Du 17 au 19 octobre 2014, la Licra a tenu ses Universités au Havre, sur le thème de la lutte contre les communautarismes. Une semaine plus tôt, Éric Zemmour lançait en librairie son essai à la gloire d’une France nostalgique, tournée vers le passé. Quelques jours plus tard, Dieudonné M’bala M’bala et Alain Bonnet, dit Soral, s’organisaient en parti politique, faisant de la haine antisémite le ferment d’une « réconciliation nationale » crépusculaire. Face à ces tenants de « l’anti-France », les travaux des Universités de la Licra ont permis de dégager quatre constats et un besoin urgent de réponse à la mesure de ce que la situation exige.
Les quatre constats
1- Le communautarisme n’est pas une fatalité. Dans un sondage OpinionWay rendu public à la veille des Universités de la Licra, il apparaît que 92 % des Français plébiscitent les valeurs républicaines et 82 % disent n’appartenir à aucune autre communauté que la communauté nationale. Sans sous-estimer les dangers du communautarisme, ce sondage montre que les Français sont attachés à ce qui les rassemblent, et que la France n’est pas cette République balkanisée, au bord de l’éclatement, que les oiseaux de mauvais augure de l’ère du « buzz » médiatique aiment à brandir sur les plateaux de télévision.
2- Le sentiment du « deux poids, deux mesures » alimente les tensions entre les communautés en aiguisant la concurrence mémorielle. Pour combattre ce fléau qui gangrène le débat public, il est nécessaire de sortir du piège de la revendication identitaire et de passer de la « mémoire révérence » à la « mémoire référence ». Les génocides n’appartiennent pas à telle ou telle communauté. Leurs spécificités, qui doivent être soulignées, n’induisent ni concurrence ni hiérarchie. Leur fardeau doit être porté par l’humanité tout entière.
3- Les associations antiracistes universalistes ont du mal à se faire entendre. La société française a perdu sa capacité à s’indigner. Pour preuve, « l’annus horribilis » 2013-2014, qui a vu se succéder les insultes racistes qu’on croyait d’un autre temps à l’égard d’une Ministre, les incitations à la haine antisémite proférées devant des salles de spectacle combles, et les manifestations haineuses en plein Paris où l’on a crié « Juif la France n’est pas à toi », sans grande réaction de la part du corps social. Au lendemain de la profanation du cimetière de Carpentras un million de Français, de toutes religions, de toutes origines, de toutes familles politiques sont spontanément descendus dans la rue. Combien étaient-ils après les assassinats sauvages de Mohamed Merah ?
4- Le racisme, l’antisémitisme connaissent dans notre pays une croissance exponentielle : + 91 % d’actes antisémites sur les sept premiers mois de l’année 2014 (Ministère de l’Intérieur, 2014), 35 % des Français se disent racistes (CNCDH, 2014), 59 % des Français pensent que le racisme a augmenté lors des trente dernières années (OpinionWay/Licra, 2013).
Pour un Grenelle de la Fraternité
Le gouvernement allemand, confronté aux mêmes constats, vient de débloquer 30 millions d’euros pour un projet de cinq ans visant à lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Qu’attend-on en France ? Il n’est plus possible de nous contenter de grandes et belles déclarations. On ne rétablira pas le lien social sans s’en donner les moyens. Si le combat pour l’emploi est une priorité, celui pour le « vivre ensemble » en est l’une des conditions. Tout le monde doit y contribuer, du sommet de l’État aux élus locaux, du monde du travail aux associations, de l’école aux terrains de sport.
À cette fin, la Licra a lancé l’idée d’un Grenelle de la Fraternité. Lors de ses Universités, le Défenseur des droits Jacques Toubon a dit son soutien à ce projet. Il est temps de poser les vrais problèmes, sans candeur ni langue de bois, et d’arrêter un plan quinquennal avec des objectifs clairs et les moyens nécessaires pour les atteindre. Avant qu’il ne soit trop tard. Pour que la France de nos enfants ne soit pas celle que leur prédisent ceux qui n’aiment pas la France.