Autrefois, Askolovitch était un sioniste avéré, mais mesuré. Depuis quelques mois, sur la Toile, ses propos ont passé la surmultipliée. Il agonit d’insultes « ses » opposants idéologiques, multiplie les provocations, distribue les bons points médiatiques – souvent Godwin –, et règle la circulation des idées sur Twitter. Peut-être est-ce la chute prévisible d’i>Télé qui a mis ce policier de la pensée (des autres) à la rue. toujours est-il qu’il intervient sur tous les terrains chauds, sans toutefois aller en Syrie ou à Gaza : le foot avec ses réminiscences nationalistes, la politique avec le pointage du museau de la Bête immonde, il n’est pas un débat où ce touche-à-tout n’intervienne, à toute heure, avec son sifflet d’arbitre autoproclamé. Aujourd’hui, sa cible, c’est le vichyste fasciste révisionniste Eric Zemmour. Ce n’est pas nous qui le disons, mais lui, dans Slate.
Sur Twitter, les curieux auront observé une radicalisation de celui qui avait immédiatement excusé les agressions sexuelles de DSK, en 2011. Sans que personne ne lui demande rien ou ne le mandate, mais c’est le jeu de la démocratie, Claude saute sur les débats en cours, sépare les belligérants, donne des leçons et des baffes. Récemment, il a été ulcéré par l’intervention d’Éric Zemmour à la Grande synagogue (ou Grande Synagogue, c’est plus sûr), où le polémiste faisait non pas l’apologie du régime antisémite de Vichy, mais le juste rappel d’un fait : Pétain a donné aux Allemands les juifs étrangers pour sauver les juifs français. Quelle que soit leur appellation – le terme israélites n’ayant pas l’heur de plaire à notre juge-arbitre – si 10% des juifs français ont disparu dans la Shoah, 90% n’ont pas péri. Ce qui, à l’époque, est une gageure. Surtout pour un régime dit collaborationniste.
« Tout est dans une phrase : “Et d’ailleurs c’est en partie vrai”… Vrai donc qu’en 1940, les juifs sont des colonisateurs ? Arrogants ? Voleurs de pratiques ? Tenant les médias ? Si c’est “en partie vrai”, Zemmour est “en partie” fasciste. Il défend “en partie” ce que les feuilles antisémites assénaient, avant la guerre et et après la défaite. »
Mais ce qui scandalise profondément Askolovitch, finalement, ce n’est pas le débat paxtonien sur Vichy et les juifs, Vichy et ses juifs. C’est la phrase venimeuse, que nous avions déjà relevée, sur l’importance du pouvoir manifeste des juifs de l’époque. Une phrase contenant deux mots interdits : « l’arrogance des colonisateurs ». Et ça, ça résonne douloureusement dans le présent. On a tous bien compris que la Shoah n’était qu’un bouclier utilisé par les groupes de pression contemporains pour consolider une situation politiquement délicate : celle d’avoir volé leur terre aux Palestiniens, sans compter les « prises de guerre » de 1967, à savoir une partie du Sinaï aux Égyptiens et le plateau du Golan aux Syriens. Netanyahou a d’ailleurs dit qu’il ne reviendrait pas dessus, s’asseyant de la sorte sur le droit international. Là est la clé plus ou moins consciente du discours askolovitchien, et, par extension, de celui de tous les représentants directs ou indirects du CRIF et de la LICRA. Pour ne citer que les plus insistants.
« Zemmour, qui entretient méthodiquement l’hostilité contre les arabos-musulmans dans la France contemporaine, puisque l’immigration nous détruirait, valide en passant par Vichy la “préférence nationale” qu’il appelle de ses vœux. Il le dit, à La Victoire. Au fond, il faut minimiser ce que Pétain faisait aux juifs – simplement des lois d’exceptions, simplement des dénaturalisations – puisqu’il faudra en venir là pour nos “États confédérés”, bistres et mahométans. »
La Shoah, ce passé qui ne passe pas, en dehors du devoir des historiens, c’est juste un prétexte, seul la mainmise sur le présent compte. Il reste à Askolovitch de pinailler sur le (soi-disant) pouvoir juif de l’époque, qui ne serait pas un fait mais une vision fasciste des choses. Transformer un fait en opinion, permet de le réduire, jusqu’à le faire disparaître. Procédé trotskiste de base, dont on ne sait même pas s’il en est. Quant au pinaillage sur les « ashkénazes » qui seraient la bête noire de Zemmour, il faudra dire la vérité à Askolovitch : tout le monde s’en fout, dans la France de 2016, qui a d’autres chats à fouetter. Le bretteur a beau plonger Zemmour dans les bains les plus acides – le « fasciste », le « bon nègre », le « salaud » (au sens sartrien, on l’espère), et à la fin de la diatribe, le terrible « révisionniste », la fameuse haine de soi qu’a très bien analysée Gilad Atzmon dans Quel juif errant ? – cela n’en fait pas des arguments dignes d’un débat intellectuel respectable. À défaut de rationnel, on convoque l’émotionnel :
« Zemmour n’est pas très intéressé par la vérité des morts. Il dit que 100% des juifs hollandais furent tués pendant la guerre, puiqu’ils n’avaient pas de Vichy pour les protéger. Non, 20% survécurent. Dont la famille de ma mère. C’est un peu plus qu’un détail. Il y a juste un moment où la promenade spécieuse dans les cadavres devient désobligeante. »
Askolovitch dégorge sa baignoire à rancœurs et l’on comprend que derrière tout ça, il y a cette bonne vieille jalousie, celle de l’intellectuel de gauche qui a perdu la partie, et qui s’en prend à l’intellectuel de droite qui monte, qui compte, et qui pèse dans la bataille des idées. C’est un règlement de comptes à coups de « shoah », de « vichy » et d’« auschwitz », qui laisse le peuple français indifférent. C’est comme si un joueur de foot faisait un interminable article pour se plaindre d’avoir perdu. La gauche socialiste a perdu la guerre des idées, et elle disparaîtra, telle le pharaon, avec ses esclaves. Le seul intérêt serait de comprendre pourquoi l’on a perdu, plutôt que de s’en prendre à son voisin, qui dit des choses dérangeantes, mais vraies. Quand on a été longtemps vainqueur, il faut apprendre à perdre.
« Il faudrait passer une existence à réfuter mot par mot les tricheries de Zemmour, en extraire le sens. Ce serait avilissant. Il n’en vaut pas la peine. Il n’est que le tricheur d’un méchant moment. »
Après plusieurs pages d’acharnement anti-zemmourien, on apprend que cet acharnement n’en vaut pas la peine. Il faut savoir : vaut la peine ou vaut pas la peine ? Nous ne prenons pas la défense de Zemmour, et laissons Askolovitch ivre de ses propos. Tout le monde a le droit de s’exprimer. Mais la rancœur fait dire des choses indignes au touche-à-tout d’i>Télé :
« En d’autres temps, il se serait trouvé quelqu’un pour lui demander raison, parce que l’idée de la France n’est pas une plaisanterie. »
Sous prétexte d’un nationalisme français qu’on ne lui connaissait pas, et qui semble convoqué pour un intérêt très momentané, Askolovitch montre les limites de son acception du débat démocratique. Quel que soit le calcul de Zemmour, il rue dans les brancards du lobby, laissant loin derrière lui les sionistes primaires. Nous assistons là à une évolution darwinienne dans le clan sioniste, avec élimination des plus faibles... argumenteurs. Il sera difficile pour les sionistes à l’ancienne de survivre à côté de Zemmour, qui a un coup d’avance. Faut-il s’en plaindre ?