Jean-Claude Juncker, le nouveau président de la Commission européenne (CE), n’aurait jamais dû occuper cette fonction, imposée aux États-membres par un Parlement européen avide d’étendre ses pouvoirs, affirme Bloomberg.
Il rappelle que l’actuel président de la Commission a été Premier ministre du Luxembourg pendant près de 20 ans, et qu’il a accompagné la transformation du secteur financier de la petite nation en centre fiscal pour près de 340 multinationales et des fonds d’investissement totalisant près de 3 000 milliards d’euros d’actifs. Les citoyens du Luxembourg comptent désormais parmi les plus riches du monde, derrière les Qataris.
Des documents que l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) s’est procurés ont révélé que le Luxembourg avait conclu des accords de montages fiscaux avec des firmes internationales pour leur permettre de réduire leur fardeau fiscal sur les bénéfices qu’elles ont réalisés dans les autres pays. Au Luxembourg, elles ne payaient parfois que 0,25% d’impôt société… Pendant ce temps-là, les autres pays n’enregistraient aucune recette fiscale de leur part, en dépit de leurs activités sur leur territoire.
« Il est révélateur que ces arrangements aient été entourés de secret », écrit Bloomberg. « On pourrait dire que Juncker a enrichi son pays en vidant les poches des autres pays, y compris ceux de l’Union Européenne qu’il doit maintenant servir en vertu de son mandat ».
Ironiquement, la Commission avait déjà débuté une enquête sur les montages fiscaux élaborés par certaines multinationales au Luxembourg lorsque ce scandale des « LuxLeaks » a éclaté. Juncker a affirmé qu’il ne s’en mêlerait pas, mais il ne se récusera pas lui-même. Sa position à la tête d’un organisme qui enquête sur les pratiques fiscales d’un pays qu’il a supervisées en tant que Premier ministre aboutit à un conflit d’intérêt évident, affirme le site.
Même si la Commission conclut que le Luxembourg a utilisé correctement la latitude dont disposent les Etats-membres pour taxer les entreprises équitablement, et qu’il n’est pas devenu un paradis fiscal en contravention de cette règle, l’affaire ébranle la confiance du public à l’égard de l’UE. Or, il sera très difficile de restaurer cette confiance, alors que l’UE a les plus grandes peines du monde à sortir de la crise économique, et qu’elle est « de plus en plus considérée comme une Institution élitiste, s’immisçant partout, et incapable de produire de la croissance, ou de se montrer juste ».
Cela sera certainement encore plus compliqué si cet effort est supervisé par un homme « qui a passé sa carrière en tant que pourvoyeur d’accords louches signés derrière des portes closes, tout en édifiant et gérant un paradis fiscal international aux dépends des autres pays européens ».
Bien sûr, tout cela était connu, ou aurait dû l’être, avant qu’il soit désigné à son poste de président de la CE, et le Parlement est aussi responsable de cette nomination.
« Juncker n’a rien fait d’illégal et pour le moment, il n’est pas menacé de perdre son poste. Toutefois, l’UE serait mieux servie s’il donnait sa démission », conclut Bloomberg.