En Israël, l’opposition à la guerre à Gaza est quasi inaudible. Haaretz, un quotidien libéral d’opposition, a dénoncé vendredi une « chasse aux sorcières » contre la gauche et les défenseurs des droits de l’homme.
C’est le conflit le plus meurtrier depuis des années - plus de 1960 Palestiniens tués, 64 soldats israéliens morts au combat - et, pourtant, la seule manifestation, qui a réellement mobilisé, a rassemblé des milliers d’Israéliens mécontents du retrait des troupes de Gaza.
Alors que le fragile cessez-le-feu a été prolongé de cinq jours, ces manifestants appelaient jeudi soir à en finir une fois pour toutes avec les tirs de roquettes palestiniennes.
Haaretz, un quotidien libéral d’opposition, a dénoncé vendredi une « chasse aux sorcières » contre la gauche et les défenseurs des droits de l’homme après que l’organisation B’Tselem a été sortie de la liste des institutions accueillant des jeunes pour le « service civil ».
Il était jusqu’ici possible pour les jeunes Israéliens, au lieu de passer trois ans - deux pour les femmes - dans l’armée, d’effectuer un « service civil » au sein de cette ONG, qui critique les exactions de l’armée, notamment dans les territoires occupés.
Servir les ennemis d’Israël
Dénonçant une « organisation qui travaille contre l’État et contre ses soldats qui sacrifient héroïquement leur vie », le directeur de l’administration du service civil, Sar-Shalom Jerbi, a accusé B’Tselem de « propager mensonges et calomnies pour servir les ennemis d’Israël et encourager l’antisémitisme à travers le monde ».
L’ONG a, elle, dénoncé une attaque contre la démocratie et lancé une pétition de soutien en ligne.
Pour Yizhar Beer, du centre Keshev pour la protection de la démocratie en Israël, exprimer son opposition n’a jamais été aussi difficile qu’aujourd’hui en Israël qui se targue d’être la seule démocratie du Moyen-Orient.
La très vaste majorité de l’opinion est pour la guerre - 95% des Israéliens juifs la soutiennent, selon un récent sondage - et dans le pays où le service militaire est obligatoire, tout le monde a un proche ou un ami dans l’armée.
Les tirs de roquettes, qui ont tué trois civils en Israël, ont créé la panique chez des millions d’Israéliens, notamment dans les villages frontaliers de la bande de Gaza, escamotant dans leurs esprits la mort de près de 2000 Palestiniens tués par le pilonnage des avions, de l’artillerie et des chars sur l’enclave exiguë et surpeuplée.
Souffrances israéliennes
Et pour ajouter à l’emballement belliqueux, les médias ont allègrement joué sur la corde patriotique. Ils ont inlassablement soutenu les soldats, leur envoyant des cadeaux et mettant en avant les souffrances côté israélien en minimisant celles côté palestinien.
Au milieu de cette unanimité affichée, dénoncer la guerre, c’est s’exposer aux accusations de « trahison », à la mise au ban, même lorsque l’on s’exprime sur des pages Facebook privées. Plusieurs Israéliens arabes affirment ainsi avoir perdu leur travail pour avoir exprimé leur solidarité avec les Gazaouis sur les réseaux sociaux.
Et c’est ainsi, à coup d’« intimidations », que les voix contestataires se sont tues une à une et que ceux qui pensaient les rejoindre ont pris peur, affirme Steven Beck, de l’association des droits civiques en Israël, quand on l’interroge sur la faible mobilisation antiguerre.
Il voit de grandes similitudes entre aujourd’hui et la période qui a précédé l’assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin, prix Nobel de la paix, abattu par un extrémiste juif en 1995.
« Des choses qui choquaient énormément à l’époque sont devenues tout à fait normales. Le curseur est en train d’être élevé à un niveau extrême. La question est de savoir si cela va exploser ou s’évaporer », dit M. Beck.
Les responsables sont connus, assure M. Beer. Ce sont la droite religieuse et les communautés ultra-orthodoxes en pleine expansion, tout autant que l’influent mouvement des colons juifs et l’occupation qui se poursuit en Cisjordanie. « L’État d’Israël est l’otage de la frange extrémiste de la société israélienne », déplore-t-il.