En cette période de crise, d’explosion du chômage et de contestation sociale qui font mécaniquement augmenter la violence politique, les réseaux de pouvoir lancent de grandes manœuvres. Pour neutraliser la colère populaire, il faut plus que le néoconservatisme de la droite zemmourienne [1], le Système a besoin d’une nouvelle gauche, qui ne soit ni immigrationniste ni mondialiste, mais une gauche « souverainiste » et « enraciné » en apparence, en somme un néoconservatisme de gauche, incarnés aujourd’hui par le magazine Marianne et Michel Onfray.
Michel Onfray : du libertarisme soixante-huitard au néoconservatisme en passant par le judéo-criticisme
Que l’on ne s’y trompe pas, Michel Onfray, dans cette manœuvre, est une tête de gondole, une personnalité à laquelle les Français peuvent s’identifier : il vient du terroir, a connu une ascension sociale, certes avec une pseudo philosophie sans aucun grand concept, mais grâce à un positionnement antichrétien, gauchiste, antiraciste et libertaire. Un Français qui a fait de l’anti-France son fond de commerce initial et son ascenseur social.
Libertaire jusqu’à un âge avancé, il fait, depuis quelques années, montre d’un attachement au peuple, notamment avec son université populaire. Mais cela n’a pas toujours été le cas. En 2003, dans les colonnes de Libération il vomit sur la France en sous-entendant au passage que les électeurs du FN (dont une partie vient du communisme) sont des antisémites et des racistes :
« La présence de Le Pen au deuxième tour de la présidentielle me paraît dans la société française une déflagration comparable aux déchirements provoqués à la fin du XIXe siècle par l’affaire Dreyfus […] Sur l’idée, qui est de nouveau la nôtre, que le racisme et la haine, le FN aujourd’hui, font leur lit sur un défaut de culture et même sur son empêchement. Il suffit de lire le programme culturel de Le Pen : folklore, racines, patrimoine franco-français. » [2]
La revue Faits & Documents [3] dressait, en 2015, le portrait de Michel Onfray : fils d’un ouvrier agricole et d’une femme de ménage issue de la DDASS, le petit Michel vit une enfance pauvre en Normandie et est placé dans un orphelinat catholique. Devenu professeur de philosophie en lycée technique, il se définit comme anarchiste libertaire. Édité chez Jean-Paul ENTHOVEN dans une collection de Bernard-Henri LÉVY. Grâce à Grasset, Michel Onfray accède à la notoriété et aux grands médias. Il participe à cette occasion à la revue La Règle du jeu de BHL.
Depuis lors, Michel Onfray a tenté de se retourner contre ses maîtres qui l’ont fabriqué médiatiquement : il commet un livre contre la vache sacrée Freud, Le Crépuscule d’une idole (2010) et fait la promotion, en 2012, des travaux de Jean Soler contre la Bible hébraïque.
Le grand rabbin de France, Haïm KORSIA, a rappelé à l’ordre Michel Onfray dans un texte titré Jean Soler ou les démons de Michel Onfray [4] publié dans L’Express le 26 juin 2012. Le philosophe rebelle n’a pas répondu (c’est le rabbin qui le souligne en introduction de son texte).
Le grand rabbin de France s’adresse personnellement à Onfray :
« Ce que vous dites à mots à peine cachés est terrible de responsabilité envers les esprits faibles qui risqueraient de vous croire : « [Le judaïsme] suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui. » Malheureusement, c’est l’antisémitisme « qui dure jusqu’aujourd’hui », et celui des intellectuels n’est pas moins violent que celui des nervis de telle ou telle mouvance. Ne sortez pas les démons de la bouteille avec de tels appels à la haine, car les nuages sont de retour sur notre vieille Europe et l’horreur récente de Toulouse est là pour nous le rappeler. »
Faits & Documents rappelle (dans ses articles de 2015) comment Michel Onfray, après cet épisode où il a été trainé dans la boue par l’élite communautariste, a fait techouva (repentance) :
« Comme pour dissiper l’accusation d’antisémitisme (rédhibitoire quant à la visibilité médiatique et à l’attribution de subventions), Michel Onfray s’est rendu par deux fois en Israël au cours des deux dernières années. Tout d’abord, il a présenté son livre L’Ordre libertaire. La vie philosophique d’Albert Camus à l’Université de Tel-Aviv le 14 mars 2013, une conférence introduite par ces mots : “J’ai l’impression d’être chez moi en Israël”.
