Il va de soi que chaque partie engagée dans ce qui est voulu par des bellicistes internationaux comme une guerre civile, ou du moins une paralysie de l’Égypte, argue de morts et pousse, comme la Confrérie que l’on sait, à une estimation démesurée de deux mille morts ; le ministère de la Santé y oppose le chiffre de cinq cents, soit, mais qui a tiré sur les manifestants en premier ?
Question nullement saugrenue, car l’examen des photographies montre des hommes dans la foule tirant non pas seulement sur les forces de l’ordre – qui auraient eu plus de quarante victimes – mais aussi sur des manifestants ! Sans dénoncer cette provocation, les accusations iront bon train : le président Obama – dont il faut redire que le premier organisateur de sa campagne électorale sera promu à la tête de la sioniste AIPAC– en a tiré argument pour interrompre des manœuvres militaires avec l’armée égyptienne ; et pendant ce temps, l’Égypte de la fausse fraternité s’entraîne à transformer le pays en Syrie par l’incendie de vingt églises chrétiennes ; ce qui n’émeut aucunement l’Occident qui a depuis fait longtemps entrer dans la tête des victimes de ses médias, que tout ce qui est copte, orthodoxe ou loin de Rome, relève de l’Empire russe et donc lui reste insensible.
Jusqu’où ce plan d’étranglement de l’Égypte va-t-il se poursuivre ? Et qui n’en peut être que le bénéficiaire ? Pour affaiblir le pays, il faut ruiner son économie touristique dont vivent des dizaines de milliers d’artisans, ce qui est un moyen de liquider une couche de la classe moyenne, objectif de toutes les tyrannies, dont les Révolutions « française » et « russe » ont donné l’exemple. C’est sur une population démoralisée que se recruteront des groupes armés dont la Syrie est devenu l’Enfer !
Ne perdons pas de vue trois choses à propos de l’Égypte : elle expie, par guérilla urbaine ou attentats dans le Sinaï qui fauchent la vie de ses hommes, l’ancienne alliance syro-égyptienne que montrent les deux étoiles du drapeau, drapeau de ce que Washington nomme un « régime » et les gens honnêtes une patrie ! ; elle est révolutionnée par des groupes armée, non pour être réformée, mais anéantie comme puissance ; toute offensive sioniste contre la résistance efficace unique qu’est le Hezbollah implique une sureté de ses arrières : le chaos arabe que les peintres naïfs de la politique disent un printemps !
Les morts de la place cairote ont été exécutés sciemment par les provocateurs et tueurs professionnels qui veulent en incriminer « les forces armées » ; mais cela ne nous rappelle-t-il point le début de la « révolution syrienne » soutenue, armée et médiatisée par ce que l’argent a produit de plus fétide, et de moins musulman qui soit ?
C’est une épreuve tragique que traverse le monde arabe, à la hauteur de sa destinée, dira-t-on, avec raison, mais celle-ci permettra le discernement entre ses vrais et faux amis, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières : quant au président Morsi, il a rempli sa mission, non sans un accent de vérité, celui de déclarer une guerre vainement contre la Syrie : il pourra revenir au bercail, avec la citoyenneté que l’on sait maintenant, fier d’avoir traversé la salle de la politique égyptienne avec soixante pour cent d’électeurs absents ! Un fantôme qui abandonne les Pyramides !
Combien de tués est une question légitime ; et par qui sont-ils tués, est une question plus grave, et y répondre nettement donnerait la clef de l’énigme égyptienne, car il ne suffit pas de voir le sang couler, mais de savoir reconnaître le même bras qui arme de Damas à Bagdad et au Caire les mêmes meurtriers apatrides.