Spécialiste du marché du travail, Valérie Segond dresse un tableau de la France qui tranche avec les discours politiques. Pour Paris Match, elle se penche sur les positions des candidats à la primaire de la droite.
« Va-t-on payer pour travailler ? » : c’est le titre à peine provocateur du livre très instructif que publie la spécialiste du marché du travail Valérie Segond (Ed. Stock). Elle nous fait découvrir comment dans le privé, comme dans le public, il est devenu légal de travailler beaucoup plus que 35 heures pour beaucoup moins que le Smic. L’auteur s’étonne de l’ignorance de presque tous les candidats à la primaire de droite sur ce sujet.
Paris Match. Qu’avez-vous retenu du premier débat de la primaire à droite sur les propositions des sept candidats concernant le travail ?
Valérie Segond. J’ai été frappée par la méconnaissance qu’ont les candidats du marché français du travail. Ils parlent des 35 heures comme d’une spécificité française. Or les Français travaillent en moyenne 39 à 40 heures, Comme en Europe. Ils veulent supprimer les 35 heures mais ils auront bien du mal car les entreprises ont tout à gagner de l’actuelle organisation ultra flexible du travail. Ils expliquent que le dialogue social n’existe pas : or 80% des accords sont négociés… Six sur les sept m’ont paru fonctionner par slogans.
Le ou laquelle vous a paru le plus convaincant ?
Curieusement, c’est Jean-Frédéric Poisson qui m’a paru le mieux connaître la réalité du travail. ll a dit carrément : « Les 35 heures ne sont pas le problème » ou encore « les entreprises n’ont pas envie de détricoter des accords durement négociés ».
Pourquoi dites-vous que les 35 heures sont devenues un slogan sans réalité ?
D’abord il y a tous ceux qui n’arrivent pas à faire 35 heures parce qu’on ne leur offre pas de temps plein : aujourd’hui 1,6 million de Français subissent ce temps partiel, soit 20% des travailleurs [elle a voulu dire un vingtième, soit 5%, car il y a 30 millions d’actifs en France, NDLR]. Et puis, pour les cadres, il faut s’arrêter sur le régime des « forfaits jours ». Créé par la loi Aubry de 2009, il concerne aujourd’hui 1,4 million d’actifs et constitue, selon un inspecteur du travail, « une des plus grandes escroqueries sociales qui aient jamais existé ». Pourquoi ? Car en passant à ce régime, on cesse de compter leur temps de travail. Pour simplifier, avant, aux 39 heures, ils pouvaient atteindre 40 heures, désormais aux 35 heures, ils en travaillent 50. Le forfait jour a fait exploser le temps de travail des cadres, notamment ceux qui travaillent en consultants extérieurs sur un marché du conseil surencombré.
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