Pendant son séjour, il déclare à Jean-Patrick Grumberg (17 mars 2013) : “Je crois qu’Israël montre ce qu’est un Occident découplé de l’Europe. Je suis un farouche défenseur des valeurs de l’Occident – liberté, égalité, fraternité, laïcité, féminisme. On voit donc, à Tel-Aviv, […] un Occident non européen avec ce que Nietzsche nommerait une ’grande santé’, une vitalité – des corps montrés sans complexes, une jeunesse radieuse, un nombre incroyable de femmes enceintes, de couples avec des enfants ou des poussettes. Le versant solaire de la Méditerranée se manifeste sur les plages de Tel-Aviv alors que le versant nocturne des trois monothéismes fait la loi à Jérusalem.”
À en croire son interview, le 22 avril, donnée à la Radio de la communauté juive à Paris, Tel-Aviv serait même une Athènes contemporaine : “Tel-Aviv est une ville très hédoniste. […] Quand je suis sur une terrasse au bord de la mer à Tel-Aviv, j’ai vraiment l’impression qu’on est chez Homère, qu’on n’est pas loin d’Eschyle et de Sophocle”. Le 28 octobre 2014, il sera de nouveau à Tel-Aviv pour une rencontre avec le public israélien autour de son œuvre, rencontre organisée par l’ambassade de France et l’Institut français de Tel-Aviv. »
En 2015, il publie un livre, Penser l’islam (toujours aux Éditions Grasset, dirigés par Olivier NORA [5], neveu de Pierre NORA et fils de Simon NORA, conseiller de Pierre Mendès France), et rejoint ainsi Éric Zemmour dans le camp néoconservateur pro-israélien.
Après la mort de sa première femme atteinte d’un cancer, et euthanasiée sur sa demande, Onfray se remarie, fin 2018, avec Dorothée SCHWARTZ (qui était sa maitresse du vivant de sa femme). Issue de la communauté juive, elle gère depuis la communication d’Onfray, son site, et sa carrière.
Tout cela fait de lui le candidat idéal pour contenir et détourner la colère populaire.
Qui est derrière le Front populaire d’Onfray ?
L’homme derrière le média d’Onfray, le cofondateur du Front populaire, est un producteur audiovisuel, Stéphane Simon. Il est à la tête de TéléParis qui est, d’après Le Journal Du Dimanche, « l’une des PME les plus dynamiques et créatives du secteur ». Stéphane Simon, « un discret qui chuchote plus qu’il ne parle, a mis, il y a presque trente ans, ses pas dans ceux de Thierry Ardisson, dont il produit Salut les Terriens !, sur Canal+ ». Canal +, propriété de Vincent Bolloré, patron d’Éric Zemmour.
C’est d’ailleurs Stéphane Simon qui convainc, en 1987, Pierrette Le Pen de poser nue dans Playboy. Il raconte, amusé : « Jean-Marie Le Pen, qui pensait que j’étais juif, croyait à un coup tordu monté avec son ex-femme ; il me vomissait » [6].
En 2015, Stéphane Simon investit Internet et se lance dans l’édition de Web TV via le projet MICA (Médias indépendants de communautés actives), car, dit-il, « l’avenir est aux médias digitaux et de niche ». L’objectif stratégique non dit étant évidemment d’occuper le terrain des médias alternatifs qualifiés de « complotistes » et d’« antisémites ».
Simon créé et produit les chaînes d’Aymeric Caron, de l’hystérique judéo-sioniste Élizabeth LÉVY, de l’agent israélien Gilles-William GOLDNADEL et d’André BERCOFF (La France Libre TV, devenue Goldnadel.TV : Média des Résistances), ainsi que celle de Natacha Polony (Polony TV) [7].
En septembre 2016 il avait créé Michel Onfray TV (12 000 abonnés payants).
En mai 2020, il cofonde avec Michel Onfray le site d’actualité et de débat Front populaire qui publiera également une revue en vente en kiosque [8]. Le Front populaire se veut un projet rassemblant les souverainistes de gauche comme de droite dans la perspective de 2020.
Curieusement, cette revue anti-système bénéficie d’une couverture médiatique massive. Du Figaro à Marianne, en passant par Canal+...
Parmi les auteurs du Front populaire on trouve Jean-Pierre Chevènement, Georges Kuzmanovic (qui a quitté le parti de Mélenchon), Jacline Mouraud, la fausse Gilet jaune désavouée par le mouvement, Jacques Sapir, qui mange à tous les râteliers et occupe toutes les places qu’il peut, ou encore Philippe de Villiers.
Le journal Le Monde a publié un article titré « Avec sa nouvelle revue ‘‘Front populaire’’, Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite » [9]. Onfray a riposté en rappelant que Le Monde avait « publié des écrits NÉGATIONNISTES » ; en référence au texte de Robert Faurrisson, titré « Le problème des chambres à gaz » et publié dans Le Monde en juin 1977 [10].
