Le Hamas cherche à profiter des actes de violence contre les Israéliens ayant eu lieu récemment dans les territoires occupés, mais se retrouve gêné par les mesures de sécurité très strictes imposées par Israël et par l’Autorité palestinienne.
Le 16 novembre, le Hamas a soutenu les dernières violences au cours desquelles de nombreux soldats et colons israéliens ont été poignardés ou écrasés par des véhicules. Le mouvement considère que ces actions constituent une réponse normale aux actes de profanation, aux attaques contre les fidèles et au déplacement des habitants de Jérusalem, ce dont le Hamas tient Israël pour responsable, et a appelé les Palestiniens de Jérusalem et de Cisjordanie à multiplier ces actions.
Interrogé par la presse le 11 novembre, le chef du bureau politique du Hamas Khaled Mechaal a confirmé que le Hamas cherche à riposter contre les plans d’Israël à Jérusalem et à Al-Aqsa, en résistant et en poussant la population à se soulever contre les forces d’occupation. Selon lui, le problème n’était pas le fait que le peuple palestinien n’était pas prêt à résister, mais la faiblesse des politiques et des décisions officielles. La résistance est le droit du peuple, et la simple existence de l’occupation est une raison suffisante pour résister, explique-t-il.
Interrogée par Al-Monitor, Mona Mansour, membre du Conseil législatif palestinien en Cisjordanie, a déclaré : « Les dernières opérations en Cisjordanie ont été menées par des individus isolés. Il n’y a pas d’actions armées organisées, puisque les forces de sécurité à la fois israéliennes et palestiniennes traquent toute forme suspecte d’opération de commandos. »
La veuve de Jamal Mansour, dirigeant politique du Hamas tué par les Israéliens en 2001, a poursuivi : « Les discussions sur l’exportation en Cisjordanie des actions armées menées à Gaza ne sont pas chose aisée, dans la mesure où les Israéliens considèrent Gaza comme un fardeau démographique et économique dont ils se sont débarrassés. Cependant, ils voient la Cisjordanie d’un œil complètement différent. La présence militaire d’Israël et sa coopération avec l’Autorité palestinienne lui permettent de contrôler toute action armée menée sur le terrain ».
L’Autorité palestinienne a dénoncé la succession de tensions en Cisjordanie sur le plan de la sécurité, ainsi que les confrontations avec l’armée et les colons israéliens. Après la fin de la guerre à Gaza, en août, les services de renseignements généraux et de sécurité préventive de l’Autorité palestinienne ont convoqué et arrêté plusieurs dizaines de membres du Hamas de tous rangs, à Ramallah, Naplouse, Hébron, Tulkarem et Bethléem.
Le 10 novembre, le Club des prisonniers palestiniens a confirmé que les tribunaux israéliens ont prolongé la détention de 84 Palestiniens arrêtés par l’armée au cours des dernières semaines en Cisjordanie, sous prétexte d’enquêtes et de procédures judiciaires.
« La situation préoccupante en Cisjordanie en termes de sécurité pourrait entraver des actions armées, comme les [répressions] et les contrôles au nom de la sécurité ont été intensifiés de manière à empêcher toute opération de ce genre. Au lieu d’avancer et de progresser au niveau des techniques de combat, la résistance est revenue aux méthodes primitives que sont le couteau et [les attaques à la voiture piégée], utilisées lors de l’insurrection de 1987 », a déclaré Mansour.
Au cours d’une séance d’ouverture, le 15 novembre à Khan Younis (sud de la bande de Gaza), à laquelle Al-Monitor a assisté, le dirigeant du Hamas Mahmoud al-Zahar a déclaré que son mouvement mise sur ce qu’il appelle la « résistance en Cisjordanie ». Selon lui, les capacités de la résistance ne se limitent pas seulement à Haïfa, puisque celles-ci vont se développer pour cibler tous les territoires occupés, comme cela a été le cas dans les tunnels de Gaza.
