Le ministre des Affaires étrangères de l’entité sioniste est pris à parti par deux auteurs, Robert Fisk, célèbre chroniqueur du londonien The Independent du 25 novembre et, peu avant, par le président du Arab American Institute, James J. Zogby, sans que les appréhensions de ces deux personnalités, comme responsable et expert, n’aient attiré l’attention de la presse parisienne !
À cet égard, la liberté d’expression ou la tolérance d’opinion est, manifestement – et aussi historiquement ou traditionnellement –, plus grande outre-Manche et outre-Atlantique que dans le pré carré ! L’illustre Fisk, dont on apprécie l’honnêteté, titre son article par l’avertissement du danger que fait courir Netanyahu, en enfermant son peuple dans un isolement qualifié de balkanique.
Il y a, assurément, une forte vérité dans cette assertion, quand on sait que le même esprit de balkanisation, qui a préparé la Première Guerre mondiale, comme une mèche enflammée, se retrouve dans tout l’Orient actuel et correspond au vœu ancien, sinon constant, de la géopolitique sioniste. Mais c’est la personnalité de M. Liberman, issu de Moldavie ou de la Roumanie soviétisée, qui imprime, aussi, cet esprit à la société sioniste ! Entendre rapporter, par Robert Fisk, les propos de ce leader du sionisme extrême, ou nettoyage ethnique, découvre, aussi, une réalité européenne : Bulgarie, Roumanie, Grèce et Chypre seraient pour ce ministre – qui connaît bien la communauté sioniste influente de ces pays, qui est en réalité son pays réel – les plus fidèles alliés d’Israël.
Propos qui permettent de résoudre, aussi, certaines énigmes de notre Europe : pourquoi cet acharnement à vouloir faire entrer dans une ronde à 27 des pays qui, manifestement, n’en avaient point le niveau, et dont le poids pèse lourdement dans l’augmentation de la dette financière, au point de mettre en péril l’Euro même ? Des lobbies ont-ils poussé les Européens certainement réticents à faire entrer des clients d’Israël, ce dont s’était félicité Sarkozy ?
Retournons à Liberman : sa solution palestinienne est de forcer le Fatah à reconnaître le droit à la sécurité d’Israël et non pas de laisser ce pays s’isoler dans une sorte de dôme de fer ou d’acier, mais bien de se rendre invulnérable, par un autre bouclier politique, en chassant les Palestiniens de la rive gauche du Jourdain, proclamée rive de sûreté israélienne.
La comparaison est alors faite, par un diplomate sioniste, cité par Robert Fisk, du changement d’attitude entre des politiciens à la Abba Eban – originaire d’Afrique du Sud – ou Moshe Sharett, de Russie, sachant recourir – prétend-t-il – au compromis, et ceux autour de Liberman, qui ne voient que la grandeur des moyens dont ils disposent, pour contraindre les Palestiniens à leur céder la terre ancestrale.
Il y aurait beaucoup à dire sur Moshe Sharett, qui négocia autant qu’il dupa, et sur Abba Eban, qui occupa son poste, aux Nations unies. Il n’empêche que la voie suivie par le Likoud est non pas celle de la duperie, mais de la boucherie ou massacre sporadique des Palestiniens. Toutefois, le terrain de la manœuvre n’est pas encore dégagé pour ce genre d’action dominatrice, qui – à proprement parler – se défend d’expulser les Palestiniens mais leur ôte toute indépendance qui ne soit soumise à l’exigence de défense d’une prétendue sécurité. Il faut, donc, que la tension augmente entre les deux pays – au besoin par des provocations – pour que l’on représente au monde et que l’on démontre à la population du régime sioniste que rien ne peut s’imaginer, si rationnel soit-il, comme cet État présenté comme membre observateur aux Nations unies sans que des garanties stratégiques n’aient été prises.
C’est ainsi que l’on peut mieux comprendre, non pour des raisons électoralistes mais plus largement nationalistes, l’entreprise contre Gaza débutée par l’assassinat du chef militaire du Hamas, pour obliger et l’opinion intérieure à s’aligner sur les fanatiques, et le monde occidental à s’aligner ou rester muet derrière Israël.
