A ne point confondre ce nom de doctrine tiré de Misrata, avec le Mithraïsme que l’on peut admirer par exemple au musée de Heidelberg, avec sa reconstitution du sacrifice du Taureau accompli par le héros indo-iranien Mithra, et orné de ce qui fut adopté dans le légendaire chrétien comme la crèche et ses animaux que ce culte alors favori des garnisons de l’armée romaine antique reconstituait jusqu’aux limites de l’Empire.
Ce néologisme désigne l’attitude bien décrite aujourd’hui par M. Meyssan [1] d’une tribu lybienne ayant tiré son nom de Misrata, qui est maintenant honorée sur toutes les places médiatiques, comme tyrannicide, à défaut d’être bientôt traitée par ses voisines, de tyrannique par cette outrance moderne qui l’emportera de tout appuyer sur la force et la dispute, plus que sur un consensus national. Certain polémiste français a pu lancer au 19ème siècle, époque par excellence du journalisme et des crises boursières, des aventures coloniales et de la première idée d’abattre l’homme malade qu’aurait été, selon les faiseurs d’opinion, la communauté politique musulmane d’alors, cette formule qui convient à la situation : l’on peut tout faire avec des baïonnettes, en l’occurrence les armes accompagnées de Mirages 2000 et sorties des arsenaux otaniens, sauf s’y asseoir dessus. Mais ceci vaut pour tout régime qui n’est jamais œuvre de création – au sens strict, proprement divine- mais œuvre de propagation, entendez de développement finalisé par l’idée et le sentiment d’un bien commun. Or le Misratisme développe une attitude contraire : il attend d’abord de prendre parti dans un conflit pour voir de quel côté penche la balance des forces, s’insurge puis se courbe, et enfin suit un courant dévastateur étranger au pays pour y lever haut le drapeau de son ambition dominatrice. Il ne sacrifie ses hommes qu’au prix d’un pillage visible, et d’autres exactions qui font rougir les associations humanitaires qui ne sont pas sans expérience de la vie. Ensuite, après avoir supplié la justice réfugiée, disaient les Grecs anciens de leur déesse Thémis, au Ciel par honte de l’iniquité humaine qui justifiait les avertissements prophétiques, de retourner sur terre au besoin par voie aérienne de l’OTAN, ils la congédient aussitôt en supprimant l’accusé qu’ils juraient de produire à la face du monde !
Il est étonnant de constater que partout l’on redit ce même chiffre de 42 années depuis la chute de la monarchie pour désigner un ciel de plomb étendu sur le pays d’où surgira le Misratisme : cela signifie-t-il que la liberté régnait alors, au temps où les vainqueurs de la seconde guerre mondiale occupaient le pays, et ne s’occupaient point de nourrir la population ? Le pays n’était pas alors, cet « homme malade » de l’Afrique ou du monde arabe, pour reprendre l’expression du tsar Nicolas Ier, produite en 1853 devant l’ambassadeur de Grande Bretagne, de « Turquie homme malade de l’Europe » qui fit fortune dans tous les manuels d’Histoire. Maladie, du reste, qui eut sa guérison, puisque dix ans plus tard, une Banque impériale ottomane dirigée par un consortium franco-anglais voyait le jour ! Partout où se trouvent de tels administrateurs, le pouvoir est jugé moins autocrate, plus moderne, et les paroles de M. Reccep Tayyip Erdogan prononcées sur la place des Martyrs de Tripoli, devant une floraison de drapeaux turcs, qui dénonçait la Syrie ( !!!), face aux Misratistes armés qui savent venir de ce même pays de l’homme jugé jadis malade, sonnent comme une marche ou une menace : « N’oubliez jamais ceci : celui qui persécute son propre peuple en Syrie ne peut plus tenir. L‘ère de l’autocratie est terminée. Les régimes totalitaires sont finis. Le pouvoir du peuple arrive ». Les Misratistes ont certainement levé les yeux au Ciel occupé par leurs alliés, et bientôt naîtra une banque populaire libyenne, n’en doutons guère dirigée par un consortium bien plus large que celui franco-anglais qui rongea l’économie turque, comme des rats dans un fromage !
Faut-il désespérer de toute réelle démocratie et du destin de pays ainsi saccagés ou promis au désordre avec l’acceptation des pires forces qui soutiennent les massacres chroniques de Gaza et de Bahrein, se rient des misères infligées à l’Irak, à l’Afghanistan et aux frontières envahies du Pakistan ? Et qui sont aveugles aux listes produites par Damas de plus d’un millier de gens assassinés par des terroristes qu’on salue médiatiquement comme un peuple ! « Qu’un bien vous touche, ils s’en affligent, qu’un mal vous atteigne, ils s’en réjouissent. » Et le verset de cette troisième Sourate qui émeut tant de Chrétiens car elle porte sur la Vierge, dit qu’Allah sait parfaitement ce qu’ils font ! En effet, ce Misratisme est un vieil adversaire ! Il peut avoir un nom nouveau, ses manigances n’impressionnent pas ceux qui reconnaissent les fruits de pareille saison !