Les événements des derniers jours ont montré que l’impérialisme américain – en étroite collaboration avec son principal allié au Moyen-Orient, Israël – se dirige vers un affrontement militaire direct avec l’Iran.
À peine une semaine et demie avant la date butoir du 12 mai [2018] où le président Donald Trump doit annoncer s’il allait ou pas revoir la suspension des sanctions unilatérales des États-Unis contre l’Iran inscrite dans l’accord nucléaire iranien de 2015, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a organisé une présentation théâtrale prétendant avoir « la preuve » que « l’Iran a menti » sur son programme nucléaire. Il a ensuite exprimé sa confiance que Trump « ferait le bon choix », c’est-à-dire celui de saborder l’accord nucléaire – l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, ou JCPOA – conclu entre l’Iran et cinq grandes puissances : les USA, la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, la Chine et la Russie.
Trump a salué la présentation théâtrale de Netanyahou comme une confirmation qu’il avait eu « raison à 100 pour cent » en dénonçant l’accord nucléaire comme un « horrible accord ».
En réalité, les experts nucléaires internationaux, les représentants européens et même les anciens responsables du renseignement israélien ont tous rejeté la performance de Netanyahou comme une farce. Le gouvernement israélien, qui prétend avoir volé des centaines de milliers de dossiers à l’Iran, n’a produit aucune preuve que l’Iran ait participé à une forme quelconque de programme d’armes nucléaires depuis 15 ans, et encore moins qu’il ait violé les termes du JCPOA. Des rapports répétés de l’Agence internationale de l’énergie atomique, dont un datant de février, ont établi que Téhéran respectait les restrictions sévères sur l’enrichissement d’uranium et le régime d’inspections intrusives imposées par l’accord.
La performance de Netanyahou rappelait la mise en scène de Colin Powell en 2003 où ce dernier présenta ce qu’il a décrit comme une « preuve, pas une conjecture » d’« armes de destruction massive » irakiennes – inexistantes – dont on se servit pour justifier la guerre d’agression américaine contre l’Irak un mois plus tard. Powell raconta du moins des mensonges qui prétendaient étayer les fausses allégations américaines de méfaits irakiens ; Netanyahou n’a rien présenté du tout.
La présentation israélienne, délivrée en anglais, a été orchestrée en concertation directe avec Trump, à qui Netanyahou avait parlé peu de temps avant sa diffusion, et avec le nouveau secrétaire d’État américain Mike Pompeo qui l’avait rencontré, avec d’autres responsables, à Tel Aviv la veille.
Derrière tout le chaos et les scandales de l’administration Trump, ce qui a clairement émergé à Washington c’est un gouvernement de guerre avec la nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale et la confirmation de Pompeo par le Sénat – avec l’indispensable soutien des démocrates – en tant que secrétaire d’État. Tous deux sont de fervents défenseurs d’une guerre avec l’Iran.
Bolton a décrit l’accord nucléaire de 2015 comme une « erreur stratégique massive », insistant sur le fait que la politique américaine devait être de « mettre fin à la révolution islamique de 1979 en Iran avant son quarantième anniversaire » en février prochain. Le changement de régime à Téhéran, selon le nouveau conseiller à la sécurité nationale, devrait être réalisé par une action militaire directe. « Pour arrêter la bombe de l’Iran, attaquez l’Iran. » fut le titre d’un article qu’il avait écrit pour le New York Times peu de temps avant l’accord sur le JCPOA.
La guerre américano-israélienne contre l’Iran a déjà commencé. Les frappes menées par les avions de combat israéliens F-15 fournis par les États-Unis contre les bases militaires syriennes dimanche soir ont tué plus d’une vingtaine d’Iraniens. Cela porte à cinq le nombre d’attaques israéliennes contre la Syrie depuis septembre. Toutes ont pris pour cible les forces de l’Iran. Avec la Russie, Téhéran est le principal allié du gouvernement Assad, que Washington et ses alliés ont cherché à renverser par une guerre de changement de régime qui dure depuis sept ans.
Des informations en provenance d’Israël ont également indiqué un redéploiement important de chars, de troupes et des transport de troupes blindés vers les frontières nord du pays avec la Syrie et le Liban.
« Sur la liste de sites potentiels d’éclatement d’hostilités les plus probables dans le monde, le conflit entre Israël et l’Iran en Syrie figure en tête », a déclaré un haut responsable américain à NBC News mardi.
La collaboration intime entre Washington et Tel-Aviv dans la préparation d’une telle guerre a été mise en évidence par l’extraordinaire frénésie de réunions entre les hauts responsables militaires et de sécurité américains et israéliens qui se déplacent entrent les capitales des deux pays. Cela a été complété par l’envoi de Pompeo au Moyen-Orient, avant même d’assumer ses fonctions au département d’État, où il a non seulement consulté Netanyahou et d’autres responsables, mais aussi rencontré des responsables saoudiens et jordaniens afin de forger un bloc de régimes arabes monarchiques réactionnaires derrière la campagne de guerre israélo-américaine.
Il n’y a derrière cette course à la guerre aucune inquiétude supposée concernant une menace nucléaire iranienne : Téhéran n’a pas de bombe et n’a jamais lancé de véritable programme pour en produire une, alors que l’arsenal israélien comprend lui, entre 200 et 400 têtes nucléaires. Au contraire, ce qui est en jeu, ce sont de purs intérêts impérialistes.
En tant que puissance régionale, l’Iran constitue un obstacle à la volonté de l’impérialisme américain d’affirmer son hégémonie sur le Moyen-Orient, riche en pétrole et stratégiquement vital.
Les puissances européennes sont de plus en plus en désaccord avec Washington. Après les visites de Macron et d’Angela Merkel, un échec apparemment malgré leur servilité, à persuader le gouvernement Trump de ne pas déchirer l’accord nucléaire iranien, les discussions des dirigeants européens avec la premier ministre britannique May au cours du week-end ont semble-t-il porté sur la possibilité ou non de sauver l’accord sans les États-Unis. Il y a en jeu tant la crainte d’une guerre régionale majeure qui ne déborde sur l’Europe sous forme de violence, de crise politique et d’un nouveau flux de réfugiés, que des intérêts de profit bien précis.