Robert Fisk fait observer, avec raison, que cette opération a coûté cher et aligne les chiffres de la dépense horaire d’un drone, d’un hélicoptère et d’un « jet fighter », en avertissant qu’un demi-milliard de dollars a été, ainsi, brûlé, par les manœuvres militaires et les tirs meurtriers sur Gaza.
L’entité sioniste peut-elle poursuivre dans la même direction offensive ? Il ne le semble pas, aussi lui faut-il des résultats et, comme ceux-ci sont à double tranchant, d’une part de montrer sa force, et d’autre part de faire croire que son existence est non pas moralement – elle n’en doute pas – mais matériellement, réellement menacée, pour obtenir ce soutien extérieur, à quelques jours du dépôt de la candidature de la Palestine aux Nations unies le 29 du mois. Il est dans l’intérêt israélien de démontrer que l’Autorité palestinienne – celle de Abbas – n’est pas respectée, de fait, et, donc, qu’il faut placer les négociations entre les deux États, qui seraient sortis de l’ancien mandat palestinien britannique, non sur le terrain du droit pur mais sur celui de la survie d’Israël.
Serait-ce dans cette perspective que la fausse répétition de l’opération de 2008-09 s’est produite ? Il est inutile de préciser que l’Occident voudra ou feindra de vouloir réclamer, comme un chœur rappelant les malheurs d’Israël, plus de sécurité, c’est-à-dire plus de présence, sur le Jourdain, et que la politique de colonisation suivie depuis 1968 se poursuivra sous ce prétexte, qui mettra entre parenthèses toute question de légalité, au nom précisément de la légitimité d’une lutte contre le « terrorisme » ! Nous sommes là dans un monde renversé, où les victimes sont désignées comme agresseurs, mais cette situation ne s’oppose pas à une pratique antérieure ; elle en est la suite, sous une forme plus dure ou terminale, car le but est de maintenir ce Diên Biên Phu pour fixer tous les efforts arabes, en Orient, les déstabiliser et aussi les soumettre à l’obligation d’un surarmement.
Que des troubles éclatent en Égypte ou dans cette Jordanie qui fut, longtemps, la protectrice de ce Jourdain contre l’expansion sioniste, pendant près de 20 ans : tout ceci apporte de l’eau au moulin sioniste, car il veut que la formule soit ancrée, dans l’esprit des nations, qu’il est plus encore menacé que ses propres victimes !
Robert Fisk observe que ce vote du 29 intervient, trois jours après l’exhumation de la dépouille d’Arafat, que sa veuve et plusieurs fidèles assurent avoir été empoisonnés au polonium ! On comptera les amis ou ennemis de la Palestine, et, déjà, l’Égypte de Morsi a juré qu’elle serait du bon côté, alors que certains troubles intérieurs s’amplifient, donnant ainsi à penser que la contestation de la nouvelle autorité affaiblirait le poids de ce pays, que l’Histoire réclame, pays auquel appartenait la Bande de Gaza avant qu’elle ne soit convertie en prison palestinienne à ciel ouvert.
Mais le journaliste anglais relève aussi que, dans le monde, le nombre d’ambassadeurs palestiniens l’emporte sur celui des sionistes ; c’est un constat qu’aucune gesticulation likoudienne, fût-ce au prix d’un autisme politique, ne pourra escamoter, et c’est cette fatalité qui obligera l’entité sioniste à céder aux revendications palestiniennes, dans un jour décisif, nécessairement, pour toutes les affaires du monde. C’est ce qui le rend fatal et nécessaire, ce qui ne signifie aucunement proche.
On voit encore combien les troubles favorisent l’action subversive sioniste, et c’est cette conclusion qu’est en train de tirer la génération arabe, au sortir d’un printemps décevant en Égypte et meurtrier en Syrie, saison qui de ce point de vue peut expliquer les illusions non encore perdues qu’a Israël de duper le monde. Car, dans ce domaine, une sorte de prix international devrait lui être attribué !