Face au Monde, Onfray bénéficie du soutien de l’aile droite du judaïsme politique, représenté notamment par Élizabeth Lévy qui l’a défendu sur les ondes de Sud Radio :
« La méthode (du journal Le Monde) est digne des procès de Moscou. Parce que cet article ne discute pas les idées, il tente de disqualifier la personne, les personnes. Alors on dresse des listes noires…
Le Monde franchi un nouveau degré, parce qu’il attaque le philosophe sur ses lecteurs. Ils ont épluchés la liste des 17 000 abonnés souscripteurs et ils en ont sorti triomphalement cinq ou six noms dont celui d’Alain de Benoist et Robert Ménard. Le premier crime d’Onfray c’est de plaire à des gens qui déplaisent au Monde.
C’est toujours la même rengaine, le rapprochement avec les deux rives : Chevènement avec de Villiers quelle horreur !
On salit des belles idées de gauche avec les mauvaises fréquentations de droite. Ces gens parlent de l’islam, ils parlent de nation, ils parlent d’enracinement… Bref, ils n’adhèrent pas à la vision sans-frontiériste et multiculti du Monde. » [11]
Élizabeth Lévy qui adoube Onfray, cela revient à une approbation du CRIF... D’ailleurs, au cas où l’on n’aurait pas compris le but du Front populaire, Onfray, interviewé par Causeur (le 18 mai 2020) – le journal d’Élizabeth Lévy cofondé avec l’historien israélien Gil Mihaely – s’aplatit :
« Le judaïsme ne cherche pas à convertir, il me va donc très bien ; le christianisme cherchait à convertir mais il n’en a plus les moyens, donc il me convient ; en revanche l’islam revendique clairement l’universalisation de sa doctrine et, comme je suis concerné et que je ne suis pas antisémite, homophobe, misogyne, phallocrate, belliciste – des « valeurs » selon nombre de sourates du Coran, il est en effet plus à craindre. » [12]
Vous l’aurez compris, le Front populaire n’a pas été fondé pour désigner aux Français les 0,1 % au pouvoir qui ont conduit le pays à la catastrophe actuelle, il est au contraire un moyen de dévier la colère populaire vers un tiers.
L’alliance Onfray/Zemmour, un mauvais calcul
Une manœuvre qui est censée empêcher la révolte des Français qui a commencé avec les Gilets jaunes – dont la fourchette des salaires se situaient entre 1 000 et 1 500 euros mensuels – et qui pourrait à terme être rejoints par ce qu’on appelle la classe moyenne (en cours d’érosion), contre l’oligarchie (les 0,1 %). Oligarchie à laquelle est rattachée la bourgeoisie de gauche comme de droite.
Cette bourgeoisie, qui a voté massivement pour Emmanuel Macron en 2017, est en partie celle à laquelle s’adressent Éric Zemmour et ses camarades. Cette « droite hors les murs » représente une proposition politique qu’on peut appeler « conservatisme libérale », connu aussi sous le vocable de « néoconservatisme ». Un alliage de deux philosophies politiques antinomiques : le conservatisme et le libéralisme.
Ce courant correspond toutefois à une réalité sociologique, l’alliance objective des bourgeoisies traditionnelle (droite) et libérale progressiste (gauche). En France, par exemple, les partisans de la Manif pour tous (la bourgeoisie catholique et conservatrice qui s’est opposée au mariage homosexuel et à l’homoparentalité), ont massivement voté pour le pro LGBT Emmanuel Macron en 2017 (76 % à Versailles) ; et de la même façon, l’électorat de la gauche bourgeoise, opposée verbalement à la finance internationale, a voté au second tour pour le même candidat, ce banquier estampillé Rothschild. 52 % des électeurs de Mélenchon ont voté pour Macron au second tour.
Le philosophe français Jean-Claude Michéa résume ainsi la contradiction des conservateurs libéraux :
« On peut difficilement concilier l’idée que le dimanche est le jour du Seigneur ou des activités familiales et l’idée qu’il devrait être un jour ouvrable comme les autres. Le modèle économique vise d’abord à produire, vendre et acheter tout ce qui peut être produit ou vendu, qu’il s’agisse d’un écran plat, d’une kalachnikov ou du ventre d’une mère porteuse. » [13]
Cette contradiction vient s’ajouter à la difficulté pour les néoconservateurs libéraux d’attirer à eux l’électorat populaire. Raison pour laquelle on envoie Michel Onfray – le libertaire soixante-huitard qui a soudainement adopté un discours conservateur populiste – soutenir Zemmour et opérer la jonction entre l’électorat bourgeois et celui de la France périphérique.
Mais il y a là une erreur de calcul. Onfray n’a jamais eu d’influence sur la France populaire. Ne représentant que lui-même, il s’est greffé seul à la mouvance néoconservatrice en faisant des déclarations délirantes sur Israël et le choc des civilisations. [14]
Onfray s’est annulé politiquement avant même d’avoir une existence.