Des centaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Barcelone pour réclamer un référendum sur l’avenir de la Catalogne.
Dans une forêt de drapeaux rouge et or, des centaines de milliers de personnes ont manifesté jeudi à Barcelone. Ils réclament le droit de se prononcer par un référendum sur l’avenir de la Catalogne dans l’Espagne, à l’instar de l’Écosse.
Contrairement au gouvernement britannique, qui a autorisé le référendum écossais sur l’indépendance le 18 septembre, Madrid refuse tout référendum régional d’autodétermination. Invoquant la Constitution, le gouvernement espagnol veut interdire celui que la Catalogne prépare pour le 9 novembre.
La mairie de Barcelone, tenue par les nationalistes, a estimé que 1,8 million de personnes ont participé à la manifestation, alors que la préfecture du gouvernement espagnol dans la capitale catalane a comptabilisé entre 470 000 et 520 000 manifestants.
Oriflamme humaine
A l’heure prévue, les colonnes de manifestants vêtus de rouge ou de jaune se sont alignées en longues files, sur deux grandes avenues de la seconde ville d’Espagne, pour constituer une immense oriflamme humaine aux couleurs du drapeau catalan et en forme de V, pour "voter".
"Nous avons réussi. Nous avons rempli les rues et le 9 novembre nous remplirons les urnes", s’est écriée Carme Forcadell, présidente de l’Association nationale catalane, la principale organisation indépendantiste qui organisait cette démonstration de force pour la "Diada" (fête "nationale" de la Catalogne).
Dans des roulements de tambour et au son des "grallas", les hautbois traditionnels de la région, les manifestants étaient arrivés en groupes ou en famille, brandissant des drapeaux catalans ou indépendantistes (triangle bleu frappé d’une étoile blanche).
Par endroits, ils ont formé des pyramides humaines traditionnelles ("castells"), en montant sur les épaules les uns des autres, tandis que s’élevait la clameur "In, Inde, Independencia".
Lors de la Diada de 2012, une manifestation de plus d’un million de personnes avait contraint le gouvernement régional à promettre une consultation sur une éventuelle indépendance de la Catalogne. Après celle de 2013, pendant laquelle les militants avaient formé une chaîne humaine de 400 kilomètres, l’exécutif catalan a fixé la date du scrutin au 9 novembre prochain.
Prise de Barcelone en 1714
Cette année, la Diada marquait le 300e anniversaire de la prise de Barcelone en 1714 par les troupes du roi Philippe V, qui abolit les lois et les institutions catalanes. Symboliquement, le temps fort de la manifestation avait été fixé à 17h14.
À la pointe du V, une femme de 86 ans, Lourdes Castellseguer, était venue avec son déambulateur, accompagnée de son fils et de quelques amis.
"Nous sommes en train de faire quelque chose de très important", dit-elle. "Ce ne sera pas facile parce qu’ils placeront beaucoup d’obstacles devant nous, mais je crois que nous y arriverons. Et j’espère que je le verrai".
Imma Pablo, 57 ans, une des gymnastes de castells, s’emportait contre le gouvernement espagnol. "C’est surprenant qu’ils soient aussi aveugles et ne nous laissent pas voter. Ils ne se rendent pas compte qu’ils nous poussent ainsi à réclamer l’indépendance".
La Catalogne comme l’Écosse
Le chef du gouvernement catalan, Artur Mas, a averti Madrid qu’il ne pourrait "pas empêcher éternellement la Catalogne de se prononcer sur son avenir", dans une interview à l’AFP.
"Si une nation comme l’Ecosse a le droit de décider de son avenir, pourquoi pas la Catalogne ?", a-t-il demandé. Le gouvernement ne doit pas continuer à opposer des arguments constitutionnels au problème politique que pose la Catalogne, selon lui, et cette consultation non contraignante est nécessaire pour savoir si les indépendantistes sont majoritaires ou pas.
Fiers de leur langue et de leur culture, nombre des quelque 7,5 millions de Catalans pensent que le gouvernement central ne les respecte pas.
La Catalogne, qui produit un cinquième de la richesse de l’Espagne, n’a pas accepté que le tribunal constitutionnel la prive de son statut de nation en 2010, en réduisant fortement l’autonomie dont elle jouissait.