Jeudi matin, 5 h 30. Dans la cour de la caserne de la CRS 13, à Saint-Brieuc, les rangs sont particulièrement clairsemés. Commandement compris, ils ne sont que 31 policiers à être présents [1].
Ce jour-là, la compagnie doit pourtant accompagner le président de la République dans son déplacement à Brest. Problème, 43 CRS briochins sont en arrêt de travail. Une épidémie ? Pas vraiment. « Ce n’était pas un mouvement de grève puisque nous n’avons pas le droit mais un mouvement de grogne », explique Franck Le Bail, du syndicat Alliance. « Se faire porter pâle était la seule façon de montrer notre mécontentement. Et avec la venue de François Hollande, la symbolique était forte ».
« Un merci n’étanche pas la soif »
Les motifs du « ras-le-bol des CRS » ? « Depuis le mois de janvier et les attentats, nous sommes sans cesse en déplacement, corvéables à merci. Nous n’avons plus de vie de famille. Le ministre Bernard Cazeneuve ne cesse de féliciter les forces de l’ordre. Mais comme le disent mes collègues, un merci n’étanche pas la soif ».
Ces dernières semaines, les syndicats de CRS sont en effet en pleines négociations avec le ministère de l’Intérieur qui n’accède pas à leurs revendications [2] concernant la revalorisation de l’indemnité journalière d’absence temporaire (fixée depuis treize ans à 30 €).
« Les collègues sont fatigués d’être employés de façon intensive et désorganisée. Face à nos demandes, l’administration n’oppose que du mépris », ajoute Sébastien Rabillet, le secrétaire délégué régional CRS d’Alliance. Autre raison de la grogne : le manque d’effectif et la nature des missions confiées au CRS.
« Nous sommes devenus des vigiles, utilisés pour faire des gardes statiques devant les ambassades ou lors des points presse. Il faut recentrer nos tâches sur le coeur de notre métier : faire régner l’ordre public », continue Franck Le Bail, avant de conclure : « En trente ans de police, je n’ai jamais observé un tel mécontentement chez nous. Et ça risque de s’amplifier... ».