Depuis que vous critiquez Israël et le lobby juif, vous avez été victime de persécutions de la part de la communauté juive. Comment cela a-t-il débuté, et qu’avez-vous ressenti à l’époque ?
Jacob Cohen : Tout d’abord, j’ai été victime de deux agressions physiques en 2012, en bande organisée, c’est-à-dire à plusieurs. Jet de peinture rouge, de farine et d’œufs. Le tout accompagné d’insultes et de menaces. Agressions filmées et postées sur le site de la Ligue de défense juive, avec des centaines de commentaires vindicatifs dont je vous laisse deviner la teneur.
Depuis lors, je reçois toutes sortes de messages insultants, menaçants ou amusants, par exemple suivre une cure psychiatrique, car c’est une espèce de « folie » pour un juif de critiquer Israël. D’anciens habitants de Meknès (ma ville natale au Maroc) prennent contact avec moi, certains depuis le Canada, pour m’exprimer leur stupéfaction et leur réprobation.
Évidemment, c’est très pénible, lorsque l’entourage (famille et amis) s’y met aussi. Je ressens un sentiment de désespérance, car je remarque à quel point le fossé est grand et ne cesse de s’élargir. Et je ne crois plus à une solution pacifique du conflit. Comment des gens aussi instruits ne voient-ils pas les exactions des Israéliens, leur extrémisme qui ne peut aboutir qu’à une conflagration générale ! Les recours à la violence vis-à-vis d’un écrivain critique et les approbations qu’ils suscitent dénotent une radicalisation sans rémission.
S’en est-on pris à vos proches, par exemple dans l’espoir qu’ils feraient pression sur vous ?
C’est fort probable car je reçois des demandes d’explication ou de justification à propos de mes positions ou de vidéos postées ici ou là. De personnes étonnées d’avoir entendu ou lu que Jacob Cohen tiendrait des propos déplacés ou injustifiés.
Quelles ont été les diverses formes de persécutions subies ?
Toutes sortes d’insultes et de menaces. Les ennemis ont beaucoup d’imagination et très peu de scrupules. Aucun respect pour la liberté d’autrui. Et souvent un niveau de vulgarité assez déprimant. Pour eux, on est moins que rien, un abruti, un fou, un débile, un homme à abattre.
Comment avez-vous réagi pour tenter de mettre un terme à ces persécutions et quel a été le résultat de vos efforts ?
Concernant les agressions physiques commises par la Ligue de défense juive, j’ai déposé une plainte sans me faire d’illusions. D’ailleurs, ma plainte pour la première agression a été classée « sans suite », alors que les agresseurs étaient connus, puisqu’ils s’étaient filmés eux-mêmes. La seconde agression connaîtra probablement le même sort.
Quant aux autres agressions, que je reçois surtout sur les réseaux sociaux, je les ignore totalement. Je les efface et n’y réponds jamais. Je ne veux pas entrer dans cette escalade. D’ailleurs souvent les « insulteurs » se fatiguent et finissent par arrêter. Lorsqu’un message est « amusant » je le rends public, comme celui où une juive marocaine m’a proposé de me faire connaître un bon psychiatre capable de me « guérir ».
Comment expliquez-vous ce goût pour la persécution et l’ostracisme qu’on observe au sein de la communauté juive, alors que cette communauté se présente toujours comme la victime de persécution et d’ostracisme ?
C’est un fait que cette communauté a été persécutée de mille manières à travers l’histoire. Mais cela montre aussi que la persécution ou la victimisation ne sont pas l’apanage d’une société en particulier. À partir du moment où on dispose de la force pour un projet de domination ou d’expansion, on n’hésite pas à se comporter en conquérant. La question devient intéressante avec la communauté juive. Celle-ci se croit toujours en position de persécutée, alors qu’elle est désormais une des composantes essentielles de l’establishment dominant mondial. Et ce n’est pas sans cynisme qu’elle revendique son éternel statut de victime. Car cela atténue ou efface ses responsabilités. Disons que les communautés juives, y compris l’israélienne, se croient tout permis. Et même qu’elles s’y connaissent en matière de persécution et d’ostracisme.
Quand quelqu’un contrarie le lobby juif, il est presque systématiquement victime d’une campagne de calomnies. Généralement, les non-juifs se font traiter d’antisémites, tandis que les juifs antisionistes se font traiter de Kapos. Dans La guerre des Juifs, Flavius Josèphe raconte que le roi Hérode a fait exécuter deux de ses fils à la suite d’une campagne de calomnies accusant ses fils de vouloir l’assassiner. Il semble qu’il existe une véritable culture juive de la calomnie. On dirait que, pour la plupart des juifs, il n’y a rien de plus normal que le fait de calomnier ses adversaires. Que pouvez-vous dire à ce propos ?
Excellente remarque ! La tradition juive recèle de nombreuses références à cette plaie qu’est la calomnie, très répandue au sein même du peuple juif. Cela remonte même au temps des gouvernements des rois et des juges. Une tradition talmudique va jusqu’à affirmer que la destruction du Temple a eu pour principale cause la « médisance gratuite ». On retrouve d’ailleurs ce trait dans la société israélienne actuelle. Les politiques s’écharpent allègrement, alors que des appels sont lancés pour ne pas tomber dans ce travers qui a eu dans l’histoire de si graves conséquences. Mais ces appels restent en général des vœux pieux.
N’est-il pas paradoxal que des gens dont le comportement public est souvent odieux paraissent toujours exiger qu’on les trouve sympathiques et au-dessus de toute critique ?
C’est bien là le problème. La majorité des juifs, en Israël ou dans la diaspora, ont pris pour acquis qu’ils ont été les victimes de l’Histoire et que celle-ci leur doit bien des compensations. Le problème est qu’ils ne semblent pas réaliser les torts qu’ils commettent : que ce soit leur politique coloniale vis-à-vis des Palestiniens ou leur arrogance dans les pays où ils résident. Ils développent même en toute impunité une double allégeance qui les met en porte-à-faux par rapport à leurs concitoyens. Il apparaît que la puissance considérable qu’ils ont acquise leur a fait perdre le sens de la mesure et de la vérité.
Propos recueillis par Frank Brunner.