« L’islamisme, voilà l’ennemi ! » Cela ne vous rappelle rien ? En plein ordre moral triomphant, Gambetta, l’homme qui avait quitté en montgolfière la Commune de Paris assiégée par les Versaillais pour organiser la résistance en province, déclarait ainsi la guerre au cléricalisme. Les hommes politiques de cette trempe, ça n’a plus cours aujourd’hui. Dommage !
Oui, aujourd’hui c’est sûr, l’islamisme est l’ennemi. Mais la question se pose de savoir si c’est l’unique ennemi.
1991, première guerre d’Irak c’est-à-dire contre l’Irak, pays en voie de grand développement, arabe, mais laïque. Une formidable coalition conduite par Washington avec tout l’Occident, comme on dit, et les grandes démocraties d’Arabie saoudite et autres principautés richissimes et sunnites du golfe arabo-persique. La France du socialiste et humaniste Mitterrand ne manque pas à l’appel.
L’Irak ramené à l’âge de pierre, proclame le protestant et grand démocrate James Baker en juin de la même année. L’âge de pierre pour le pays héritier d’une des plus anciennes civilisations.
500 000 enfants irakiens morts ? Le prix à payer selon Madeleine Albright en 1995 [1996, NDLR].
2002 : L’OTAN, sous la conduite des États-Unis, fonce sur l’Afghanistan pour une guerre de dix ans et plus. La France de Chirac ne s’y presse pas . Enfin pas tout de suite mais un peu plus tard oui, en particulier avec Sarkozy. Les Soviétiques s’y étaient cassé le nez. Ce ne sera guère mieux avec l’OTAN.
2003 : la deuxième guerre d’Irak avec les « démocraties » rassemblées sous la bannière étoilée pour mettre enfin l’Irak à l’heure du paradis occidental et démocratique. Triomphe que l’on connaît bien.
La France de Chirac et de Villepin refuse de s’y rendre. Le monde, celui des pays du tiers et des non-alignés, dit son admiration, Le mensonge des armes de destruction massive propagé par Washington et Londres est dénoncé. Avec un groupe décidé à en faire la démonstration, nous nous rendons en Irak. À mon retour, madame Alliot-Marie, ministre de la Défense, me fait envoyer par son directeur du cabinet militaire une lettre comminatoire pour me rappeler au devoir de réserve ! Peut-être avait-elle des vues différentes de celles du Président sur ce sujet ?
2010, Sarkozy président, Londres et Paris s’unissent pour semer le chaos en Libye et faire assassiner dans des conditions pornographiques le président Kadhafi. Belle opération militaire sous-traitée par Washington à ses deux vassaux auxquels il apporte le soutien logistique de pourvoyeur d’armes et de munitions. Nous en connaissons tous les conséquences.
Mais cela ne suffit pas. Un autre chaos est en train de mijoter.
2012. Après Sarkozy va-t-en guerre, voilà Hollande et son ministre des Affaires étrangères, Fabius, dont l’obsession est la destitution d’un chef d’État légitime et la guerre à un État membre de l’ONU. La Syrie est à son tour dans le chaos, attaquée par Al-Qaïda, l’État islamique et quelques autres entités baptisées opposition forcément démocratique : guerre médiatique mensongère, diabolisation à outrance, rien n’y fait, l’armée syrienne se bat et résiste, bientôt aidée par l’Iran et le Hezbollah chiites, et la Russie. Washington fait un repli au moins en apparence et la France de Hollande et Fabius se ridiculise.
C’est le tableau d’un chaos parfaitement organisé que nous avons là pour le Proche- et le Moyen-Orient. Conforme à la stratégie d’une Amérique forte d’un dollar qu’elle contrôle et d’une défense à nulle autre comparable, d’une doctrine et d’une idéologie dominatrices. Al-Qaïda, le Daech, ce sont ses enfants nourris aux pétrodollars du Qatar et de l’Arabie Saoudite et armés par eux par délégation de Washington. Quel est dans tout cela le rôle joué par Israël ? De façon directe et indirecte.
Alors une France qui en bon valet s’engage sur tous les fronts de l’atlantisme, une France faible ou affaiblie, une France laïque aussi, cela fait une belle cible pour l’islamisme, la face sombre de l’islam que la stratégie du chaos a fait ressurgir au sein de ces peuples humiliés, combattus à coups de bombes, ramenés à l’âge de pierre, avec une économie ravagée et un développement forcément négatif, soumis à une guerre de religion où les attentats ô combien meurtriers sont quotidiens et ne réveillent plus l’émotion dans le monde depuis longtemps.
Ces peuples n’ont plus d’autres références que la religion et la jeunesse s’y précipite avec toute la violence et le fanatisme, pour ne pas dire la haine de gens qui n’ont aucune autre perspective, loin des promesses de la vraie vie. Ceci n’est pas une excuse mais bien une explication.
Alors oui, l’islamisme, voilà l’ennemi ! Il est là, ressuscité par le chaos, dangereux, assassin et bien sûr nous n’avons d’autre choix que de le combattre avec fermeté avec toutes les armes dont nous disposons pour ce faire et une volonté clairement affichée.
Mais je ne peux m’empêcher de penser que l’atlantisme, pour nous Français, c’est aussi l’ennemi, le mal qui a donné libre cours à l’autre mal. Celui dont la politique s’appuyant sur une stratégie limpide et délibérément choisie est celle du chaos. Stratégie dont, qu’importe la majorité aux affaires, la France s’est faite la complice jusqu’en Europe, que ce soit pour le dépècement de la Yougoslavie ou la guerre civile en Ukraine, ignorant le plus généralement le point de vue russe sur ces questions.
À semer le vent, l’atlantisme de nos dirigeants, atlantisme de conviction ou de circonstance, récolte aujourd’hui la tempête sur le sol de France.
Aux hommes et femmes politiques et à tous ceux qui disent que la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires, il est permis de répliquer qu’elle est la conséquence de l’incapacité des politiques à la prévenir, et qu’en décider est une chose si sérieuse que cela devrait revenir au peuple, à la nation consultée par référendum et non pas à un parlement dont les membres sont trop souvent soumis au court terme et à une discipline de parti incompatible avec un choix en conscience.
Source : arretsurinfo.ch