Les forces irakiennes ont repris vendredi, après quatre semaines de combats, la ville stratégique de Baïji, près de la plus grande raffinerie d’Irak, dans l’un de leurs rares et plus significatifs succès face aux jihadistes du groupe terroriste État islamique (EI).
Selon des responsables irakiens, les forces de sécurité, aidées par des miliciens chiites et des tribus sunnites et appuyées par un soutien aérien de la coalition internationale, ont réussi à chasser les jihadistes qui contrôlaient la ville depuis plusieurs mois.
Il s’agit de la plus grande ville reprise par les forces armées depuis le début le 9 juin de l’offensive fulgurante du groupe ultra-radical sunnite qui lui a permis de s’emparer de larges pans de territoire au nord et à l’ouest de Bagdad.
Le contrôle de cette ville située à 200 km au nord de le capitale irakienne devrait permettre de sécuriser le site de la raffinerie assiégée depuis des mois par les jihadistes et distante de moins de 10 km. Il devrait aussi aider à isoler davantage les jihadistes à Tikrit, plus au sud, des autres zones contrôlées par l’EI.
Après leur assaut lancé le 17 octobre, "les forces irakiennes sont parvenues à reprendre le contrôle total de Baïji", où elles étaient entrées le 31 octobre, a déclaré Ahmad al-Krayim, président du Conseil de la province de Salaheddine.
"Elles sont en route pour la raffinerie de Baïji", qui fournissait jusqu’à la moitié des produits pétroliers raffinés du pays avant l’offensive jihadiste, a-t-il ajouté.
L’offensive des jihadistes sur Baïji a affecté la production de pétrole dans le nord irakien, mais les importants champs pétroliers et terminaux d’exportation du sud de l’Irak n’ont pas été touchés.
Dans la capitale, où les attentats revendiqués par l’EI sont fréquents, au moins 17 personnes ont péri dans deux attaques à la voiture piégée dont les auteurs n’ont pas été identifiés.
Kerry cite Baïji en exemple
La prise de Baïji est l’un des rares succès des troupes irakiennes qui n’avaient pas été en mesure de résister aux jihadistes au début de leur offensive, en juin, avec de nombreux soldats et policiers abandonnant leurs positions.
Mais elles ont ensuite tenté de regagner du terrain après la désignation d’un nouveau Premier ministre, Haïdar al-Abadi, et la formation d’un gouvernement regroupant toutes les communautés.
Le soutien aérien des États-Unis a été crucial dans la reprise de certaines zones, de même que l’aide des combattants chiites et kurdes et des tribus sunnites. Au cours des 72 dernières heures, la coalition a ainsi frappé le secteur de Baïji à trois reprises, a affirmé le commandement américain chargé de la région (Centcom).
Vendredi, des chasseurs Rafale de l’armée de l’air française ont bombardé trois fois des positions de l’EI près de Kirkouk, dans le nord, a annoncé le ministère de la Défense sur son site internet.
Parmi les principales reconquêtes depuis août figurent le barrage de Mossoul (nord), le plus grand du pays, plusieurs villes au nord de Bagdad, dont Amerli, Souleimane Bek et une grande partie de Dhoulouiya, ainsi que Jourf al-Sakhr, au sud de Bagdad.
En visite jeudi en Jordanie, le secrétaire d’Etat américain John Kerry avait cité l’exemple de Baïji dans la guerre contre l’EI.
Le même jour, l’EI avait diffusé un enregistrement sonore attribué à son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, dans lequel ce dernier avertit que les frappes de la coalition ne stopperaient pas l’expansion de son groupe.
Cet enregistrement a été diffusé après des rumeurs sur sa mort dans un raid de la coalition.
Crimes contre l’Humanité
L’EI est également impliqué dans le très complexe conflit syrien, où il affronte à la fois les rebelles et les forces du régime.
A ce propos, le patron du renseignement américain James Clapper a estimé que l’EI et Al-Qaïda n’unissent pas leurs forces en Syrie, mais qu’ils ont "occasionnellement" collaboré, selon l’extrait d’un entretien qui sera diffusé dimanche.
Dans la ville kurde de Kobané (nord), que les jihadistes tentent de conquérir depuis deux mois face à une résistance farouche des forces kurdes, l’EI a été frappé à 17 reprises ces dernières 72 heures par des raids de la coalition internationale, selon le Centcom.
Alors que ce groupe s’est rendu responsable d’atrocités en Syrie comme en Irak, la Commission d’enquête de l’ONU sur les crimes en Syrie a accusé vendredi le groupe jihadiste de crimes contre l’Humanité et de crimes de guerre à grande échelle.
Dans son premier rapport détaillé, elle établit une longue liste de crimes, documentés par quelque 300 témoignages, avec des massacres de masse contre des groupes ethniques et religieux, des décapitations, de l’esclavage sexuel et des grossesses forcées.