Afin de faire face à la menace des missiles nord-coréens, la Corée du Sud dispose déjà d’une défense antimissile (Korea’s Air and Missile Defense, KAMD), basée essentiellement sur les systèmes PAC-2 GEM-T (Patriot) et AEGIS (avec des intercepteurs SM-2) et « indépendante » du bouclier mis en place par les États-Unis et le Japon dans la région, bien qu’elle soit dotée d’équipements américains et moyens de détection israélien (le radar Greenpine d’IAI). Et Séoul envisage de renforcer ses capacités dans ce domaine.
En octobre 2013, un rapport du ministère sud-coréen de la Défense a plaidé pour l’acquisition du système THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) plutôt que celle du PAC-3, les deux étant d’origine américaine.
« L’altitude d’interception du système PAC-3 est inférieure à 30 km, ce qui permet une seule chance d’intercepter des missiles et pourrait engendrer des dégâts en cas d’interception de missiles portant une ogive nucléaire ou des armes chimiques », avait alors expliqué un responsable militaire à l’agence Yohhap. « Concernant le système THAAD, comme son altitude d’interception se situe entre 40 et 150 km, il est possible de profiter de deux occasions d’interception en le déployant avec le système PAC-3 et de réduire les dégâts lors de l’interception de missiles dans la couche haute », avait-il ajouté.
Dans une note publiée en janvier 2011, la Fondation pour la recherche stratégique a souligné que « distance qui sépare Séoul de la zone démilitarisée fait que les temps de vol de missiles qui seraient tirés depuis des positions proches de la DMZ vers la capitale sud-coréenne sont de quelques minutes » et que « la forme des trajectoires de tels engins limite les solutions envisageables en termes d’intercepteur au moins pour la défense du nord du pays ». Par conséquent, « le recours à des intercepteurs exo-atmosphériques – THAAD ou SM-3 – n’est pas envisageable ». En revanche, pour le sud du pays, notamment la zone autour de Pusan, « il est toutefois possible de s’appuyer sur des moyens haut endoatmosphérique, en particulier de type THAAD ».
Commandant des forces américaine en Corée du Sud (USFK), le général Curtis Scaparrotti a recommandé le déploiement du système THAAD lors d’une conférence de presse récemment donnée à Séoul. Face aux « menaces de la Corée du Nord, ce système fournira une plus grande sécurité et renforcera l’interopérabilité », a-t-il plaidé. Un an plus tôt, il avait dit la même chose à la commission des Forces armées du Sénat, en estimant, en plus, qu’il faudrait y ajouter le radar AN/TPY-2 de Raytheon.
Mais la décision finale revient au gouvernement sud-coréen. Et au vu de ces éléments, il y a des chances pour qu’il soit tenté par ce système THAAD, qui, opérationnel aux États-Unis depuis 2008, permet d’intercepter des missiles balistiques de courte et moyenne portée alors qu’ils se trouvent en phase terminale dans la haute atmosphère.
Cependant, il est prêté à Washington de chercher à intégrer la défense anti-missile sud-coréenne dans un ensemble régional. Le vice-chef d’état-major interarmées américain, l’amiral James Winnefeld, a d’ailleurs insisté pour que Séoul et Tokyo arrivent à surmonter leurs désaccords afin de mettre en place un tel bouclier. La menace nord-coréenne arrive bien évidemment en tête des arguments. Mais il s’agirait également de neutraliser la capacité de frappe chinoise.
« Cela fait déjà plus de trois ans que les Etats-Unis demandent à notre pays de participer à leur bouclier anti-missile.. Mais si la défense anti-missile de la Corée du Sud était intégrée au système américain dans la région, cela nous obligerait en pratique à aider les Etats-Unis à détecter d’éventuels missiles chinois… Ce qui ferait que notre armée sera considérée comme une ennemie potentielle par la Chine », expliquait, l’automne dernier, Hong Hyun-ik, chercheur à l’institut Sejong à Séoul.
Mais c’est à Moscou que la proposition américaine d’installer des batteries THAAD en Corée du Sud a récemment été critiquée. « De telles déclarations ne peuvent que susciter des craintes », a fait valoir le ministère russe des Affaires étrangères, dans un communiqué diffusé le 24 juillet.
« Cela aura un inévitablement un effet négatif sur la situation stratégique dans la région et pourrait provoquer une course aux armements », a-t-il ajouté. « Il est impossible de ne pas voir que (la proposition américaine) fait partie, en fait, d’un plan d’expansion du système de défense antimissile américain », a-t-il encore insisté.