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Les souvenirs de la guerre de l’été 2014 hantent les médecins de Gaza

Gaza : le chef du service des admissions de l’hôpital Shifa, Ayman Al-Sahbani, considère la situation pendant les 50 jours d’agression israélienne contre la bande de Gaza comme une période de « pure folie » pour les médecins qui ont du s’occuper de milliers de blessés.

Le secteur de la santé y a également souffert, et continue de souffrir, de nombreuses crises dont les pénuries de médicaments, de carburant et les retards de paiement des salaires des médecins.

Sahbani est encore hanté par la mort et les corps déchiquetés dont il a été le témoin lorsqu’il travaillait à l’hôpital. A chaque fois qu’il regarde ses enfants, il se souvient des enfants morts dans ses bras alors qu’il essayait de les sauver.

Sahbani a expliqué à Al-Monitor « dès que j’entends le mot guerre je suis terrifié car cela signifie revoir encore des enfants déchirés, ne pas voir mes enfants pendant de longues périodes, vivre au milieu du sang en permanence, avec un manque de réconfort physique et mental. »

Selon le porte-parole du ministère de la santé à Gaza, Ashraf Al-Qudra, l’agression israélienne contre Gaza l’été dernier, a causé la mort de 2 147 palestiniens dont 530 enfants et 302 femmes. Elle a également fait 10 744 blessés dont 3 258 enfants et 2 089 femmes. « Parmi les équipes médicales, il y a eu 23 morts et 83 blessés » selon Qudra.

Sahbani a expliqué que les médecins de Gaza n’étaient pas préparés à affronter la guerre avec d’aussi graves pénuries de médicaments et d’équipements médicaux dans les dépôts du ministère de la santé. Il s’attend à l’effondrement du système de santé dans l’éventualité d’une nouvelle guerre. « Avec l’arrivée ininterrompue des blessés, nous ne pouvions qu’utiliser les ressources disponibles et faire appel aux dons auprès de ceux en possession de matériel médical face à un nombre de blessés qui allait en augmentant, » selon lui.

Il a souligné que 25 % des pénuries concernent les médicaments et 50 % les fournitures médicales car le ministère de la santé à Ramallah retarde leur envoi à Gaza. « Nous ne pensions pas alors être en mesure de répondre face au nombre de blessés. Mais des civils et des pharmacies privées ont fait don de médicaments et de fournitures médicales, ce qui nous a aidé à soigner les blessés.... Je me souviens encore très bien d’un homme qui est arrivé à l’hôpital pour donner un petit sac contenant de l’iode, des aiguilles et des sutures. Il a sauvé de nombreuses vies avec cette poignée de matériel médical. »

Mais d’horribles souvenirs hantent encore la mémoire de Sahbani. « Je n’arrive pas à oublier ce père et ses 3 enfants qui sont arrivés à l’hôpital ; ils étaient couverts de sang. Quand j’ai commencé à soigner les enfants, l’un d’entre eux m’a dit : laissez-moi s’il vous plaît et sauvez mon père. J’ai cru que leur père avait quelque chose de grave. Quand je suis allé soigner le père, il m’a dit : s’il vous plaît, sauvez mes enfants et laissez-moi partir. Je me suis alors mis à pleurer. Les 3 enfants ont survécu mais leur père est décédé. »

Mohammad al-Qarshali, est un médecin qui a travaillé à l’hôpital Shifa pendant la guerre d’Israël contre Gaza, il a raconté à Al-Monitor ce qu’il a vécu lors du massacre de Shajaiya qui a causé des centaines de morts et de blessés en quelques heures « après que l’armée israélienne ait commis le massacre de Shajaiya à l’est de la ville de Gaza, aux premières heures du 20 Juillet 2014, nous avons reçu d’un seul coup plus de 300 civils blessés, ce qui a causé une grande confusion dans nos rangs, nous étions complètement perdus pour gérer la crise de façon méthodique. »

Il a aussi expliqué que les médecins travaillaient 24 heures par jour et n’avaient droit qu’à quelques instants de sommeil quand ils le pouvaient, dans les coins de l’hôpital ; pour se réveiller à l’arrivée de dizaines de nouveaux blessés qui affluaient constamment.

« Le service des admissions et celui des urgences de l’hôpital Shifa – le plus grand complexe médical de la bande de Gaza – a une capacité de 20 lits seulement. De nombreux blessés gisaient à même le sol dans les zones de passages et les couloirs de l’hôpital. Tous nécessitaient une assistance immédiate. Chaque médecin devait s’occuper d’au moins 3 blessés en même temps » nous a raconté Qarshali.

Issa Nasser, un autre médecin qui a travaillé à l’hôpital Kamal Adwan au nord de la bande de Gaza pendant la guerre, a déclaré à Al-Monitor que les scènes de mort et de corps déchiquetés arrivant sans cesse à l’hôpital « étaient suffisantes pour paralyser mentalement les médecins. »

La pression psychologique a eu un impacte beaucoup plus grand que la fatigue physique. « Un jour, pendant la guerre, j’ai souffert d’une crise nerveuse au moment où je recousais un tout petit enfant. Mes mains étaient paralysées, je ne pouvais plus travailler. Je me suis précipité hors de l’hôpital en pleurant sans arrêt » nous a raconté Nasser.

Nasser se souvient encore du jour où un nourrisson, une petite fille d’un an est arrivée à l’hôpital. Elle était inconsciente et couverte de sang, elle serrait encore sa poupée.

Les médecins de la bande n’ont pas reçu leurs salaires pendant la guerre israélienne contre Gaza. Sahbani a déclaré : « nous étions sous trop de pression. Nous nous occupions physiquement des blessés à l’hôpital et nos esprits étaient occupés à chercher le moyen d’assurer la subsistance à nos enfants, que nous n’avions pas vu depuis un moment. J’ai même pensé à vendre mon alliance pour subvenir aux besoins de ma famille. »

Les médecins sont retourné à une vie normale, une fois que le calme est revenu à Gaza. Cependant, ils n’ont pas oublié les visages de ces enfants qui les suppliaient de sauver leurs vies, ce qu’il n’ont souvent pas réussi à faire.

Quand ils regardent leurs enfants, les médecins de la bande de Gaza se rappellent ces douloureux souvenirs.

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