Un rapport publié le 5 novembre par le centre al-Zaytuna pour la recherche et la consultation montre que la Cisjordanie, entourée par Israël sur trois côtés et par la Jordanie sur le quatrième, a été presque totalement isolée géographiquement. Israël et la Jordanie consentent à empêcher l’émergence d’une résistance armée en Cisjordanie et s’efforcent de bloquer les livraisons d’armes. Toutes les chances de définir une zone sécurisée pour l’entraînement militaire et l’armement sont pratiquement réduites à néant.
Un responsable de la sécurité de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, sous couvert d’anonymat, a déclaré à Al-Monitor : « Malgré les violations commises par Israël à Jérusalem, qui sont condamnées par l’Autorité palestinienne, nous pouvons être assurés du fait qu’aucune opération armée n’éclatera en Cisjordanie ; un tel évènement aurait des conséquences catastrophiques pour le statu quo politique en Palestine. Nous avons l’ordre strict d’étouffer toute possibilité de construire une structure militaire. »
« Les informations exactes en matière de sécurité dont nous disposons », a-t-il poursuivi, « confirment que la direction du Hamas à Gaza cherche à troubler la sécurité en Cisjordanie en faisant l’apologie des opérations armées et en tentant de créer des cellules militaires, chose qui n’est pas approuvée par les dirigeants politiques du Hamas en Cisjordanie. Toutefois, il existe une coordination grâce à des membres sur le terrain qui communiquent avec leurs supérieurs du Hamas à Gaza ».
Le 12 novembre, dans un communiqué de presse, le vice-président du Conseil législatif Hassan Khreisheh a déclaré que l’Autorité palestinienne est incapable d’empêcher le déclenchement d’une nouvelle intifada en Cisjordanie. Il a appelé l’Autorité palestinienne à mettre fin à la coopération avec Israël en matière de sécurité.
Hossam Badran, porte-parole du Hamas résidant au Qatar, a déclaré dans une interview donnée à Al-Monitor : « Les dernières opérations à Jérusalem et en Cisjordanie résultent du droit naturel des Palestiniens d’exercer des représailles contre les violations commises par Israël. La Cisjordanie n’a pas abandonné la résistance, puisque les nouvelles générations suivent les traces des générations précédentes. » Il en appelle à l’innovation et à la créativité de la résistance, à travers des opérations organisées ou des initiatives individuelles.
À la lumière de la situation difficile en Cisjordanie en termes de sécurité, le Hamas a appelé à intensifier les « opérations populaires », d’après les mots employés par le mouvement, contre l’armée israélienne et contre les colons, en mettant le feu à des points de contrôle et à des tours militaires, en sabotant les barbelés autour des colonies, en détruisant le mur de séparation et les équipements de surveillance et en attaquant les colons et les véhicules militaires à l’aide de cocktails Molotov, d’engins explosifs rudimentaires et primitifs improvisés ainsi que d’armes à feu fabriquées localement.
Sur son site officiel, le Hamas a déclaré que ces opérations nuisent plus efficacement aux forces armées israéliennes que les manifestations traditionnelles. Ces dernières ne nécessitent pas d’organisation, ni de budget conséquent. Il suffit simplement d’un groupe de six jeunes hommes tout au plus, de 20 à 100 shekels israéliens (entre 4 et 20 euros environ) et d’une bonne surveillance des zones à viser pour en détecter les failles.
Le Hamas déploie des efforts considérables pour enflammer la Cisjordanie et Jérusalem et ouvrir la voie à une troisième intifada. Le mouvement souhaite terminer la dernière guerre à Gaza et détourner l’attention de la situation catastrophique observable dans la bande de Gaza. Ce faisant, le Hamas cherche à mettre fin à la coordination entre l’Autorité palestinienne et Israël en matière de sécurité et aux arrestations politiques des cadres du Hamas. Les efforts du Hamas sont cependant limités par des problèmes au sein du mouvement en soi, en plus du contrôle strict de la Cisjordanie par Israël et l’Autorité palestinienne en matière de sécurité.