernement de consensus. Un responsable du ministère a indiqué qu’ils étaient d’accord avec le plan de Serry, « mais d’une manière qui soit compatible avec la sécurité de la bande de Gaza. » Pour cette raison, a-t-il poursuivi, les données qu’ils ont envoyées ne comprenaient que les noms et les cartes d’identité des citoyens, en plus des données sur les quantités requises de matériaux de construction pour restaurer leurs maisons.
Toutefois, les Nations Unies ont rejeté cette façon de procéder et renvoyé les informations, déclenchant une nouvelle crise qui a abouti à la suspension de toute coopération entre les deux parties. En d’autres termes, le processus de reconstruction est maintenant arrêté.
Pour sa part, Naji Sarhan, un responsable du ministère du Logement et des Travaux publics, a déclaré que le ministère a rejeté le plan de Serry « parce qu’il est futile et ne ferait que prolonger le processus de reconstruction. »
Pendant ce temps, le gouvernement de consensus à Ramallah a demandé à Gaza de mettre en œuvre le plan en dépit de ses réserves. Pour cette raison, Sarhan a déclaré : « Ils [le gouvernement] ne prendront pas part au blocus de la bande de Gaza. » L’enquête sur les dommages a été effectuée par des organismes internationaux, alors « pourquoi y a-t-il des préoccupations au sujet des matériaux de construction ? » a-t-il demandé.
Même en termes économiques, il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir dans le plan de Serry. Une entreprise qui avait reçu l’approbation des services de sécurité pour stocker et distribuer des matériaux de construction a déclaré qu’elle avait été contrainte d’installer des équipements de surveillance, notamment des caméras, à la demande des Nations Unies.
Le directeur de Awad Shamali et Fils, Hatem Shamali, a dit avoir installé huit caméras, ainsi qu’un générateur et des batteries pour les alimenter, nous apprenant qu’un inspecteur de l’ONU avait conduit des visites surprises et « obtenu des rapports sur chaque gramme de ce que nous vendons. »
Shamali a poursuivi : « Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Nous achetons [aux Israéliens] une tonne de ciment pour 500 shekels (133 dollars), et nous devons la revendre pour 520 shekels (donc 5 dollars de profit). Ce n’est pas suffisant pour couvrir le coût du travail et du transport, sans parler des équipements de surveillance. » Shamali a ajouté que s’il ne pouvait vendre sous d’autres conditions, toutes les relations avec son entreprise seraient suspendues.
Il n’était pas possible de joindre le porte-parole de l’UNRWA à Gaza, en congé au moment de la rédaction de cet article. Comme il est le seul autorisé à traiter de la question, Al-Akhbar n’a pu obtenir d’avis officiel sur le « siège électronique » qui fera migrer l’agence internationale du domaine de l’humanitaire à celui de l’arène politique et du tout sécuritaire.
Toutefois, le responsable des relations étrangères du Jihad islamique, Khaled al-Batsh, a déclaré que son groupe considérait le plan de Serry comme un moyen d’appliquer le blocus israélien illégal sous couvert d’un support international.
Parlant à Al-Akhbar, al-Batsh a déclaré que le plan des Nations Unies approuvé par Israël et l’AP non seulement voulait interdire à la Résistance d’accéder à certains matériaux de construction, « mais visait aussi à fournir des informations et des détails sensibles de sécurité sur les propriétaires de toutes les maisons endommagées dans la guerre, afin de mettre à jour les bases de données israéliennes sur Gaza ».
« Israël sera en mesure de réorganiser l’implantation des maisons dans la bande de Gaza en contrôlant leur emplacement et la façon dont elles sont construites » a-t-il ajouté.
Al-Batsh a également révélé qu’une partie des fonds dégagés pour la reconstruction « ira au gouvernement de consensus pour couvrir les dettes de l’Autorité palestinienne. »
« Vingt pour cent sera destiné aux salaires et aux primes des observateurs internationaux, et nous avons également appris que les Nations Unies ont saisi au passage 5 millions de dollars en frais de transfert de fonds. C’est du business, pas du travail humanitaire » a-t-il conclu.
En ce qui concerne la menace de geler la reconstruction, al-Batsh a souligné que son groupe n’accordait guère d’attention à ces menaces et continuera à rejeter le plan.
« L’ONU doit reprendre ses esprits. Est-elle un partenaire dans la reconstruction ou un partenaire dans le blocus ? » a-t-il demandé.
Le responsable du Jihad islamique a alors promis de commencer à travailler pour un plan de rechange qui n’aidera pas à l’internationalisation du blocus.