Allocution remaniée de Serge Ayoub lors de la 8ème journée de Synthèse nationale, sur le thème « Nations et Civilisations ».
Occident
On ne conçoit généralement la nation que comme une brique d’un super-ensemble, la civilisation. On s’en tient généralement à cette relation conceptuelle de la partie au tout : la civilisation serait l’ensemble des dénominateurs communs d’un groupe de nations. La civilisation a donc souvent ce caractère flou et distant des concepts mous, facilement utilisable comme justificatifs de toutes les politiques. Et rares, même dans le camp national, sont les efforts pour définir en profondeur ce qu’est une civilisation, et surtout, ce qu’est la nôtre.
Qu’est ce donc que la civilisation ? C’est à la fois la durée et l’histoire. C’est à la fois la permanence d’une identité et un sens, une évolution, donc des changements. Dont les articulations dessinent des séquences et des « ères ». La Rome antique est une « ère » de l’Europe, c’est-à-dire un ensemble de séquences qui ont une cohérence entre elles, ainsi qu’un début et une fin.
Par opposition, la répétition cyclique d’un même état n’est pas une civilisation, de même par exemple que la photocopie d’une même journée ne fera jamais une vie. Autre exemple : les générations de chasseurs cueilleurs du paléolithique ne sont pas une civilisation.
Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont que le présent. Sans conscience du passé, ils ne se projettent pas dans l’avenir. Dire qu’il y a une civilisation européenne âgée de 30 mille ans est un abus de langage, car la possibilité d’une civilisation naît avec l’agriculture et la sédentarité, il y a environ 10 mille ans. Une civilisation, comme une nation et un homme, ça naît, ça vit, et ça meurt. Pour autant, l’identité, la permanence, la substance, sont tout autant constitutives d’une civilisation que son évolution. S’il y a évolution, il faut bien qu’il y ait un sujet de cette évolution, autant qu’un prédicat ne fera jamais une proposition à lui seul. La question de la civilisation ne peut logiquement se départir de la question de ce qui demeure à travers ces grandes ères que sont les civilisations.
Ce qui caractérise, notre civilisation occidentale, c’est à la fois son histoire (donc l’histoire de ses évolutions) et sa permanence, donc son identité. Cette identité est, de manière primordiale, indo-européenne. Depuis près de 2000 ans, elle est de culture pagano-chrétienne, et gréco-latine. Elle existe sur un territoire donné, l’Europe, et avec des peuples déterminés, pour l’essentiel des slaves, des celtes, des germains, des gréco-latins. Ce qu’on appelle l’Occident n’est en ce sens qu’une excroissance de la civilisation européenne, auquel nous avons annexé l’Amérique du Nord et une partie de l’Océanie.
Intéressons nous maintenant à notre ère, puisque c’est elle qui définit précisément notre civilisation. Elle est le fruit d’une mutation radicale, qui influence la perception même du temps au sein de notre civilisation.
Cette rupture historique, ce n’est ni la Révolution française, ni les Lumières, mais à la révolution industrielle que nous la devons. Notre civilisation est l’Europe industrialisée, l’Europe des modes de vie capitaliste. L’industrialisation est la caractéristique dominante de notre civilisation occidentale actuelle. En moins de deux cents ans, elle a changé profondément nos modes de vie.
Rappelons que du néolithique au XVIIIème siècle, les conditions d’existence des Européens, essentiellement basées sur l’agriculture, n’ont pas fondamentalement changé.
La principale rupture se fait entre 1820 et les années 1970. Un exode rural massif transforme notre civilisation en créant une nouvelle classe sociale, urbaine, la classe ouvrière. C’est une classe détachée de son tissu social traditionnel et qui s’agglutine dans des cités ouvrières. Pour la première fois une catégorie sociale entière est massivement déracinée. Un pan considérable de la population cesse d’avoir son quotidien réglé par les rythmes naturels des jours et des saisons. Il s’agit d’une rupture anthropologique aussi importante que la révolution agricole du néolithique.
Aujourd’hui en 2014, la communauté traditionnelle par excellence, les agriculteurs représentent, à ce jour moins de 3 % des actifs. D’ailleurs la grande majorité d’entre eux s’est adaptée à une agriculture intensive capitaliste moderne qui a peu à voir avec les modes de production traditionnels.
Détaillons rapidement les grands traits de la révolution industrielle.