Les eurodéputés ont vivement critiqué mercredi l’accord de principe conclu entre l’UE et la Turquie, accusant les dirigeants européens d’avoir « cédé au chantage » d’Ankara en échange de son aide pour gérer la crise migratoire.
De la droite à la gauche, des Verts aux populistes eurosceptiques, nombre de parlementaires ont tiré à boulets rouges sur le projet d’accord avec la Turquie, agréé à l’issue d’un sommet extraordinaire dans la nuit de lundi à mardi à Bruxelles, et les « marchandages » qui l’ont accompagné.
« Ce que nous faisons, c’est donner les clés des portes de l’Europe au sultan Erdogan. Je trouve ça hautement problématique », a résumé le chef de file des élus libéraux Guy Verhofstadt, lors d’un long débat animé dans l’hémicycle strasbourgeois.
Les dirigeants européens se sont donné jusqu’au sommet prévu la semaine prochaine pour finaliser leur nouvel accord avec Ankara, qui accepterait la réadmission sur son territoire de tous les migrants arrivés clandestinement en Grèce, y compris les Syriens, à condition que les Européens s’engagent, pour chacun d’entre eux, à transférer un réfugié depuis la Turquie vers le territoire de l’UE.
En contrepartie, la Turquie exige trois milliards d’euros d’aide supplémentaire d’ici à 2018, une exemption de visas dès la fin juin pour ses ressortissants voulant voyager dans l’UE, et l’ouverture rapide de négociations sur cinq nouveaux chapitres d’adhésion.
Commentant ces exigences, Manfred Weber, le président du groupe PPE (droite et centre droit), a appelé à ne pas donner de « chèque en blanc » à Ankara. Il a qualifié d’« inacceptables » les atteintes à la liberté de la presse en Turquie, et la récente mise sous tutelle du journal d’opposition Zaman.
« Il ne faut pas mélanger le dialogue sur les réfugiés avec les négociations sur l’adhésion (de la Turquie) à l’Union européenne », a renchéri son homologue socialiste Gianni Pittella.
De son côté, le coprésident du groupe des Verts, Philippe Lamberts, a fustigé une « faillite morale ». « On déroule le tapis rouge à un régime qui musèle sa presse (...) et bombarde sa propre population », a martelé M. Lamberts, en faisant allusion au conflit kurde en Turquie.
« Cet accord marque un tournant brutal dans la stratégie de gestion de la crise des réfugiés. Nous avons décidé de sous-traiter en réalité le droit d’asile, ce qui en pratique revient à le violer », a commenté pour sa part la présidente de la commission des droits de l’Homme au Parlement européen, la socialiste Elena Valenciano, s’exprimant sur une radio espagnole.